Quand l’homme est aussi un loup pour l’homme !

La situation du loup pour l’élevage ovin est préoccupante, et le silence du gouvernement n’arrange pas les choses. Les éleveurs cévenols viennent de subir deux attaques ces derniers temps. L’une à l’Aubaret il y a quinze jours et l’autre à Mijavols la semaine dernière, toutes deux sur des troupeaux transhumants d’estive. Pour résumer, il y a une vingtaine d’années des loups venant d’Italie se sont assez rapidement installés dans les Alpes françaises. La convention de Berne protège le loup de façon très rigoureuse car c’est une espèce en voie d’extinction. Protégé, le loup a commencé à s’étendre dans d’autres régions de France dont les Cévennes et les Causses prioritairement.

La tension dans le monde des bergers ne fait que grandir, la menace d’une attaque de loup angoisse durant la période estivale. La présence du loup implique pour les éleveurs de brebis de revoir leur mode de pâturage, de mise en estive et surtout de surveillance des troupeaux. L’impact sur le temps de travail et surtout sur le moral est important.

Le pastoralisme est d’une grande importance sur le territoire français, souligné par une reconnaissance de l’UNESCO pour les Cévennes.

Mais comme toujours, l’être humain est la cause des déséquilibres dans la nature notamment de la quasi disparition du loup en Europe (il a été éradiqué fin 19ème et début 20ème siècle en France), et ce déséquilibre entraîne des conséquences très complexes. Logiquement la décision de faire revenir les populations de loups aurait dû imposer au préalable une réflexion à la hauteur de la complexité des enjeux, enjeux environnementaux, économiques, sociétaux, éthiques et philosophiques …

Mais l’Etat pratique une politique de « l’autruche » en ignorant la situation. Résultat : les éleveurs sont psychologiquement blessés par les attaques incessantes de loups sur leurs brebis et ne voient plus leur place dans une société qui privilégie le devenir du loup sans tenir compte de leur propre avenir.

Le risque est grand : ne pas dénoncer la politique de gestion du loup irresponsable du gouvernement c’est mépriser une réalité, et focaliser notre attention uniquement sur le loup c’est prendre un risque énorme en ces temps de transformations et de réformes des politiques agricoles qui affaiblissent les petites fermes. Et polariser la réflexion des citoyens entre écolo-bobos et agriculteurs pollueurs est trop facile alors que la réalité est tellement plus compliquée.

Finalement, le loup n’est-il pas devenu l’os à ronger jeté aux éleveurs par nos gouvernants pour pratiquer en catimini une politique agricole ultralibérale ?

Car pendant ce temps, la loi EGALIM (États Généraux de l’ALIMentation) annoncée en trompettes et fanfare, censée protéger les prix de vente des produits agricoles face aux supermarchés, enlève 0,4 % de la valeur des prix agricoles et augmente de 4% les prix aux consommateurs,

pendant ce temps l’état laisse cette année 10% des terres agricoles s’urbaniser,

pendant ce temps l’interprofession des fruits et légumes met en place des normes pour paralyser la vente directe,

pendant ce temps l’état négocie en secret des accords de libre-échange avec des pays exportateurs de viande,

pendant ce temps l’armée achète des terres agricoles à des prix inabordables pour des candidats à l’installation agricole

MAIS ATTENTION ! Le MODEF, le syndicat des petites structures agricoles, avertit que les éleveurs ne sont pas dupes, le loup est dans la bergerie sûrement, mais nous voyons aussi la meute dehors qui nous prend nos terres et nous confisque notre avenir !

[Frédéric Mazer, élu MODEF à la chambre d’agriculture du Gard]

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