La guerre à nos portes

Dans sa réponse à la lettre du Collectif contre la militarisation des vallées cévenoles, l’armée revient sur l’objectif de l’implantation de la légion étrangère dans la ferme de Bannière à Saint-Jean du Gard complétant les déclarations d’autres responsables militaires. Mis bout à bout ces propos font apparaître une perspective inquiétante qui se trouve renforcée par deux actualités militaires dans la région.

Dans sa lettre, l’armée dit vouloir s’installer à Bannière notamment pour contribuer à la « sécurité locale » ce qui pour le moins laisse pantois. Contre qui ou quoi faudrait-il qu’elle nous défende ? Elle annonce également qu’il n’est pas question d’interdire tout usage de munitions car cela « impliquerait des conséquences inacceptables pour les sociétés de chasse » avec lesquelles compte s’associer la légion pour « contribuer à la régulation du gibier ». Rappelons que le cahier des charges établi au moment de la vente lui interdisait les tirs. S’emparer de l’activité des chasseurs pour s’octroyer le droit de tirer n’augure pas des temps sereins.

Plusieurs responsables de la légion étrangère se sont exprimés dans les mois passés par voie de presse pour justifier ce projet d’achat de ferme. Ils expliquent qu’elle dispose d’une dizaine de fermes dans le Sud de la France qui servent à l’apprentissage de la tactique militaire, des manœuvres, des exercices de tirs, des marches etc. (Le Monde, 29.05.22). L’objectif déclaré de l’achat de Bannière est de « s’approprier encore davantage le département du Gard en rayonnant vers le nord » (Objectif Gard, 05.04.22). S’agirait-il de procéder à une jonction entre Nîmes, siège du 2e régiment étranger d’infanterie, et de la 13e demi-brigade de la Légion stationnée à La Cavalerie en Aveyron en passant par Saint-Jean du Gard ?

Force est de constater que la présence de militaires dans la région s’intensifie. Déjà en février et en septembre 2021, des légionnaires s’entraînaient en Lozère notamment en pleine ville de Mende (La Lozère nouvelle, 16.09.21). Actuellement, à partir du 12 septembre et pour un mois l’Aveyron est le théâtre d’un exercice militaire de grande ampleur dans lequel sont engagés plus de 3000 militaires, 300 engins et 30 hélicoptères. Les lieux exacts ne sont pas divulgués et la population risque d’être surprise de jour comme de nuit par des entraînements, des largages de parachutistes, la circulation de véhicules, des survols d’hélicoptères etc. Le centre ville de Rodez sera également investi par les forces spéciales. Le délégué militaire adjoint en Aveyron déclare : « C’est une préparation à une éventuelle guerre de haute intensité sur notre sol » (France 3, 12.09.22).

Cette opération gigantesque se déroule au même moment que le 1er forum des armées qui a lieu à Alès les 23 et 24 septembre. La population est invitée à une présentation de matériel et une démonstration de militaires de différents corps d’armée mais aussi à des parcours commando pour enfants. L’objectif est de valoriser l’action des armées et d’attirer les jeunes. La gendarmerie, la police et les pompiers seront également présents et tous cherchent à recruter (Midi-Libre, 12.09.22).

L’époque des guerres lointaines est bel et bien révolue. Si les villes ont été investies par les militaires dans le cadre des plans vigipirate et sentinelle, les campagnes semblaient à quelques exceptions près épargnées. Cette militarisation progressive du territoire interroge : Assistons nous à la volonté de contrôle de la population par un maillage militaire qui accompagne une préparation à des conflits armés de haute intensité ?

[Tissa]

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