La guerre à nos portes

Dans sa réponse à la lettre du Collectif contre la militarisation des vallées cévenoles, l’armée revient sur l’objectif de l’implantation de la légion étrangère dans la ferme de Bannière à Saint-Jean du Gard complétant les déclarations d’autres responsables militaires. Mis bout à bout ces propos font apparaître une perspective inquiétante qui se trouve renforcée par deux actualités militaires dans la région.

Dans sa lettre, l’armée dit vouloir s’installer à Bannière notamment pour contribuer à la « sécurité locale » ce qui pour le moins laisse pantois. Contre qui ou quoi faudrait-il qu’elle nous défende ? Elle annonce également qu’il n’est pas question d’interdire tout usage de munitions car cela « impliquerait des conséquences inacceptables pour les sociétés de chasse » avec lesquelles compte s’associer la légion pour « contribuer à la régulation du gibier ». Rappelons que le cahier des charges établi au moment de la vente lui interdisait les tirs. S’emparer de l’activité des chasseurs pour s’octroyer le droit de tirer n’augure pas des temps sereins.

Plusieurs responsables de la légion étrangère se sont exprimés dans les mois passés par voie de presse pour justifier ce projet d’achat de ferme. Ils expliquent qu’elle dispose d’une dizaine de fermes dans le Sud de la France qui servent à l’apprentissage de la tactique militaire, des manœuvres, des exercices de tirs, des marches etc. (Le Monde, 29.05.22). L’objectif déclaré de l’achat de Bannière est de « s’approprier encore davantage le département du Gard en rayonnant vers le nord » (Objectif Gard, 05.04.22). S’agirait-il de procéder à une jonction entre Nîmes, siège du 2e régiment étranger d’infanterie, et de la 13e demi-brigade de la Légion stationnée à La Cavalerie en Aveyron en passant par Saint-Jean du Gard ?

Force est de constater que la présence de militaires dans la région s’intensifie. Déjà en février et en septembre 2021, des légionnaires s’entraînaient en Lozère notamment en pleine ville de Mende (La Lozère nouvelle, 16.09.21). Actuellement, à partir du 12 septembre et pour un mois l’Aveyron est le théâtre d’un exercice militaire de grande ampleur dans lequel sont engagés plus de 3000 militaires, 300 engins et 30 hélicoptères. Les lieux exacts ne sont pas divulgués et la population risque d’être surprise de jour comme de nuit par des entraînements, des largages de parachutistes, la circulation de véhicules, des survols d’hélicoptères etc. Le centre ville de Rodez sera également investi par les forces spéciales. Le délégué militaire adjoint en Aveyron déclare : « C’est une préparation à une éventuelle guerre de haute intensité sur notre sol » (France 3, 12.09.22).

Cette opération gigantesque se déroule au même moment que le 1er forum des armées qui a lieu à Alès les 23 et 24 septembre. La population est invitée à une présentation de matériel et une démonstration de militaires de différents corps d’armée mais aussi à des parcours commando pour enfants. L’objectif est de valoriser l’action des armées et d’attirer les jeunes. La gendarmerie, la police et les pompiers seront également présents et tous cherchent à recruter (Midi-Libre, 12.09.22).

L’époque des guerres lointaines est bel et bien révolue. Si les villes ont été investies par les militaires dans le cadre des plans vigipirate et sentinelle, les campagnes semblaient à quelques exceptions près épargnées. Cette militarisation progressive du territoire interroge : Assistons nous à la volonté de contrôle de la population par un maillage militaire qui accompagne une préparation à des conflits armés de haute intensité ?

[Tissa]

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L’hiver approche…

La sobriété énergétique ? Voilà que des mots bien rarement prononcés par nos responsables politiques se retrouvent subitement placés sur le devant de la scène… ! La France se serait-elle enfin décidée à rattraper son considérable retard dans ses engagements à réduire ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 ? Aurait-elle enfin consenti à prendre au sérieux les catastrophes climatiques qui se déclenchent sous nos yeux à intervalles de plus en plus fréquents et réguliers ? Non bien sûr, ne rêvons pas ! La demande faite par le chef du gouvernement à ses concitoyens de réduire leur consommation énergétique cet hiver est plutôt à interpréter dans le cadre de la guerre en Ukraine et de ses conséquences sur la hausse du prix du kilowatt-heure que dans celui de l’écologie…

Cette politique du « petit geste » n’a d’ailleurs pas grand chose à voir avec l’idée de sobriété soutenue par les défenseurs de l’écologie politique. « Éteindre sa wifi quand on part en vacances » ou « baisser sa clim » sont des injonctions qui au contraire écartent du débat les questions fondamentales sur la soutenabilité de nos modes vies. Elles le dépolitisent d’autant plus qu’elles nourrissent l’espoir qu’une transformation majeure de la société pourrait advenir simplement si chacun y mettait un peu du sien. Pire encore, ces annonces, qui s’insèrent dans les politiques dites de développement durable ou de croissance verte, « rassurent sans résoudre structurellement les problèmes écologiques et sociaux. La croissance infinie n’existe pas et notre niveau de développement, n’est déjà plus durable… Ces croyances permettent seulement de donner bonne conscience au consommateur, tout en continuant à lui imposer le désir de l’avoir futile »1.

Car en effet, comment trouver un sens à de pareilles sollicitations dans une société de consommation qui crée toujours plus de besoins artificiels ? Hannah Arendt, dans la « Condition de l’homme moderne », écrivait en 1958 : « toute notre économie est devenue une économie de gaspillage dans laquelle il faut que les choses soient dévorées ou jetées presque aussi vite qu’elles apparaissent dans le monde pour que le processus lui-même ne subisse pas un arrêt catastrophique ». Partant de ce constat, comment rétablir un principe d’autolimitation et nous sortir de cette aliénation consumériste dont la seule perspective est la fuite en avant ? La question relève du politique et de la construction d’un nouveau projet de société basé sur des valeurs soutenables et enviables. Pour André Gorz, « l’autolimitation se déplace ainsi du niveau du choix individuel au niveau du projet social. La norme du suffisant, faute d’ancrage traditionnel, est à définir politiquement ». La mise en place d’un projet économique et social capable de restreindre le productivisme garantirait selon lui aux individus « une vie plus libre, plus détendue et plus riche. » Il pose franchement la question : « Quel monde voulons-nous ? Un capitalisme qui s’accommode des contraintes écologiques ou une révolution économique, sociale et culturelle qui abolit les contraintes du capitalisme et, par là même, instaure un nouveau rapport des hommes à la collectivité, à leur environnement et à la nature ? »2. Programme certainement plus ambitieux et enthousiasmant que les maigres propositions de suspendre cet hiver les illuminations des marchés de Noël…

Le plan énergétique porté par le gouvernement ne remet ainsi nullement en cause la croissance, bien au contraire. L’objectif est d’ailleurs clairement annoncé par son ministre délégué en charge de l’Industrie : « L’industrie est un gros consommateur d’énergie. Mais c’est un secteur qu’on souhaite au maximum préserver puisque derrière chaque consommation d’énergie, il y a de l’emploi et de l’activité ». L’industrie et le productivisme continueront donc bon gré mal gré, et ce sont les nouvelles technologies qui seront censées résoudre l’équation insoluble d’allier une croissance sans fin avec des ressources limitées. Les projets « innovants » – tous autant destructeurs de l’environnement et énergivores les uns que les autres, ne manquent d’ailleurs pas : stockage souterrain du carbone, implantation de « méga-bassines » pour les besoins en eau de l’agro-industrie, réacteurs nucléaires nouvelle génération, recours au tout-numérique malgré les ressources pharamineuses requises par les datacenters

Tandis que les industriels continueront d’empocher de nouveaux profits liés à la restructuration énergétique, la population se contentera de vivre avec les coupures et les restrictions. Et le catastrophisme d’État pourra aisément punir tout récalcitrant à ses injonctions. Il est d’ores et déjà prévu que si les incitations à plus de sobriété ne portent pas leurs fruits, des mesures contraignantes seront engagées. Comme l’indiquaient René Riesel et Jaime Semprun il y a une dizaine d’années : « Le capitalisme s’engage maintenant dans une phase où il va se trouver contraint de mettre en place tout un ensemble de techniques nouvelles de production d’énergie, d’extraction des minerais, de recyclage des déchets, etc., et de transformer en marchandises une partie des éléments naturels nécessaires à la vie. […] Les données scientifiques de la prise de conscience écologique sont utilisées et manipulées pour construire des mythes qui ont pour fonction de faire accepter comme impératifs absolus les efforts et sacrifices qui seront indispensables pour que s’accomplisse le nouveau cycle d’accumulation capitaliste qui s’annonce. »3

Inévitablement, les mesures prises par le gouvernement ne seront que difficilement acceptées tant qu’elles porteront en elles un caractère injuste et imposé. Car celles-ci exacerbent les inégalités sociales dans l’accès aux ressources et éludent la responsabilité d’une minorité privilégiée dans le saccage de la planète tout en culpabilisant le reste de la population. Demander des efforts à chacun pour limiter sa consommation énergétique prêterait presque à sourire si le sujet n’était pas déjà tragique : plus de 12 millions de français sont à ce jour considérés en précarité énergétique, peinent à se chauffer l’hiver ou à se déplacer, n’ayant soit pas de véhicule, soit rencontrant des difficultés pour payer le carburant… Pourtant, la sobriété devrait être pensée comme le rejet de la démesure ou du dépassement des limites et doit permettre que ceux qui ne parviennent pas aujourd’hui à satisfaire leurs besoins essentiels le puissent. C’est ce qu’affirmait Gorz : « L’énergie étant limitée, la surconsommation des uns condamne les autres à la misère. En assurant à chacun l’accès à l’énergie qui lui est nécessaire, le principe de sobriété énergétique empêche les surconsommations injustes et polluantes. » La polémique actuelle autour de l’utilisation des jets privés illustre particulièrement bien ce propos.

Le discours institutionnel détourne le sens originel de la sobriété pour aller vers une redéfinition au rabais. Ce terme fort, qui pendant longtemps a été un étendard de radicalité, est ici limité aux petits gestes, à une simple réduction des gaspillages prétendument compatible avec la croissance économique4. Le risque est grand de perdre de vue son sens politique et le fait qu’il pourrait être un important outil de justice sociale et de résistance face à l’extrême marchandisation de nos existences. Il importe donc de se poser les questions suivantes : le capitalisme industriel peut-il remédier aux ravages écologiques qu’il entraîne ? Les limites à la consommation énergétique seront-elles imposées par les défenseurs du système actuel pour sa perpétuation ou établies dans le cadre d’une lutte pour instaurer un nouveau projet politique soutenable ? Et plus largement, comme le titrait l’auteur d’un article récent sur le développement durable : jusqu’à quand va-t-on perpétuer la religion du Progrès ?5 Car comme pour toute forme d’oppression, les idéologies ne tombent que lorsqu’on les pousse…

[Fred]

1 Florian Tignol, « Repenser notre rapport à la sobriété », La Fabrique Écologique, Sept. 2020

2 André Gorz, « Leur écologie et la nôtre », Seuil, 2020

3 René Riesel, Jaime Semprun, « Catastrophisme, administration du désastre et soumission durable » – Éditions de l’Encyclopédie des nuisances, 2008

4 Voir l’article de Bruno Villalba, « De la sobriété imposée à la sobriété choisie », Reporterre, 8 mars 2016

5 Jacques Luzi , « Développement durable, jusqu’à quand va-t-on perpétuer la religion du progrès ? », Article paru dans « Greenwashing, Manuel pour dépolluer le débat public » – Seuil, 2022

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ÉTÉ CATASTROPHE, que font nos gouvernements ?

Nous, habitant.es de la France, avons subi de plein fouet, cet été 2022, les conséquences des désastres climatiques. Qui n’a pas souffert de la canicule, des feux de forêt, de la sécheresse ? Qui n’a pas assisté.e, impuissant.e, à la désolation des sols jaunis, de la terre devenue béton, des rivières sans plus une goutte d’eau, des glaciers qui s’effondrent dans nos vallées ?

Rappelons-nous, le président Jacques Chirac, avertissait le monde entier en 2002 à Johannesburg lors du sommet de la terre « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs ». Il n’a rien fait pour arrêter ce feu, ni lui ni aucun autre président qui lui a succédé.

Et pourtant, chaque année, des hauts fonctionnaires, experts, conseillers ainsi que des acteurs de la société civile des 180 États de la planète se penchent sur ce problème lors des conférences onusiennes pour le climat, les COP. Ce sont deux semaines de travail intense pour trouver des solutions, « acceptables par tous », c’est à dire des solutions confortables encore plus désastreuses pour le dérèglement climatique.

De plus, le groupe des experts du climat – GIEC – fournit des rapports suffisamment documentés qui permettraient de prendre les décisions appropriées. Sont-ils mis à contribution par pure démagogie ?

Alors :

> Pourquoi aucune décision efficace n’a-t-elle été prise depuis 20 ans ?

> Pourquoi les engagements ou les propositions des responsables politiques n’ont-ils pas pesé dans les négociations, ils auraient montré ainsi une réelle volonté d’agir pour au moins atténuer les conséquences dramatiques du dérèglement climatique ?

> Pourquoi, le président Macron a-t-il mis en place une convention citoyenne pour le climat ? Pourquoi avoir promis à ses membres de mettre en œuvre ou de soumettre à référendum toutes leurs propositions ? Pourquoi n’avoir retenu, au final, que 10% de leurs propositions ?

> Alors que le Conseil d’État a condamné l’État français pour inaction climatique le 14 octobre 2021 et l’a enjoint à prendre les mesures nécessaires, pourquoi le gouvernement a-t-il jugé que ses mesures déjà prévues étaient suffisantes ?

> La détresse est générale dans notre pays face aux feux de forêt tout azimut, alors pourquoi le gouvernement n’annonce t-il que des mesures de réparations, certes nécessaires, mais totalement insuffisantes ? Pourquoi ne pas réfléchir à une autre gestion de la forêt en France ?

> Pourquoi ne pas condamner les véritables criminels climatiques que sont les multinationales des énergies fossiles ? Cette utilisation massive des énergies fossiles dans les transports, les bâtiments et l’agriculture est bien la cause des émissions excessive de gaz à effet de serre

Une colère immense gronde en nous

Les choix de nos gouvernants sont dictés par les lobbies des multinationales. Ils sont porteurs de valeurs destructrices, celles de croissance et de progrès héritées des Modernes. Les seules recommandations que nous dictent nos gouvernants … sont des injonctions à favoriser les petits gestes et inciter à la responsabilité individuelle telles que La clim porte ouverte, ce n’est plus acceptable. débrancher un maximum de prises électriques et couper le wifi durant les vacances, injonction ne mettant absolument pas en cause le gaspillage insensé des véritables responsables .

Ce ne sont ni ce gouvernement, ni ce système libéral qui l’inspire qui ont les compétences indispensables aux décisions fondamentales qui nous permettraient, à nous vivants et non vivants, de pouvoir continuer à habiter cette terre.

Allons un peu plus loin sur l’évolution de la situation en matière climatique depuis quelques décennies.

Pourquoi les COP ?

Mises en place en 1994, après le sommet de la terre de 1992, les COP se sont organisées chaque année dans un pays différent, alternativement un pays du nord et un pays du sud. Elles rassemblent les représentants de 195 États, ainsi que les acteurs de la société civile : organisations non gouvernementales (ONG), collectivités territoriales, syndicats, entreprises, etc… Ces COP ont pour objectif de prendre des engagements en faveur du climat et de les faire appliquer. Ils étaient 30 000 présents à la COP 26 à Glasgow en 2021.

Il y avait eu un petit espoir après l’accord sur le protocole de Kyoto en 1997. Celui-ci visait à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Ratifié en 2009 par 184 États, il a volé en éclats à la COP de Copenhague dès la fin 2009 quand il a été question de prendre des engagements. Les États du sud et insulaires, constitués en “groupe des 77”, déjà fortement victimes du dérèglement climatique, exigeaient que TOUS les États s’engagent à y remédier. Malgré leur pression, l’accord de Copenhague est resté en dessous de tous les espoirs, La Chine et les États-Unis s’opposant notamment à la mise en place d’un accord contraignant (un accord contraignant entraîne des sanctions pour les États ne le mettant pas en œuvre).

Cette attitude des États du nord s’est renouvelée en 2015 (COP 21 à Paris) pour un nouvel accord. L’accord de Paris fixe un objectif chiffré pour l’augmentation de la température moyenne à l’échelle de la fin du siècle, 1,5°C, mais sans aucune réglementation contraignante, aucun interdit.

Comble de l’indécence, la COP 27 de cette année 2022, est prévue en Égypte, un pays désertique doté de stations de ski indoor avec de la fausse neige et de vrais pingouins. Ces projets sont gérés par une société basée à Dubaï dotée de 1,2 milliards $ de fonds verts pour son engagement à réduire ses consommations d’eau et d’électricité dans ses centres commerciaux.

Voilà une très rapide histoire des COP. Ces conférences déplacent plusieurs dizaines de milliers de personnes venues, en avion, de tous les pays du monde pour discuter pendant 15 jours et n’aboutir à rien de réellement efficace.

Autre structure mise en place dans la lutte contre le dérèglement climatique, le GIEC

Créé en 1988 à la demande du G7 (Allemagne, Canada, États-Unis, France, Japon, Italie et Royaume-Uni) sous la pression de Ronald Reagan et Margaret Thatcher, le GIEC, groupe international des experts pour le climat, a été constitué pour produire régulièrement une évaluation scientifique et technique exhaustive du changement climatique. Six rapports ont été publiés depuis 1990, de plus en plus alarmants.

Pourquoi ne sont-ils pas écoutés ?

Le dernier, d’avril 2022, se faisait un cran plus alarmiste. Ce rapport lance un avertissement très sérieux sur les conséquences de l’inaction politique. Plusieurs chercheurs le disent “Le changement climatique menace de plus en plus la santé et les moyens de subsistance des populations du monde entier, et entraîne des impacts sévères potentiellement irréversibles sur la nature. une insécurité alimentaire et hydrique aiguë, pour des millions de personnes et les populations à faible revenu». Face aux effets irrémédiables et à un manque évident de volonté politique pour les atténuer, certains scientifiques du GIEC se positionnent clairement : “Le changement climatique est un défi mondial qui exige des solutions locales. Le rapport souligne les changements de mode de vie qui seront nécessaires, notamment dans les pays riches et parmi les personnes aisées au niveau mondial. S’abstenir de surchauffer ou de trop climatiser les habitations, marcher et faire du vélo, réduire les voyages en avion et utiliser moins d’appareils énergivores, les habitudes alimentaires dans de nombreuses régions riches du monde devront également baisser leurs consommations excessives de viande et de poissons “1

Comment en est-on arrivé là ?

Les alertes sont extrêmement sérieuses, appuyées par une multitude de données chiffrées, mais cette connaissance ne se traduit pas en décisions et réglementations contraignantes pour bloquer cette machine destructrice

Les responsables politiques sont dans ce domaine, comme dans bien d’autres, incapables de prendre les décisions appropriées, pourquoi ?

Car ils y ont des intérêts : les responsables du dérèglement climatique, ceux qui produisent les gaz à effet de serre, sont les entreprises multinationales “maîtres du monde”, à commencer par celles de l’énergie, mais aussi celles de la chimie, de l’agro-industrie, du numérique2 … toutes, des entreprises “protégées” par les responsables politiques : en effet, ces derniers encouragent le développement de ces sociétés pour assurer la sacro-sainte croissance et la croyance mythique dans le progrès. Tous ces responsables y ont déjà occupé un poste ou attendent d’y être nommés, en général comme dirigeant, dès que leur mandat politique sera terminé, c’est ce qu’on appelle le “pantouflage”.

TotalEnergies est un des meilleurs exemples de l’incohérence politique : la première multinationale de l’énergie en France, est la pire en matière d’émissions de gaz à effet de serre. “Elle fait partie des vingt entreprises qui ont le plus contribué au réchauffement climatique actuel. Elle n’a cessé de freiner et retarder les politiques climatiques les plus ambitieuses, y compris en dissimulant depuis 1971 les effets «potentiellement catastrophiques» de ses activités sur le climat. Encore aujourd’hui, plus de 70% de ses investissements concernent le pétrole et le gaz. Elle s’apprête ainsi à ouvrir l’équivalent de 18 centrales à charbon rien qu’avec les projets pétro-gaziers qu’elle a dans les cartons d’ici à 2025, alors que l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE) et le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat ont montré qu’il ne fallait plus investir dans de nouveaux projets gaziers ou pétroliers. Il faut impérativement que TotalEnergies arrête d’agir ainsi”3. Cette entreprise, soutenue par nos gouvernants pour doper leur croissance, a multiplié par 2 ses dividendes versées en un an, malgré une perte financière colossale. C’est la 1e entreprise du CAC 40 en capitalisation boursière.

Nos gouvernants veulent doper la croissance, mais quelle croissance ? Celle qui nous permet de nous déplacer toujours plus (et donc d’utiliser toujours plus d’énergie fossile) avec nos voitures, camions, avions, bateaux ? celle qui veut nous maintenir tou.tes dans toujours plus de confort et toujours plus de consommation ? Celle qui rend tous les jeunes et moins jeunes accrochés à leur smartphone en permanence ? celle qui a transformé nos paysans en ouvriers épandeurs de pesticides ?

NON nous ne voulons pas de ce système. Contrairement à ses promesses, il rend cette terre de plus en plus inhabitable. Il faut s’en échapper pour assurer une vie digne à nos enfants et petits enfants.

Vivre sur cette terre et la sauvegarder, avec tous les êtres vivants humains et non humains, nécessite des changements radicaux de modes de vie, à commencer par prendre soin de tout le vivant qui nous entoure, revenir à nos besoins essentiels et développer l’autonomie autant que possible.

[jacqueline]

2 À noter que le numérique est le secteur qui a le plus bénéficié d’aides publiques pendant la pandémie, sans aucune condition climatique

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Épisode cévenol n°28

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Quand l’homme est aussi un loup pour l’homme !

La situation du loup pour l’élevage ovin est préoccupante, et le silence du gouvernement n’arrange pas les choses. Les éleveurs cévenols viennent de subir deux attaques ces derniers temps. L’une à l’Aubaret il y a quinze jours et l’autre à Mijavols la semaine dernière, toutes deux sur des troupeaux transhumants d’estive. Pour résumer, il y a une vingtaine d’années des loups venant d’Italie se sont assez rapidement installés dans les Alpes françaises. La convention de Berne protège le loup de façon très rigoureuse car c’est une espèce en voie d’extinction. Protégé, le loup a commencé à s’étendre dans d’autres régions de France dont les Cévennes et les Causses prioritairement.

La tension dans le monde des bergers ne fait que grandir, la menace d’une attaque de loup angoisse durant la période estivale. La présence du loup implique pour les éleveurs de brebis de revoir leur mode de pâturage, de mise en estive et surtout de surveillance des troupeaux. L’impact sur le temps de travail et surtout sur le moral est important.

Le pastoralisme est d’une grande importance sur le territoire français, souligné par une reconnaissance de l’UNESCO pour les Cévennes.

Mais comme toujours, l’être humain est la cause des déséquilibres dans la nature notamment de la quasi disparition du loup en Europe (il a été éradiqué fin 19ème et début 20ème siècle en France), et ce déséquilibre entraîne des conséquences très complexes. Logiquement la décision de faire revenir les populations de loups aurait dû imposer au préalable une réflexion à la hauteur de la complexité des enjeux, enjeux environnementaux, économiques, sociétaux, éthiques et philosophiques …

Mais l’Etat pratique une politique de « l’autruche » en ignorant la situation. Résultat : les éleveurs sont psychologiquement blessés par les attaques incessantes de loups sur leurs brebis et ne voient plus leur place dans une société qui privilégie le devenir du loup sans tenir compte de leur propre avenir.

Le risque est grand : ne pas dénoncer la politique de gestion du loup irresponsable du gouvernement c’est mépriser une réalité, et focaliser notre attention uniquement sur le loup c’est prendre un risque énorme en ces temps de transformations et de réformes des politiques agricoles qui affaiblissent les petites fermes. Et polariser la réflexion des citoyens entre écolo-bobos et agriculteurs pollueurs est trop facile alors que la réalité est tellement plus compliquée.

Finalement, le loup n’est-il pas devenu l’os à ronger jeté aux éleveurs par nos gouvernants pour pratiquer en catimini une politique agricole ultralibérale ?

Car pendant ce temps, la loi EGALIM (États Généraux de l’ALIMentation) annoncée en trompettes et fanfare, censée protéger les prix de vente des produits agricoles face aux supermarchés, enlève 0,4 % de la valeur des prix agricoles et augmente de 4% les prix aux consommateurs,

pendant ce temps l’état laisse cette année 10% des terres agricoles s’urbaniser,

pendant ce temps l’interprofession des fruits et légumes met en place des normes pour paralyser la vente directe,

pendant ce temps l’état négocie en secret des accords de libre-échange avec des pays exportateurs de viande,

pendant ce temps l’armée achète des terres agricoles à des prix inabordables pour des candidats à l’installation agricole

MAIS ATTENTION ! Le MODEF, le syndicat des petites structures agricoles, avertit que les éleveurs ne sont pas dupes, le loup est dans la bergerie sûrement, mais nous voyons aussi la meute dehors qui nous prend nos terres et nous confisque notre avenir !

[Frédéric Mazer, élu MODEF à la chambre d’agriculture du Gard]

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Repenser l’autonomie paysanne

Dans sa trilogie intitulée « Dans leur travail » parue en 1979, l’écrivain John Berger décrivait à travers un ensemble d’histoires et de fictions, la vie quotidienne de paysans dans un village de montagne en Haute-Savoie et son évolution dans une société en pleine mutation. Dans l’épilogue clôturant ces récits, il interrogeait ses lecteurs sur la relation qu’il pouvait y avoir entre les paysans et le système économique mondial auquel ils avaient été intégrés. Avec une lucidité certaine, il analysait : « L’agriculture n’a pas nécessairement besoin de paysans. […] Les planificateurs économiques de la C.E.E. prévoient l’élimination systématique des paysans d’ici la fin du siècle, sinon plus tôt. Pour des raisons politiques à court terme, ils n’utilisent pas le mot élimination, mais celui de modernisation. La modernisation entraîne la disparition des petits paysans (la majorité) et la transformation de la minorité restante en individus sociaux et économiques totalement différents. L’investissement nécessaire pour intensifier la mécanisation et l’utilisation de produits chimiques, la taille que doit prendre une ferme qui ne produit que pour le marché, la spécialisation du produit par région, toutes ces données signifient que la famille paysanne […] devient dépendante des intérêts qui la financent et qui lui achètent ses produits ».

En relisant ces quelques phrases rédigées il y a plus de quarante ans, il est difficile de ne pas s’interroger sur la signification que peut prendre aujourd’hui la quasi-extinction de l’existence paysanne dans le contexte actuel de la globalisation. Car les planificateurs économiques ne s’y étaient pas trompés : dans la dernière décennie, la France a perdu 100 000 fermes et la taille moyenne de celles-ci est passée de 56 hectares à 69 hectares (contre 24 hectares en 1988). Il resterait à ce jour 400 000 agriculteurs, mais face à un tel taux d’élimination, et selon les prévisions des départs prochains à la retraite, ce chiffre tombera à 200 000 d’ici peu. La modernisation a été minutieusement élaborée au sortir de la seconde guerre mondiale par l’État, et certaines organisations marchandes et syndicales, afin d’industrialiser le monde agricole et de l’intégrer à l’économie de marché. En 70 ans à peine, les ravages sont immenses. Que se soit au niveau social, économique et environnemental, ou concernant la disparition des savoirs et savoirs-faire pourtant transmis durant d’innombrables générations, la logique productiviste a conduit irrémédiablement à une agriculture déshumanisée et sans substance. Dans le Vaucluse, à l’été 2020, une première usine à « viande » cellulaire a été inaugurée, sans paysans, ni bétail, marquant ainsi la rupture symbolique entre une alimentation « moderne » désincarnée et une production de subsistance ancrée dans son territoire.

C’est ainsi une dépossession à tous les niveaux qui s’est opérée insidieusement sous l’égide de la modernisation agricole1. D’abord, par le rôle prépondérant de l’État dans l’orientation, la gouvernance et le contrôle des sociétés rurales : l’agriculture est le secteur professionnel le plus encadré et normé en France. Puis, par un processus d’insertion dans le capitalisme industriel intégrant les fermes aux marchés, et plaçant les agriculteurs dans une situation de dépendance matérielle et financière. En amont, ils sont tenus de recourir à l’endettement rendu incontournable pour la conduite d’une exploitation modernisée nécessitant de hauts rendements (semences, pesticides, fertilisants, machineries agricoles…). Et en aval, ils sont soumis à la chaîne d’intermédiaires de la grande distribution qui fixe les prix d’achat et ponctionne lors de chaque échange une fraction de la plus value (la part de revient sur le prix de vente d’un produit commercialisé pour un agriculteur est de l’ordre de 6 %). Mais la dépossession prend également forme par un processus de « rationalisation » mobilisant fortement les savoirs techno-scientifiques et visant à supprimer les aléas en agriculture : le vivant est transformé en un produit aussi standardisé qu’une machine par le biais des techniques de sélections génétiques, de modifications moléculaires, de création de variétés « championnes » adaptables à tout type de situations climatiques et de sol… L’agriculteur devient alors un simple « opérateur spécialisé » dont le rôle est réduit à l’application du cahier des charges prescrit par son fournisseur et contraint de respecter le bon de commande de son négociant.

Les conséquences de cette modernisation peuvent être d’ordre anthropologique, avec de profondes mutations des sociétés rurales : rapport au temps, au métier, à l’argent, au vivant, à la nature…, ou d’ordre environnemental : appauvrissement des sols, perte de biodiversité, rendements énergétiques négatifs, uniformisation des paysages… L’agriculture est aujourd’hui responsable d’un sixième des émissions françaises de gaz à effet de serre (importations alimentaires non comprises) et les quantités de pesticides épandues n’ont cessé d’augmenter ces dernières années : + 22 % de ventes entre 2009 et 2018. Au niveau social, le bilan est stupéfiant : « Le paradoxe est que, de nos jours, une partie non négligeable de la population d’un pays riche comme la France n’a pas les moyens de l’alimentation qu’elle voudrait choisir ; et parfois n’accède même pas à l’alimentation la moins chère disponible en grande surface. L’autre face de cette triste réalité est qu’environ 70 % des revenus des agriculteurs sont constitués par des aides nationales et européennes ; la moitié d’entre eux ont un revenu négatif, avant impôt et subvention, cette proportion s’élevant à 80 % chez les éleveurs ; et même après subvention, 14 % ne dégagent aucun revenu ! »2. Le productivisme agricole n’est en effet pas synonyme d’une répartition équitable des richesses : ce sont actuellement 7 à 8 millions de personnes qui se trouvent en situation d’insécurité alimentaire, et bon nombre d’agriculteurs qui vivent en dessous de seuil de pauvreté. Le modèle de développement modernisateur ne peut échapper à un flagrant constat d’échec, malgré les moyens faramineux mis en œuvre pour l’imposer.

Pour autant, même si pratiquement aucune région dans le monde n’a été épargnée, la transformation des sociétés paysannes ne s’est pas faîte sans résistances. Tout au long de l’histoire, des luttes pour l’autonomie ont émergé dans un but de réappropriation de moyens d’existence confisqués. Ce fut le cas des Diggers anglais du XVIIème siècle (les « bêcheux ») qui squattèrent collectivement les prés communaux dont le droit d’usage venait d’être privatisé par le mouvement des enclosures ; des paysans ariégeois du XIXème siècle qui se rebellèrent contre le pouvoir en place lors de la Guerre des Demoiselles à cause d’une réforme du code forestier leur interdisant un accès à des ressources vivrières jusque-là collectives ; ou plus récemment du mouvement des zapatistes qui impose depuis 1994 son autonomie tant matérielle que politique vis à vis du gouvernement mexicain. Mais c’est aussi un ensemble de pratiques collectives larges telles la préservation des semences paysannes, le fauchage de champs d’OGM, la mise en place de réseaux d’échanges et d’entraide, ou encore la réalisation collaborative d’outils agricoles qui permettent de s’opposer à la dépossession orchestrée par l’État, le capital et les techno-sciences. Ainsi, si la condition paysanne a pour l’essentiel disparu, du moins dans le sens d’une inscription dans une communauté villageoise dont la production de ses moyens de subsistance caractérisait ses traits essentiels, la référence au passé peut être une source d’inspiration pour l’avenir. Comme l’indiquait John Berger, « Une paysannerie intacte était la seule classe ayant une résistance fondamentale à la consommation. Quand la paysannerie est éliminée, les marchés s’élargissent. ». Œuvrons donc au plus vite à la création de communautés locales suffisamment fortes et solidaires pour mettre un terme au système productiviste modernisateur.

[Fred]

1Voir sur la caractérisation de modernisation agricole les travaux de Christophe Bonneuil : “Une histoire de l’industrialisation de l’agriculture et du vivant du XIXe et XXIe siècles”

2L’atelier Paysan « Reprendre la terre aux machines – Manifeste pour une autonomie paysanne et alimentaire – Seuil – 2021

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Face à l’accaparement des communs, luttons pour préserver les terres et l’eau

Le monde s’écroule, nous le constatons chaque jour un peu plus.

Pourtant depuis plus de cinquante ans, avec René Dumont dès les années 701, les alertes se succèdent, pour “une politique écologique contre le capitalisme agressif”.

Malgré les rapports du GIEC2 de plus en plus alarmants, les gouvernements, qui pourtant se voient chaque année pendant les COP3, restent quasi inactifs, incapables de prendre la mesure de la catastrophe et de prendre les moyens d’y remédier.

Les responsables de cette catastrophe, les grands groupes multinationaux qui courent après toujours plus de profit, sont ceux qui ont besoin de toujours plus d’énergie, et sont de ce fait, toujours plus émetteurs de gaz à effet de serre. Ce sont eux qui bétonnent nos terres arables et s‘accaparent l’eau pour faire vivre leurs industries mortifères (cimenteries, nucléaires, acièries…) ainsi que tout le secteur de l’agro-industrie.

Ce sont ces “grands patrons et les élites modernisatrices des années 70 qui appelaient déjà le peuple à se serrer la ceinture tout en encourageant le consumérisme débridé, ils promettaient des technologies propres pour le début du XXIe siècle grâce aux progrès de l’efficacité et à l’innovation. C’est pourtant bien l’inverse qui s’est produit : les consommations n’ont cessé de croître et les modes de vie de devenir plus énergivores, sous notamment l’impulsion des multinationales du pétrole et du gaz, aidées par les États modernisateurs.

Aujourd’hui, trois figures centrales du monde de l’industrie et de l’énergie (Total, EDF et Engie) nous invitent à économiser les ressources et proposent une « sobriété d’exception » pour sauvegarder la « cohésion sociale » et « accompagner la transition durable4 »”.

Face à une telle indécence, les mouvements s’organisent, pour braver ce capitalisme effréné.

Pour ne parler que des cinq dernières décennies, plusieurs victoires des mouvements démontrent que les citoyens peuvent faire entendre leurs voix, celles de la raison. Cette voix devra désormais être présente sur tous les lieux des désastres pour stopper la machine infernale et construire les mondes possibles au bénéfice des êtres vivants, humains et non humains.

Une des résistances victorieuses les plus anciennes : le Larzac, mouvement de désobéissance civile contre l’extension du camp militaire sur le causse du Larzac. Une lutte qui a duré 10 ans, avec des rassemblements allant jusqu’à 100 000 personnes et quelques épisodes qui restent gravés dans la mémoire, comme les brebis transportées par les agriculteurs sur le Champ de Mars à Paris que les policiers essayaient vainement d’attraper. Cette lutte s’est soldée en 1981 par l’abandon du projet, une des rares promesses tenues du président Mitterand nouvellement élu.

Il est à noter que l’armée est le 1e propriétaire foncier de l’Etat, à l’empreinte carbone la plus importante de l’Etat. Son budget – 41 milliards pour 2022 – le 2ème de l’Etat, est en augmentation constante5.

La décennie 2010 a vu une autre victoire fort emblématique : l’abandon du projet d’aéroport à Notre Dame des Landes6 : un projet apparu dès les années 1970 (avec comme corrollaire la création d’une association d’exploitants opposés – ADECA). Ce projet est relancé en 2000 par la ministre écologiste D. Voynet. L‘ADECA est réactivée et, à ses côtés l’association citoyenne ACIPA est créée, la résistance s’organise : grève de la faim, chaîne humaine, brigade activiste de clowns… le projet continue son chemin. La résistance monte d’un cran, la zone (ZAD – zone à défendre) est occupée, construction de multiples cabanes. À l’automne 2012, sous la présidence de F. Hollande, la police les évacue avec force manu militari, c’est l’ “opération César”. Plusieurs procès en cours, une reprise des travaux annoncée en octobre 2016, puis un référendum s’opposant à l’aéroport, font que le projet est définitivement abandonné en 2018.

Ces deux luttes emblématiques ont donné lieu à une reprise en main collective des terres hébergeant, agriculture, artisanat, accueil et soutien des autres luttes d’ici et d’ailleurs.

Pendant cette même période, les collectifs stop gaz de schiste, qui se sont dotés d’une coordination nationale, exigent l’annulation de tous les permis d’exploration accordés fin 2010. Face à la mobilisation importantre des populations et des élus locaux, le président Sarkozy annule les 3 permis les plus emblématiques (Villeneuve de Berg, Montelimar, Nant), un territoire allant du nord de l’Ardèche jusqu’à l’Aude, avant les élections présidentielles de 2012. L’annulation définitive a été prononcée début 2016 après les différents recours juridiques engagés par les compagnies gazières.

La répression est toujours présente, violente et même meurtrière avec la mort d’un jeune miltant lors d’une manifestation contre la construction d’un barrage à Sivens le 25 octobre 2014.

Ces luttes ont redonné espoir à de nombreux collectifs d’opposants aux Grands Projets Inutiles et Imposés, plusieurs centaines se sont mis en place un peu partout en France7 : aéroports, fermes usines, barrages, entrepôts, centres commerciaux avec des victoires obtenues pour certains : abandon de plusieurs projets de plate formes Amazon (Fournès, Rouen, Montbert, Dambach, Pays Basque….) centre commercial Oxylane à Montpellier, le solarium jouxtant la piscine olympique à Aubervilliers… toutes ne sont pas recensées à ce jour.

Avec cette volonté de ne pas se laisser malmener par des décisions et des projets destructeurs, les luttes territoriales se coordonnent.

C’est ce qui a donné naissance au mouvement Les Soulèvements de la Terre8 qui a pour objectif principal de mettre “toutes nos forces dans la bataille pour enrayer le désastre en cours, et abattre le système économique dévorant qui l’engendre”. Les luttes se soutiennent mutuellement avec des mobilisations importantes aux 4 coins de la France : contre les méga-bassines dans le marais poitevin, l’extension des carrières de sable, l’artificialisation de la montagne à La Clusaz et des terres à Pertuis, la reprise de terres aux Vaites à Besançon… Les militant.es se rencontrent 2 fois par an, lors des “interludes”. Ainsi s’ébauche une résistance globale à partir d’actions concrètes à l’échelle locale, une analyse partagée des freins et éléments facilitateurs et surtout la conviction que, comme le dit Jérôme Baschet 9” nous pourrions être amenés à constater que la propension de l’impossible à devenir possible s’accroît plus vite qu’on ne pouvait l’imaginer.”

Ce mouvement représente désormais une base d’appui à des moments souvent charnières, organisant aussi des actions directes d’envergure nationale contre les industries responsables du désastre en cours (Lafarge, Monsanto, ….).

A l’heure où l’écologie est dépolitisée par l’apologie des “petits gestes individuels”, à l’heure où la question fondamentale des conditions de notre vie sur terre est occultée par une offensive xénophobe et réactionnaire brutale, l’émergence d’une force politique non institutionnelle qui se donne les moyens d’agir sur certains champs clés du ravage capitaliste est d’autant plus précieuse10.

De nouvelles dynamiques soeurs essaiment, comme les Soulèvements de la Mer11, Coalition des Jardins populaires12 ou la journée d’actions coordonnées Retour sur Terres du 26 avril13

Localement, le réseau “Terres vivantes en Cévennes” qui vient de se créer, a pour ambition de défendre, récupérer et prendre soin de nos milieux de vie dans les territoires qui nous sont proches. Plusieurs luttes nous ont déjà mobilisés, nous mobilisent encore, et en particulier le refus sans conditions de laisser la ferme de Bannière (vendue à l’armée le 7 juillet 2022) aux mains des légionnaires.

Apprenons de nos expériences et ne restons pas sans voix face à la désolation sociale.

[Jacqueline]

3 “conférence des parties” à la convention des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC)

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Épisode cévenol n°27

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Que penser de l’installation de la légion à St-Jean ?

– Salut toi, ça fait plusieurs fois de suite que je vous vois tracter sur le marché. Qu’est ce que vous avez comme échos des habitants ?

– Oh ben il y a de tout, ceux qui disent que leur présence ne les gène pas, mais beaucoup trouvent que légion et Cévennes ne font pas bon ménage. Je dirai même qu’ils sont majoritaires. Mais il faut encore informer : Certains pensent encore que la ferme en cours d’achat servira exclusivement à retaper des soldats blessés et ils se disent, bof, c’est pas si grave.

– Pour ma part, j’en ai entendu beaucoup se faire des soucis pour les terres agricoles de la ferme. La légion s’invente agricultrice mais on se demande où vont bivouaquer les 40 à 150 légionnaires qui doivent y séjourner à la semaine tout au long de l’année ? certainement sur les bancels destinés à l’agriculture puisque le reste c’est de la forêt. Je sens moi aussi beaucoup de réticences.

– En fait ce qui a fait basculer l’opinion et qui a commencé à vraiment poser question c’est quand des centaines de légionnaires ont déboulé fin mars dans les Cévennes. Des randonneurs ont rencontré des colonnes de soldats en armes et bagages sur les sentiers et ensuite ils se sont regroupés sur la place d’Armes. Ça en a choqué plus d’un. En plus, entre temps on sait que sont prévus des entraînements au combat, des marches dans la montagne, des tirs à blanc dans les bois… Ils l’ont annoncé cash ! Alors ça fait flipper.

– Evidemment que ce n’est pas agréable de rencontrer ces hommes en armes. J’ai vu une vidéo où des soldats faisaient des manœuvres en plein ville de Mende, tu te rends compte ? Je pensais que l’armée avaient des sites aménagés pour ça.

– Ah oui, du coup c’est devenu plus concret et pour beaucoup, difficile d’imaginer une cohabitation. Des légionnaires, ça passe pas inaperçu et bon on sait que c’est quand même une mentalité particulière et que beaucoup d’entre eux sont d’extrême droite. Tout ça risque de changer l’ambiance du village. Certains parlent même de « village garnison » !

– Et je peux te dire que les propriétaires des chemins de randonnées sont très inquiets et que les professionnels du tourisme commencent à s’agiter. Faut dire que St. Jean n’a pas grand chose de durable et d’écologique à proposer. Les randonneurs, en particulier ceux qui empruntent le chemin de Stevenson risquent de s’en éloigner. Et ce n’est pas vrai que tous les commerçants du village sont contents, certains restaurateurs sont même énervés.

– Je ne crois pas que les légionnaires rapportent beaucoup de sous, ils font plutôt fuir !

– Tu te rends compte que certains, et on sait qui, disent que leur sentiment de sécurité serait renforcé avec la présence de légionnaires, comme si on était au bord d’une guerre civile !

– Ah ben, du coup je comprends mieux quand le commandant du régiment qui veut s’installer ici dit qu’il veut « s’approprier encore davantage le département du Gard ». Ils ont investi la plaine, maintenant c’est au tour de la montagne !

– Bon attend, ce n’est pas fait encore. Ce n’est pas pour rien qu’on se mobilise…

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Nos Cévennes comme “désert militaire”*

Oui, nos belles et paisibles Cévennes, nos Cévennes des valats, des gours et des Gardons capricieux, nos Cévennes aux vallées sombres, nos Cévennes aux bancels construits avec opiniâtreté, à la force des bras, au fil des siècles , nos Cévennes aux laborieuses fileuses de soie…Nos Cévennes de résistance…”Al sourel de la liberta”.

“Désert militaire”, il en faut du culot pour évoquer le “désert” aux descendants des Huguenots réduits à la clandestinité, persécutés après la Révocation de l’Edit de Nantes ! Ou bien une ignorance crasse, un mépris total du passé résistant des Cévenols et de sa spécificité. Et comme si cela ne suffisait pas, la formule accrédite l’idée que la puissance militaire se doit d’être présente partout, et qu’il est dès lors légitime, voire nécessaire d’investir les lieux “oubliés”.

Ainsi l’armée a jeté son dévolu sur Saint-Jean-du-Gard. Sous couvert de “maison de repos pour légionnaires fracassés” se cache un tout autre projet puisqu’il s’agit ni plus ni moins d’un déploiement explicitement destiné à des pratiques militaires en zone boisée et escarpée, une préparation dont la finalité est la guerre, soyons clairs.

Nous sommes consternés, atterrés, car comme tant d’autres, si nous nous sommes installés entre pentes et escaliers de pierre, dans ce petit concentré de Cévennes, si nous avons choisi de vivre ici, pestant parfois contre les sangliers qui ont saccagé le jardin, si nous nous sommes émerveillés à écouter la hulotte la nuit, tout près de la fenêtre, ou à surprendre le vol d’un merle à l’aube, c’est précisément parce que l’élément militaire y est absent.

Si nous avons posé nos valises à Saint-Jean-du-Gard, c’est parce que nous avons été séduits par l’ambiance bon enfant qui y régnait: les cafés, le marché, les rives du Gardon, les bois, le silence, sans oublier les fêtes… Nous avons été touchés par cette admirable tradition de solidarité toujours prégnante dans ce gros village, où jadis la vie fut rude, marquée par d’âpres luttes pour défendre sa liberté de conscience ! Et maintenant nous nous sentons trahis par cette atteinte portée à nos Cévennes qu’il faut considérer comme notre bien commun..”Al sourel de la liberta”.

Aujourd’hui, me voilà tentée d’établir un parallèle (tout relatif et prudent, bien sûr ) entre le débarquement de troupes royales au début du XVIIIe siècle et le déploiement de la Légion étrangère dans notre village. La légion s’impose dans nos vallées, s’infiltre dans nos forêts, et par son implantation menace de détruire l’image tranquille et harmonieuse des Cévennes, image si chère aux amoureux de randonnées, de paysages sauvages, de vues grandioses.

Au hasard des conversations, j’ai parfois entendu dire que nous étions envahis par les touristes. Peut-être… mais chacun sait que l’économie locale ne peut se passer du tourisme. Chacun peut comprendre aussi que le nouvel envahisseur lui, bien visible et en nombre, portera képi, fusil et treillis, et qu’il risque fort de faire fuir le précédent. Qui peut raisonnablement croire que l’installation de la légion va apporter “un surcroît de tourisme”*? De qui se moque-t-on ?

La légion, c’est ni ici ni ailleurs. Nous refusons le bruit des bottes, les tirs d’artillerie, les régiments marchant au pas, le son du clairon qui viendrait troubler le chant des oiseaux. Nous ne voulons pas au détour d’un sentier tomber nez-à-nez avec la soldatesque en exercice. Nous ne voulons pas être complices des entraînements dégradants qui visent à réduire l’individu, à le soumettre, à l’endurcir pour lui permettre de supporter l ‘horreur.

Alors qu’une guerre dévastatrice fait rage à nos portes, que la course aux armements s’amplifie en Europe et ailleurs sur la planète, nous faudra-t-il subir le lamentable spectacle de la glorification du combat et des armes meurtrières ? Devrons-nous voir sous nos yeux, défiler, fleur au fusil, des jeunes malchanceux formatés pour tuer leurs frères, et voués à mourir aux premières lignes dans des conflits sanglants initiés et entretenus par les grandes puissances de ce monde ? Faudra-t-il applaudir ? Ou bien pleurer ? “Al sourel de la liberta”.

[Edwige]

*”C’est d’ailleurs au cours de cette présentation qu’on a parlé de l’achat d’une ferme sur la commune de Saint-Jean-du-Gard, actuel désert militaire et terrain très adapté pour le combat par le 2ième REI”. Colonel Geoffroy Desprées du Loù. Objectif Gard. 8 mars 2022.

*Le même: Objectif Gard. 4 avril 2022.

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