Face à l’accaparement des communs, luttons pour préserver les terres et l’eau

Le monde s’écroule, nous le constatons chaque jour un peu plus.

Pourtant depuis plus de cinquante ans, avec René Dumont dès les années 701, les alertes se succèdent, pour “une politique écologique contre le capitalisme agressif”.

Malgré les rapports du GIEC2 de plus en plus alarmants, les gouvernements, qui pourtant se voient chaque année pendant les COP3, restent quasi inactifs, incapables de prendre la mesure de la catastrophe et de prendre les moyens d’y remédier.

Les responsables de cette catastrophe, les grands groupes multinationaux qui courent après toujours plus de profit, sont ceux qui ont besoin de toujours plus d’énergie, et sont de ce fait, toujours plus émetteurs de gaz à effet de serre. Ce sont eux qui bétonnent nos terres arables et s‘accaparent l’eau pour faire vivre leurs industries mortifères (cimenteries, nucléaires, acièries…) ainsi que tout le secteur de l’agro-industrie.

Ce sont ces “grands patrons et les élites modernisatrices des années 70 qui appelaient déjà le peuple à se serrer la ceinture tout en encourageant le consumérisme débridé, ils promettaient des technologies propres pour le début du XXIe siècle grâce aux progrès de l’efficacité et à l’innovation. C’est pourtant bien l’inverse qui s’est produit : les consommations n’ont cessé de croître et les modes de vie de devenir plus énergivores, sous notamment l’impulsion des multinationales du pétrole et du gaz, aidées par les États modernisateurs.

Aujourd’hui, trois figures centrales du monde de l’industrie et de l’énergie (Total, EDF et Engie) nous invitent à économiser les ressources et proposent une « sobriété d’exception » pour sauvegarder la « cohésion sociale » et « accompagner la transition durable4 »”.

Face à une telle indécence, les mouvements s’organisent, pour braver ce capitalisme effréné.

Pour ne parler que des cinq dernières décennies, plusieurs victoires des mouvements démontrent que les citoyens peuvent faire entendre leurs voix, celles de la raison. Cette voix devra désormais être présente sur tous les lieux des désastres pour stopper la machine infernale et construire les mondes possibles au bénéfice des êtres vivants, humains et non humains.

Une des résistances victorieuses les plus anciennes : le Larzac, mouvement de désobéissance civile contre l’extension du camp militaire sur le causse du Larzac. Une lutte qui a duré 10 ans, avec des rassemblements allant jusqu’à 100 000 personnes et quelques épisodes qui restent gravés dans la mémoire, comme les brebis transportées par les agriculteurs sur le Champ de Mars à Paris que les policiers essayaient vainement d’attraper. Cette lutte s’est soldée en 1981 par l’abandon du projet, une des rares promesses tenues du président Mitterand nouvellement élu.

Il est à noter que l’armée est le 1e propriétaire foncier de l’Etat, à l’empreinte carbone la plus importante de l’Etat. Son budget – 41 milliards pour 2022 – le 2ème de l’Etat, est en augmentation constante5.

La décennie 2010 a vu une autre victoire fort emblématique : l’abandon du projet d’aéroport à Notre Dame des Landes6 : un projet apparu dès les années 1970 (avec comme corrollaire la création d’une association d’exploitants opposés – ADECA). Ce projet est relancé en 2000 par la ministre écologiste D. Voynet. L‘ADECA est réactivée et, à ses côtés l’association citoyenne ACIPA est créée, la résistance s’organise : grève de la faim, chaîne humaine, brigade activiste de clowns… le projet continue son chemin. La résistance monte d’un cran, la zone (ZAD – zone à défendre) est occupée, construction de multiples cabanes. À l’automne 2012, sous la présidence de F. Hollande, la police les évacue avec force manu militari, c’est l’ “opération César”. Plusieurs procès en cours, une reprise des travaux annoncée en octobre 2016, puis un référendum s’opposant à l’aéroport, font que le projet est définitivement abandonné en 2018.

Ces deux luttes emblématiques ont donné lieu à une reprise en main collective des terres hébergeant, agriculture, artisanat, accueil et soutien des autres luttes d’ici et d’ailleurs.

Pendant cette même période, les collectifs stop gaz de schiste, qui se sont dotés d’une coordination nationale, exigent l’annulation de tous les permis d’exploration accordés fin 2010. Face à la mobilisation importantre des populations et des élus locaux, le président Sarkozy annule les 3 permis les plus emblématiques (Villeneuve de Berg, Montelimar, Nant), un territoire allant du nord de l’Ardèche jusqu’à l’Aude, avant les élections présidentielles de 2012. L’annulation définitive a été prononcée début 2016 après les différents recours juridiques engagés par les compagnies gazières.

La répression est toujours présente, violente et même meurtrière avec la mort d’un jeune miltant lors d’une manifestation contre la construction d’un barrage à Sivens le 25 octobre 2014.

Ces luttes ont redonné espoir à de nombreux collectifs d’opposants aux Grands Projets Inutiles et Imposés, plusieurs centaines se sont mis en place un peu partout en France7 : aéroports, fermes usines, barrages, entrepôts, centres commerciaux avec des victoires obtenues pour certains : abandon de plusieurs projets de plate formes Amazon (Fournès, Rouen, Montbert, Dambach, Pays Basque….) centre commercial Oxylane à Montpellier, le solarium jouxtant la piscine olympique à Aubervilliers… toutes ne sont pas recensées à ce jour.

Avec cette volonté de ne pas se laisser malmener par des décisions et des projets destructeurs, les luttes territoriales se coordonnent.

C’est ce qui a donné naissance au mouvement Les Soulèvements de la Terre8 qui a pour objectif principal de mettre “toutes nos forces dans la bataille pour enrayer le désastre en cours, et abattre le système économique dévorant qui l’engendre”. Les luttes se soutiennent mutuellement avec des mobilisations importantes aux 4 coins de la France : contre les méga-bassines dans le marais poitevin, l’extension des carrières de sable, l’artificialisation de la montagne à La Clusaz et des terres à Pertuis, la reprise de terres aux Vaites à Besançon… Les militant.es se rencontrent 2 fois par an, lors des “interludes”. Ainsi s’ébauche une résistance globale à partir d’actions concrètes à l’échelle locale, une analyse partagée des freins et éléments facilitateurs et surtout la conviction que, comme le dit Jérôme Baschet 9” nous pourrions être amenés à constater que la propension de l’impossible à devenir possible s’accroît plus vite qu’on ne pouvait l’imaginer.”

Ce mouvement représente désormais une base d’appui à des moments souvent charnières, organisant aussi des actions directes d’envergure nationale contre les industries responsables du désastre en cours (Lafarge, Monsanto, ….).

A l’heure où l’écologie est dépolitisée par l’apologie des “petits gestes individuels”, à l’heure où la question fondamentale des conditions de notre vie sur terre est occultée par une offensive xénophobe et réactionnaire brutale, l’émergence d’une force politique non institutionnelle qui se donne les moyens d’agir sur certains champs clés du ravage capitaliste est d’autant plus précieuse10.

De nouvelles dynamiques soeurs essaiment, comme les Soulèvements de la Mer11, Coalition des Jardins populaires12 ou la journée d’actions coordonnées Retour sur Terres du 26 avril13

Localement, le réseau “Terres vivantes en Cévennes” qui vient de se créer, a pour ambition de défendre, récupérer et prendre soin de nos milieux de vie dans les territoires qui nous sont proches. Plusieurs luttes nous ont déjà mobilisés, nous mobilisent encore, et en particulier le refus sans conditions de laisser la ferme de Bannière (vendue à l’armée le 7 juillet 2022) aux mains des légionnaires.

Apprenons de nos expériences et ne restons pas sans voix face à la désolation sociale.

[Jacqueline]

3 “conférence des parties” à la convention des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC)

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