Épisode cévenol n°24

Cliquez sur l’image pour accéder au numéro complet. Bonne lecture !

Posted in General | Comments Off on Épisode cévenol n°24

Eric Zemmour : Marionnette ou Epouvantail

Eric Zemmour, présent depuis plus de 20 ans dans les médias français, a eu le temps d’affûter ses armes comme chroniqueur au Figaro, pamphlétaire et polémiste quotidien sur CNews, chaîne télévisée appartenant à Vincent Bolloré, milliardaire, devenu magnat des médias. Depuis plus de deux mois, il sillonne le pays, menant une campagne électorale toujours pas officielle, et ses thèses inquiétantes notamment sur les Musulmans, les Noirs et les femmes sont propagées dans quasi tous les médias. Et pourtant il se présente et est présenté comme un personnage antisystème, s’attribuant une aura d’opposant subversif. En réalité, il courtise le monde politique, financier et médiatique dont il maîtrise les codes.

D’aucuns disent qu’il ne s’agit que d’un phénomène éphémère, un feu de paille, dont il ne faudrait pas amplifier l’importance, d’autres le considèrent comme une menace. Quoi qu’il en soit, ses positions racistes ont permis d’enfoncer certaines digues et de renforcer et radicaliser le discours dominant préexistant autour du triptyque obsessionnel de la droite et de l’extrême droite : l’immigration, l’insécurité et l’Islam. Entre-temps presque toute la classe politique reprend avec une certaine délectation ces thèmes déclinés dans toute leur laideur, au prix d’une compromission coupable. On se souvient du fameux rassemblement organisé en mai 2021 par des syndicats de police devant le Parlement où fascistes étaient réunis avec des communistes en passant par des sociaux-démocrates et des verts autour du thème de l’insécurité.

Une idéologie source de graves menaces

L’idéologie raciste de Zemmour est aussi primitive qu’opérante d’autant plus qu’elle se construit sur un fond vieux de plus d’un siècle de propagande antisémite. Le cœur de son discours s’articule autour du mythe d’un complot islamique (il y a cent ans c’était le complot juif) qui menacerait la France. Le « grand remplacement », théorisé par Renaud Camus, viserait à assujettir la France et à détruire la civilisation européenne. Ainsi, Zemmour affirme dans l’émission C à vous en septembre 2016 : « Nous vivons depuis trente ans une invasion, une colonisation, qui entraîne une conflagration », anticipant ni plus ni moins une « guerre civile ». Le tueur de Christchurch en Nouvelle-Zélande, lui aussi adepte du « grand remplacement », a franchi le pas en mettant en pratique cette idéologie meurtrière : le 15 mars 2019, Brenton Tarrant, terroriste australien, massacre 51 personnes dans une mosquée.

Zemmour persiste dans ses divagations paranoïaques quand en septembre 2019 lors de la Convention de la droite, il martèle qu’« En France, comme dans toute l’Europe, tous nos problèmes sont aggravés par l’immigration : école, logement, chômage, déficits sociaux, dette publique, ordre public, prisons, qualifications professionnelles, urgences aux hôpitaux, drogue. Et tous nos problèmes aggravés par l’immigration, sont aggravés par l’islam. C’est la double peine. » Voilà qui, en guise de programme politique, est tranché : Zéro immigration, zéro Islam et tous les problèmes des Français seraient résolus !

Le non-candidat ressasse que l’Islam ne serait « pas compatible avec la République » car « en Islam il n’y a pas de musulmans modérés ». Alors, faut-il les déporter ? lui demande le journaliste du Corriere della Sera le 30 octobre 2014. Il répond : « Je sais, c’est irréaliste mais l’Histoire est surprenante. Qui aurait dit en 1940 que un million de Pieds-noirs, vingt ans plus tard, seraient partis d’Algérie pour revenir en France ? Ou bien qu’après la guerre, 5 ou 6 millions d’Allemands auraient abandonné l’Europe centrale et orientale où ils vivaient depuis des siècles ? ».

Quoi faire, si ce n’est d’organiser la déportation des « intrus » qu’il appelle « remigration ». En janvier 2021, il explique sur C News : « Vouloir la remigration, ce n’est pas être raciste. C’est considérer qu’il y a trop d’immigrés en France, ça pose un vrai problème d’équilibre de démographie et identitaire (…). La France est en danger. » Le décor est planté, la réponse clairement exprimée.

Zemmour a bien d’autres obsessions dont celle des femmes n’est pas des moindres. Ses propos se suffisent à eux-mêmes. Dans son livre Le Premier sexe (2006), il affirme que « la virilité va de pair avec la violence, que l’homme est un prédateur sexuel, un conquérant ». Et décrivant un film des années 1970, il regrette amèrement cette époque où les femmes étaient plus complaisantes. « Quand le jeune chauffeur de bus glisse une main concupiscente sur un charmant fessier féminin, la jeune femme ne porte pas plainte pour harcèlement sexuel. La confiance règne. » Zemmour, machiste proclamé, est ainsi confronté à plusieurs plaintes de femmes pour harcèlement sexuel.

Des réseaux de soutien importants

Zemmour qui semblait agir en électron libre en tant que polémiste et pamphlétaire dispose de fait de puissants réseaux de soutien. Non seulement il provoque d’importants clivages au sein du Rassemblement national mais également du parti Les Républicains, lui permettant ainsi de siphonner de plus en plus de cadres et de militants, d’autant plus qu’il peut compter sur de nombreux groupes fascistes, en particulier les monarchistes de l’Action française.

Selon les enquêtes de Médiapart, ses comités de soutien locaux sont composés d’anciens du mouvement de Bruno Mégret, de membres de l’Action française, de la Ligue du Midi ou de Génération identitaire qui assurent notamment le service d’ordre, sans oublier des catholiques ultra-conservateurs, des anciens de l’OAS (Organisation de l’armée secrète) et d’autres nostalgiques de l’Algérie française. Les réseaux de la Manif pour tous lui seraient également d’une grande utilité. Et l’agitateur néo-libéral tenterait à présent une jonction avec des Gilets jaunes pour parer à sa réputation de représentant des riches.

Ces comités s’activent frénétiquement alors même que sa candidature n’est pas encore annoncée. Ils organisent ses tournées en France, les meetings et les déambulations, les rencontres de personnalités politiques, arrangent des levées de fonds et récoltent des parrainages d’élus. Les réseaux sociaux sont un outil auquel ont très largement recours ses lieutenants qui se recrutent souvent parmi des jeunes de Génération Z.

Si la vente des livres de Zemmour et ses conférences payantes lui rapporte des revenus substantiels, elles ne suffisent pas à financer la machine de propagande nécessaire pour le propulser au-devant de la scène. Mais surtout sans soutien d’hommes d’affaires influents, point de candidature. Charles Gave, financier, gestionnaire de fonds, serait prêt selon Médiapart à le soutenir financièrement mais surtout à lui ouvrir son carnet d’adresses, notamment dans les milieux financiers londoniens, tandis que plusieurs jeunes banquiers l’accompagnent déjà dans sa conquête de l’électorat.

Pour accéder à cette notoriété, Zemmour, contrairement à l’image de victime de la censure qu’il renvoie et sur laquelle il s’auto-apitoie volontiers, peut compter sur une grande partie des médias. Tout d’abord ceux de Vincent Bolloré, homme d’affaires associé à la françafrique ayant racheté journaux et chaînes de TV pour servir la cause de l’extrême droite notamment à l’occasion de la campagne électorale. Cet oligarque l’a propulsé en lui ouvrant les plateaux de sa chaîne Cnews. Mais il n’est pas le seul, tout le spectre des médias d’extrême droite se repaît de ses propos fascistes, racistes et misogynes tandis que les autres courent après lui pour ramasser quelques miettes d’audimat supplémentaires.

Marionnette de Macron ?

Penser que cette propagande est marginale et ne serait que le produit d’un cerveau retors, ne prend pas la mesure de l’effondrement sociétal et de la crise du capitalisme. Zemmour n’est pas isolé dans ses égarements, la classe politique dans sa quasi-totalité l’accompagne dans cette dérive. Si un gouvernement Macron sous couvert de lutte contre le séparatisme fait la chasse aux Musulmans et interdit des associations de lutte contre l’islamophobie, si un Darmanin tire sur tout ce qui ne fait pas allégeance à une notion tronquée et étriquée de la République, ne préparent-ils pas le terrain d’un régime autoritaire ? Zemmour pourrait facilement être exclu du champ politique d’autant plus qu’il a déjà été condamné pour provocation à la haine raciale. Pour le moment il semble servir les desseins d’Emmanuel Macron. Mais ces calculs électoraux biaisés qui consistent à autoriser le durcissement de l’extrême droite pour qu’elle s’étripe et emporte la droite dans ses divisions afin de ramasser la mise électorale est un jeu dangereux.

La configuration à laquelle nous faisons face aujourd’hui évoque celle des années 1930 lorsque des riches industriels et financiers, ainsi que les médias et les politiques qui les servaient, brandissaient le complot juif pour installer un pouvoir fasciste et instrumentaliser les mouvements populaires. Comme le constate l’historien Enzo Traverso, la représentation de l’islam en tant que menace pour la culture européenne et les identités nationales sert à souder par la peur une communauté nationale socialement et économiquement fracturée. Cette stratégie politique réactionnaire a été développée aux XIXe et XXe siècles avec l’antisémitisme pour détourner l’opinion des thématiques autour de la précarisation des couches défavorisées et du creusement des inégalités. L’analogie avec l’actualité est frappante…

La montée du fascisme dans les années 1930 sur fond de crise systémique du capitalisme a exacerbé la propagande antisémite jusqu’à considérer les juifs responsables du marasme européen et justifier leur extermination. Ne l’oublions pas. [Tissa]

Posted in General | Comments Off on Eric Zemmour : Marionnette ou Epouvantail

Chronique d’une lutte permanente

La haine et la violence dirigées contre les exilés ne s’expriment pas que sur les plateaux télés. L’actuelle banalisation des discours xénophobes, si elle prolifère aussi aisément que dangereusement en cette période pré-électorale, s’inscrit dans un contexte de rejet migratoire déjà largement ancré en Europe. Les théoriciens du mythe de la « peur de l’étranger » ou du « grand remplacement » bénéficient à la fois d’un terrain propice pour répandre leurs idées, mais également, apportent une caution idéologique au durcissement des politiques migratoires mené depuis des années. Ainsi, la pratique alimente le discours, et le discours légitime la pratique. La boucle est quasiment bouclée, et il ne reste plus aux gouvernants que de pointer du doigt, quand ce n’est réprimer, les initiatives de soutien et de luttes solidaires, celles pourtant les plus directement à même de contrer cette logique infernale.

30 septembre 2021, Riace. La justice italienne condamne Domenico Lucano, ancien maire de la petite ville de Riace, à une peine de treize ans et deux mois de prison, assortie d’une amende de 750 000 euros. C’est une peine démesurée qui est infligée à celui qui depuis des années organisait dans son village l’accueil de dizaines d’exilés débarqués sur les côtes de Calabre. Alors que la politique d’accueil unique et exemplaire menée à Riace avait fait du village et de son maire les symboles d’un projet de société alternative fondé sur l’entraide, sa condamnation est largement perçue comme une énième attaque contre la solidarité avec les personnes migrantes. L’accueil des personnes exilées à Riace allait au-delà d’un objectif purement humanitaire. En l’organisant, Domenico Lucano a voulu démontrer qu’il était tout à fait possible de construire un modèle de cohabitation viable dans un contexte socio-économique difficile, à l’opposé de la vision étatique qui ne conçoit cet accueil qu’au prisme de l’assistance et de l’exclusion, minimisant voire ignorant l’autonomie des personnes migrantes. Cette condamnation est bel et bien un jugement politique. Parce qu’elle sanctionne, au-delà de ce qui est imaginable, une expérience alternative de société, de communauté, qui va à l’encontre de celle que voudrait imposer une droite xénophobe et souverainiste.

7 octobre, Montpellier. Huit jeunes Africains sans-papiers sont arrêtés sur le quai de la gare quelques heures avant le début du contre-sommet Afrique-France organisé par un collectif d’organisations locales et nationales. La préfecture de police et le Ministère de l’intérieur ont été prévenus bien en amont de cet événement et n’ont interdit ni les réunions, ni les manifestations au programme. Pourtant le matin du 1er jour de ce contre-sommet, la préfecture a envoyé des policiers procéder à des arrestations ciblées et discriminatoires sur le quai de la gare. Seul ce groupe de Maliens, de Sénégalais et d’Ivoiriens, qui avait pris le train au sein d’une délégation de 24 membres de différents collectifs de la région parisienne, a été arrêté et emmené en garde à vue. Ils ont été contrôlés au faciès parce qu’ils étaient Africains, venus contester en groupe et de manière organisée, et jeter la lumière sur la face cachée du « Nouveau Sommet Afrique-France » et la politique du gouvernement. Deux d’entre eux ont été transférés en centre de rétention avant d’être enfin libérés 5 jours plus tard grâce entre autres à une riposte et une mobilisation rapides qui ont commencé le jour-même devant le commissariat de Montpellier. Cinq autres sont sortis des locaux de la police avec OQTF (Obligation de quitter le territoire français) assortie d’une IRTF (Interdiction de retour sur le territoire français) plusieurs heures après leur arrestation. Ces derniers sont convoqués au Tribunal Administratif de Montpellier le jeudi 18 novembre 2021 où leurs recours doivent être examinés.

11 octobre, Calais. Face aux conditions de vie indignes des personnes exilées à Calais, trois militants, Anaïs Vogel, Ludovic Holbein, et le père Philippe Demeestère, âgé de 72 ans, entament une grève de la faim à l’église Saint-Pierre pour réclamer l’arrêt de la maltraitance des personnes exilées dans le Calaisis. Comme les autres personnes engagées dans diverses associations intervenant à Calais, ils dénoncent les traitements inhumains perpétrés à l’encontre des exilés dans la région. Leurs revendications sont pourtant loin d’être extravagantes : Suspension des expulsions quotidiennes et des démantèlements de campements durant la trêve hivernale, arrêt de la confiscation des tentes et des effets personnels des personnes exilées, ouverture d’un dialogue citoyen raisonné entre autorités publiques et associations non mandatées par l’État, portant sur l’ouverture et la localisation de points de distribution de tous les biens nécessaires au maintien de la santé des personnes exilées. Anaïs Vogel déclare aux médias : « On ne sait pas jusqu’où on va devoir aller. On nous a dit que c’était fou de devoir faire une grève de la faim pour demander que des gens ne se fassent pas détruire leurs affaires ». Le 2 novembre, après plus de trois semaines de grève de la faim, les revendications ne sont toujours pas entendues. Didier Leschi, Directeur de l’Ofii (Office Français de l’immigration et de l’intégration) et chargé de la médiation entre le gouvernement et les grévistes, concède deux maigres alternatives : que cessent les évacuations par surprise, que les personnes soient prévenues avant la destruction de leur camp et qu’elles disposent de 45 minutes pour ramasser leurs effets personnels, et propose un hébergement pour les délogés, mais seulement en dehors de Calais… Les propositions sont refusées, la grève se poursuit.

24 octobre, Briançon. L’association Refuges Solidaires décide d’arrêter momentanément et symboliquement son activité en raison du nombre important de personnes qui menacent la sécurité et l’accueil digne des exilés. Alors que le lieu est initialement prévu pour accueillir 80 personnes, plus de 200 s’y trouvaient la veille. Les arrivées depuis la frontière sont en augmentation depuis le printemps et la prise en charge est assurée depuis 5 ans uniquement par les bénévoles, alors qu’il s’agit d’une obligation de l’État. Les militants exigent des autorités la mise en place de solutions d’hébergements complémentaires dans les plus brefs délais afin que le refuge puisse de nouveau accueillir les exilés dans de bonnes conditions. Pour appuyer ces revendications, les exilés, accompagnés de quelques bénévoles, se rendent alors à la gare pour y passer la nuit et dans le but de partir dès le lendemain. La mairie condamne cette action et demande des renforts au Ministère de l’Intérieur. Deux escadrons de CRS rejoignent dès le 25 octobre la ville de Briançon. Par peur d’une potentielle intervention des forces de l’ordre qui auraient menacé le droit des exilés, et à la demande des associations, un accueil provisoire est trouvé à l’église Sainte-Catherine. Toujours en attente de solutions pérennes et sans nouvelles des pouvoirs publics, samedi 31 octobre, une tentative de mise à l’abri d’urgence dans l’ancien centre de vaccination du Prorel échoue au vue du dispositif policier en place. Les bénévoles se mobilisant pour un accueil digne et inconditionnel obtiennent pour toute réponse un tweet du maire de Briançon, Arnaud Murgia : « Cette stratégie du harcèlement des pouvoirs publics ne trouvera qu’une seule réponse : la fermeté. » Entre temps des dizaines d’exilés ne savent pas où se mettre à l’abri.

[Cévennes Sans Frontières]

Pour plus d’infos, voir notamment :

– « Domenico Lucano : quand accueillir dignement devient un délit » – https://www.gisti.org/, 15 octobre 2021

– « Sommet Afrique-France : Liberté pour les 7 de Montpellier ! Appel à manifester les vendredi 15 et 22 octobre à Paris » – https://survie.org/, 15 octobre 2021

– « 150 associations soutiennent les revendications des grévistes de la faim à Calais », https://www.lacimade.org/, 26 octobre 2021

– « Communiqué de presse », https://www.facebook.com/tousmigrants/, 2 novembre 2021

Posted in General | Comments Off on Chronique d’une lutte permanente

Nuc en plus

Nous sommes gâtés nous baignons dans le progrès,

Nous sommes gâtés, nous bénéficions déjà dans notre région du Bas-Rhône de plusieurs centres nucléaires qui nous permettent d’accéder au rang de l’une des zones européennes les plus nucléarisées. Jugez-en, Marcoule dans le Gard sur la rive droite du Rhône, on y travaille entre autres le plutonium (la pire saleté issue de l’industrie humaine) pour le combustible appelé MOX (comme mélange d’oxydes d’uranium et de plutonium) ; de l’autre coté du Rhône le Tricastin qui outre 4 vieux réacteurs qui fuient et se fissurent accueille aussi « l’enrichissement » de l’uranium pour alimenter tout le parc atomique du pays ; en amont du Rhône nous avons Cruas avec ses 4 vieux réacteurs aussi déglingués que ceux du Tricastin ; plus loin à l’est, Cadarache en Provence abrite de multiples activités dont la construction d’Iter qui promet d’être le prochain fiasco du glorieux nucléaire national ; enfin au sud-ouest Malvesi qui accueille et affine tout l’uranium importé dont le pays a besoin à la grande joie des narbonnais qui en reçoivent les suaves émanations.
Si on ajoute à tout ça que nous vivons dans une zone à risque sismique élevé : Cela est dû à la pression de la plaque tectonique Afrique (encore eux, ils se rapprochent de 1 cm par an !) sur la plaque Europe. Cette pression active 3 grandes failles qui de la méditerranée remontent vers la Scandinavie, et des failles latérales. Le dernier grand séisme étant celui dit de 1907 à Lambesc en proche Provence ; et le plus récent est celui du Teil (nov 2019), et là c’est carrément chez nous. On frémit d’avoir la chance de vivre au cœur de ce cocktail détonant.

Et une grosse louche de nucléaire en plus ! Dans sa vision du pays comme une start-up nation développant ses technologies « d’excellence » au mépris de la dérive climatique, le monarque va distribuer 6 nouveaux EPR dans le pays, et il semblerait que deux d’entre eux soient destinés au bassin fluvial du Rhône, soit au Bugey, soit au Tricastin. Nos élus soucieux du bien être de la population se sont précipités pour demander qu’ils soient construits au Tricastin!

Mais des grincheux, sans doute des amichs qui ne croient même pas au progrès i-radieux, regroupés dans un collectif portant le doux nom de Chang (Collectif Halte Aux Nucléaires Gard) se sont permis d’interpeller les élus du département (sénateurs, députés, conseillers généraux) pour s’étonner de leur démarche à ce sujet.
Et ces mêmes râleurs qui ne comprennent rien, sont allés participer aux rassemblements de Montélimar fin juin, et de Bugey le 3 octobre pour s’opposer justement à ces constructions et appeler à l’Arrêt du nucléaire. Ce sont vraiment des irresponsables qui n’ont rien compris au réchauffement climatique et qui en sont encore à croire que le nucléaire tue alors que les catastrophes de Tchernobyl et Fukushima sont maintenant tombées dans l’oubli…. En attendant la prochaine?

Bien au contraire, nos chers élus du peuple ont visiblement été séduits par la brillante réussite que l’on sait des EPR, bien qu’à Flamanville et en Finlande les coûts et les délais aient été multipliés par quatre ; et bien que soit apparu un grave défaut générique dans l’un des deux EPR Chinois où le tritium fuit allègrement à travers les barrières de confinement censées protéger l’environnement contre les contaminations…

Mais ce n’est pas tout, notre généreux président nous annonce la possibilité de construire aussi des « petits réacteurs modulaires »** (c’est doux et gentil comme appellation n’est-ce pas). Leur puissance serait quand même du dixième du fameux réacteur EPR et cela permettrait de disperser encore plus le risque atomique (vous en prendrez bien un chez vous?), avec rejets et déchets radioactifs à la clé, sauf que le prix de revient du Kwh serait encore plus élevé.
Et il serait même question de reprendre des études sur les réacteurs dits de 4 ième génération, au plutonium donc, et Marcoule serait bien sûr privilégié avec le projet Astrid dans les cartons. Elus et syndicats locaux s’en frottent déjà les mains !

Comme chacun sait on n’arrête pas le progrès et tant pis pour les préoccupations écologiques, sociales et démocratiques.

*Fuite de gaz rares de l’EPR chinois, défaut lourd de conséquences pour EDF
https://apag2.wordpress.com/2021/08/22/fuite-radioactive-dans-un-epr-chinois/

** En langage sérieux on les appelle « SMR » ce qui signifie pour les nuls « Small Modular Reactors ».

 A. et P.

Contact : chang@ouvaton.org

Posted in General | Comments Off on Nuc en plus

Épisode cévenol n°23

Cliquez sur l’image pour accéder au numéro complet. Bonne lecture !

Posted in General | Comments Off on Épisode cévenol n°23

De quoi le pass est-il le nom ?

En pandémie, il est nécessaire de prendre des mesures qui peuvent sembler contraignantes. Mais en premier lieu, les pouvoirs publics doivent assurer la protection de toutes et tous en mettant en place une stratégie cohérente faisant appel aux compétences et à la responsabilité de tout un chacun. Or, depuis le début, la gestion est chaotique, incompréhensible et comme beaucoup le disent, infantilisante.

Ne revenons pas en détail sur les points suivants que nous avons déjà évoqués amplement dans nos précédents numéros : L’absence de masques et de tests qui un coup ne servaient à rien puis sont devenus indispensables ; le manque de suivi des cas d’infection parce que le personnel n’a jamais été recruté pour le faire (qu’est devenue la fameuse limite des 5000 infectés qu’il ne fallait pas dépasser ?) ; l’hôpital public exsangue et le déficit de soins pourvus aux malades à domicile (combien sont morts parce qu’ils n’ont pas été pris en charge, on se souvient du fameux : « restez à la maison et prenez du doliprane ») .

N’insistons pas non plus sur le fait que Macron – qui décide tout seul – n’a pas voulu de confinement fin janvier 2021 mais a quand même du s’y résoudre début avril au prix de 14 000 morts. Si d’autres mesures avaient été prises ou reconduites, peut être qu’encore plus de décès, de cas graves et le confinement auraient pu être évités.

Mais qu’importe le passé ! N’avons nous pas depuis le fameux discours de Macron le 12 juillet enfin la solution ? La vaccination pour toutes et tous au dessus de 12 ans. Que nous importent les contradictions dans l’approche du gouvernement : Pendant des mois, on nous rabâchait qu’il ne fallait pas infantiliser les gens et multiplier les restrictions, qu’il fallait vivre (et donc mourir) avec le virus, aujourd’hui, la vaccination est quasi-imposée et il faut montrer patte blanche pour retrouver l’illusion d’une normalité.

Quelles que soient les demi-vérités qu’on nous assène sur la protection vaccinale, la contagiosité, l’immunité collective, etc., l’establishment et une bonne partie de la population s’imaginent en sécurité grâce à la vaccination. Le pass sanitaire imposé au prix d’un contrôle strict de la population ne serait que le moindre mal face à la liberté recouvrée.

Il ne s’agit pas ici de s’opposer à la vaccination mais de montrer qu’encore et toujours nous sommes confrontés à un autoritarisme qui nous impose sa solution du moment sans hésiter à sanctionner. La gestion policière de l’épidémie depuis les premiers mois (contrôle des autorisations de sortie, couvre-feux) perdure et s’appuie aujourd’hui sur des supplétifs civils dans les vérifications du pass.

Cette dérive est d’autant plus à prendre au sérieux que la servitude volontaire à produire aujourd’hui son autorisation pour par exemple aller au restaurant risque de tendre vers une acceptation progressive d’une surveillance plus intrusive demain. La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) alerte sur « le risque d’accoutumance et de banalisation de tels dispositifs attentatoires à la vie privée et de glissement, à l’avenir, et potentiellement pour d’autres considérations, vers une société où de tels contrôles deviendraient la norme et non l’exception »1

On nous rétorquera que nous sommes déjà traqués par le biais de nos cartes bancaires, de nos téléphones portables, les caméras, les drones, sans oublier l’internet où nous laissons des traces qui permettent le profilage de nos activités et de notre personnalité. Alors pourquoi s’ériger contre le pass, qui ne livre que peu d’informations et surtout ne serait pas destiné à durer ?

Le pass sanitaire introduit des dimensions supplémentaires dans la régulation de l’espace public. Il permet le contrôle physique avec des moyens technologiques de la quasi entière population, ce qui représente un saut qualificatif dans la gestion de celle-ci. Le contrôle nécessite également de fournir une pièce d’identité ce qui exclut d’emblée certaines catégories de personnes, notamment des sans-papiers.

La vérification du pass n’incombe pas seulement à des personnels habilités mais à des « contrôleurs » qui subitement acquièrent un pouvoir duquel ils peuvent abuser ou qui leur permet d’obtenir des informations sur notre identité. Ainsi un jeune ayant voulu boire une bière dans un bistrot en a été interdit, le serveur ayant constaté qu’il n’avait pas 18 ans.

Moins anecdotique est la possibilité pour des personnes malintentionnées d’accéder facilement aux données personnelles intégrées aux QR Code, c’est à dire de savoir si une personne a été vaccinée une fois ou deux donc si elle a déjà contracté la maladie ou dans le cas d’un test d’apprendre qu’elle n’a pas été vaccinée. Le produit injecté est également signalé, ce qui pourrait, au moment de la remise en question de l’un d’entre eux – comme c’est le cas pour le vaccin Janssen actuellement – entraîner une nouvelle exclusion.

A l’origine, l’introduction du pass ne devait servir qu’à des évènements réunissant plus de 1000 personnes. Aujourd’hui il est exigé jusque dans les hôpitaux pour une consultation médicale. Qui nous dit qu’il ne sera pas adopté à long terme et inclura de nouvelles informations ? Une fois accepté plus largement pourquoi ne pas prévoir son extension ?

En présentant cet outil comme un moyen de protéger de la maladie et de juguler la pandémie, de nouvelles formes de contrainte et de dépendance sont introduites à grande échelle. La technologie génétique (les autres vaccins sont délaissés) d’une part et la technologie numérique de l’autre nous promettraient le salut.

Or un changement de paradigme est urgent. Rares sont les faiseurs d’opinions qui s’intéressent aux origines des nouvelles pandémies et aux moyens de les éviter. Il faudrait pour cela développer une stratégie de préservation de l’humain et de l’environnement qui remette sérieusement en question les modes de production actuels.

PS : Voilà que Macron – encore lui – laisse entrevoir la possibilité d’alléger le pass sanitaire. Une nouvelle fois, on est en droit de s’interroger sur la stratégie du « monarque ». Quelle violence à l’égard de ces soignantes et ces pompiers pour lesquels les sanctions sont tombées à partir de 15 septembre !

[Tissa]

1https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043915894

Posted in General | Comments Off on De quoi le pass est-il le nom ?

S’opposer au passe sanitaire, et plus encore… ???

Il existe de multiples et bonnes raisons de s’opposer au passe sanitaire. Pour autant, les revendications émergeant des mobilisations hebdomadaires initiées durant l’été pour faire face à cette mesure peinent globalement à gagner en clarté et en lisibilité. Sarticulant pour l’essentiel autour d’une vision ambiguë et étriquée de la notion de liberté, les récupérations politiques peuvent dans un tel contexte aisément prendre le devant de la scène, au dépend de la construction d’une réflexion critique plus approfondie sur les enjeux politiques et sanitaires actuels.

Quel sens donner au slogan de « liberté » tant clamé au sein du mouvement anti-passe ? La notion de liberté a été souvent revendiquée au cours du temps, et a pu prendre des significations bien différentes selon le contexte, et le point de vue de qui l’a emplo. L’on peut penser aux paysans zapatistes de la révolution mexicaine au début du siècle dernier qui autour du mot d’ordre « Tierra y libertad » (« Terre et liberté ») se sont opposés de façon nette à l’exploitation exercée par une oligarchie fortunée s’accaparant l’essentiel des terres cultivables du pays. Ou encore aux réfugiés stoppés aux frontières de l’Europe inscrivant sur des banderoles les mots « Hurriya » ou « Azadi » (« Liberté », en arabe et en perse) afin de dénoncer les restrictions à la liberté de circulation leur étant faite. Mais encore, l’on peut se référer aux théoriciens du néolibéralisme qui ont justifié leur doctrine de développement économique et de libre échange hégémonique au nom de la protection de la liberté de l’individu.

Dans le cadre d’un mouvement socialement et politiquement aussi hétérogène que celui s’opposant au passe sanitaire, brandir une telle revendication sans autre forme d’argumentation ne peut au mieux que révéler une impuissance à formuler collectivement un message politique cohérent et pertinent. Au pire, laisser le champ libre à des courants politiques pourtant peu habitués à promouvoir une défense des droits sociaux fondamentaux, et leur permettre d’occuper le terrain à peu de frais grâce à des slogans vidés leur substance. Marine Le Pen d’ailleurs ne s’y est pas trompée, en lançant sans ironie la campagne présidentielle du Rassemblement National sur le thème de « Libertés, libertés chéries ». Le docteur Louis Fouché non plus, en se faisant l’apôtre de la non-vaccination et du non-port du masque à travers sa vulgate de « ré-information », tout en prêchant la liberté de ne pas se prémunir…

L’écueil semble ainsi difficilement franchissable, et il s’avère laborieux de dépasser les oppositions stériles et stéréotypées fleurissant dans les réseaux sociaux ou dans les sondages médiatiques. Ceux-ci nous retrancheraient dans une vision manichéenne laissant pour seul choix : soit d’« accepter parfois de réduire nos libertés, parce que la priorité c’est de se protéger contre la maladie », soit, à l’inverse, de considérer que « rien n’est plus important que les libertés individuelles, même notre santé et celle des autres » (Sondage Elabe 19-20 août). Pour le dire autrement, faudrait-il acter que les impératifs de santé publique ne peuvent plus s’envisager en dehors de la coupe sécuritaire ?, ou, d’une autre manière, que toute opposition aux mesures abusives prises en temps de pandémie implique la déconsidération des questions de soin ?

Face à ce dilemme abrutissant, il importe de ré-ouvrir la voie à un discours tangible permettant à la fois de se réapproprier les enjeux sanitaires actuels, mais également de s’opposer aux politiques sécuritaires et excluantes. En cela, des exemples de luttes vont dans ce sens : personnels soignants manifestant contre l’obligation vaccinale et contre les restrictions budgétaires dont souffre le système de soin depuis des années (tarification à l’acte, réduction des personnels, dégradation des conditions de travail, fermeture des lits…), employés de médiathèques refusant d’endosser le rôle d’auxiliaires de police et de restreindre l’accès de la culture pour tous (et notamment aux personnes y ayant le moins accès), travailleurs soumis au passe sanitaire se mobilisant afin de ne pas perdre leur emploi ou leur salaire et ainsi payer les pots cassés d’une gestion de crise catastrophique…

Porter une critique du passe sanitaire qui se limiterait au seul biais de la défense des libertés individuelles, c’est à dire privilégiant le libre arbitre face à l’intérêt commun, s’avérerait être au final une attaque fort peu dérangeante pour le système, car parfaitement en phase avec l’idéologie individualiste du chacun pour soi. Cela voudrait également dire renoncer à la conception d’une société égalitaire dans la prise en considération des droits à la santé de chacun. Élargir la problématique à d’autres enjeux, tels le poids des laboratoires pharmaceutiques et de leur course au gain, la levée des brevets, les inégalités Nord-Sud dans l’accès aux médicaments, ou la participation de tous dans les politiques sanitaires, instaureraient au contraire des perspectives sociales et solidaires plus conséquentes.

De surcroît, les amalgames grossiers et abjectes assimilant de facto cette mesure à des drames historiques tels la Shoah ou l’apartheid, ou érigeant ses opposants comme des « résistants » à la dictature ou au fascisme, ne peuvent que, par la tendancieuse minimisation des réalités qu’ils sous-tendent, accréditer les courants d’extrême droite déjà fortement présents. Si le caractère autoritaire et intrusif du passe sanitaire est avéré et reste à dénoncer, il ne peut s’exclure du contexte répressif actuel mené pour la sauvegarde du système néolibéral, et donc d’une critique plus large1. L’opposition au passe sanitaire, pour s’inscrire dans une continuité de luttes émancipatrices, ne peut ainsi manquer aux exigences de justice sociale revendiquées lors d’un précédent mouvement…

[Fred]

1 Après la loi « pour une sécurité globale préservant les libertés » du 25 mai 2021 et celle « relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement » du 30 juillet, et la loi du 24 août 2021 « confortant le respect des principes de la République », le projet de loi « relatif à la responsabilité pénale et la sécurité intérieure » actuellement en discussion est le quatrième grand texte sécuritaire fourre-tout de cette seule année 2021.

Posted in General | Comments Off on S’opposer au passe sanitaire, et plus encore… ???

Épisode cévenol n°22

Cliquez sur l’image pour accéder au numéro complet. Bonne lecture !

Posted in General | Comments Off on Épisode cévenol n°22

Mille chemins mènent à La Borie

Article paru dans l’Épisode cévenol numéro 21.

Mille chemins mènent à La Borie et pour l’avoir oublié des bulls se sont enflammés.

Ce lundi 14 mai 1990 à 5 heures du matin, après avoir bloqué la route, les forces de l’ordre (sic !) croyaient avoir isolé le site. Pourtant quelques minutes à peine après l’arrivée des engins une centaine de personnes étaient déjà sur place, venues de toutes parts à travers chemins et sentiers.

Sur le livre d’or, placé sur la table du mas occupé, depuis le 1 juillet de l’année d’avant, ces mots avaient été écrits «  Désormais La Borie tu n’es plus seule, tu nous appartiens ».

La Borie devenait à cette occasion un bien commun, ainsi en avait décidé un « collectif » composé de Saint-Jeannais, des communes de St Jean, Mialet, Saint Etienne, et bien d’autres communes de France, d’associations, de sympathisants, d’élus, d’anonymes ou de célébrités…

Sur un des panneaux composant le grand NON qui avait été tendu au milieu de la vallée quelqu’un avait écrit «  A la Borie, il y a de la place pour tous, les gros, les minces, les petits, les grands, les habillés et les tout nus, les sans lunettes ou avec grosses loupes, les intellos, les manuels, les branchés et les débranchés, les babas cools et les complètement coulés »

Un bien commun ouvert à tous.

La lutte fut difficile, malgré la victoire de l’abandon du projet de barrage en 1992. Une lutte bariolée où chacun retrouvait sa force ou sa passion faite de musique, de peinture, de rencontre, de création d’un journal (« Sauve Gardon La Borie)…. et de beaucoup de moments festifs.

Il faut dire que les publicistes, que nous n’avions pas invités, avaient prédit que nous avions tout faux ! On ne mobilise pas sur un NON, il faut être positif. Le sigle ne convenait pas. Jamais de triangle c’est connoté religieux et un castor en plus en colère ce n’est pas « porteur ». Mais ceux de La borie étaient un peu sourds. Un peu sourds à ceux qui disaient que le pot de terre se fracasse invariablement sur le pot de fer. Sourds à ceux qui accordaient la légitimité des décisions aux élus au détriment de la volonté exprimée par la population (l’enquête publique avait rejeté le projet de barrage à 86,64% et un referendum d’initiative populaire avait montré un même rejet à 90,78%).

La Borie devint l’affaire de tous, partageant joies, craintes, fatigues, énergie, découragement, colère ou apaisement.

Une lutte exemplaire parce qu’elle fut menée avec imagination et partage, exemplaire aussi car elle amena défaites et victoires, réussites et erreurs. Elle est l’Histoire d’un temps très défini (1989-1992). On ne refait pas une époque.

Et puis…

Une fois le site préservé comment faire vivre un bien commun ?

Diverses tentatives eurent lieu : Création de l’ association AFPE La Borie (Association pour la Formation d’un Projet d’Ecosite), puis de l’Ecosite La Borie, constitué sous la forme d’une SCIC ( Société Coopérative d’Intérêt Collectif), ensuite arrivées et installations de divers groupes.

Nous allions tous à La Borie, pour nous promener, nous baigner, rencontrer des amis, organiser des fêtes ou des animations. Nous prenions soin collectivement de ce lieu.

A côté de ceux qui, de longue date, y avaient légitimement trouvé  refuge, notre présence restait collective. Nous allions à La Borie, fallait-il l’habiter ?

Hérite-t-on des erreurs et des victoires ? Pour les erreurs chacun s’y reconnaîtra

La victoire ce fut celle de La Borie décrétée bien commun ouvert à tous.

Aujourd’hui « la propriété de La Borie est à vendre »

La Borie, bien commun, ne peut appartenir ni à une entreprise, une start-up, un groupe, un conseil municipal. On ne peut y dresser un mur.

Mille chemins mènent à La Borie, certains l’avaient oublié. Aujourd’hui le temps est venu de retrouver ces chemins, nos chemins, multiples, complexes, parfois contradictoires pour retourner à La Borie.

Mais pour cela il faut se mettre à l’œuvre pour trouver, comme ce fut le cas en 1989, ce qui fait commun. Cela passe forcément pas des plaies à panser, des efforts d’écoute, de l’amitié trouvée ou retrouvée, de la confiance, de l’engagement, le refus de l’entre-soi.

C’est certainement utopique. Raison de plus pour se mettre au travail. La Borie en vaut bien la peine. [Jacques Verseils]

Posted in General | Comments Off on Mille chemins mènent à La Borie

Mad Max, ou la croissance verte…

Article paru dans l’Épisode cévenol numéro 21.

Dans un contexte de crise climatique majeure et d’annonce sans cesse répétée d’atteinte du pic pétrolier, la question de l’utilisation des énergies fossiles est devenue un sujet d’ampleur auquel gouvernements et industriels sont tenus de se confronter. Fait significatif : même l’influente Agence internationale de l’énergie a affirmé récemment la nécessité d’arrêter tout nouveau projet d’investissement incluant ces énergies fortement polluantes. Pour autant, si des bouleversements sont en cours dans la considération de l’usage des ressources qui ont permis l’essor de l’économie moderne capitaliste au cours des siècles derniers, l’or « noir » pourrait encore avoir de beaux jours devant lui… Et les partisans du système actuel sont bien loin de remettre en cause le mode de production et de consommation que celle-ci sous-tend.

Les tentatives pour enduire d’un vernis prétendument écologique les solutions de remplacement des énergies fossiles fleurissent ainsi au grand jour, et c’est par la science que ce mythe doit être réalisé. Dans une perpétuelle fuite en avant misant sur le progrès technologique pour sauver la planète, la croissance « verte » se révèle être un parfait terrain de jeu pour les investisseurs cherchant de nouveaux profits. C’est donc dans ce sens qu’il faut comprendre l’engouement pour les énergies vertes, et parmi celles-ci, les agrocarburants, censés remplacer les énergies fossiles dans le domaine des transports.

La production industrielle d’agrocarburants dite de « première génération », issus de plantes vivrières comme la betterave, le blé ou le colza, est pourtant très contestable, aussi bien sur le plan économique et social que celui de l’environnement1. Celle-ci entre en concurrence avec les ressources alimentaires, génère déforestations, dégradations et accaparements de terres, notamment au détriment de la petite paysannerie des pays du Sud. Elle participe également à la flambée des prix agricoles et renforce les inégalités dans un contexte de crise alimentaire mondiale. Ce choix industriel présente de surcroît un bilan énergétique mitigé, un impact désastreux pour les ressources naturelles et l’équilibre des écosystèmes. Certains agrocarburants sont même accusés d’émettre plus de CO2 que le diesel ou l’essence classiques ! De plus, les agrocarburants n’ont pu être lancés et ne sont rentables aux États-Unis et dans l’Union européenne aujourd’hui que grâce à de fortes subventions, détaxations et protections à l’importation.

Conscientes de ces déconvenues et cherchant de nouveaux débouchés commerciaux, les recherches scientifiques actuelles portent sur une nouvelle génération d’agrocarburants à base de micro-algues, réputées fournir un meilleur bilan énergétique et être non consommatrices de terres arables. Mais là encore, la formule magique ne fonctionne pas : la production de masse des micro-algues nécessite de forts besoins en énergie de transformation, rendant son coût de production bien plus élevé que celui des carburants fossiles pour être commercialisé. Par ailleurs, la productivité des micro-algues provient de leur capacité à générer des lipides par photosynthèse, donc dépend potentiellement de l’ensoleillement et des conditions climatiques. Les conditions optimales de production n’étant atteintes que dans certaines zones géographiques (Afrique, Brésil, sud de l’Inde…)2, il est fort probable que les pays occidentaux, moins avantagés à ce niveau là, mais pourtant grands consommateurs d’énergies, décentralisent tout où partie de leur production.

De plus, les incertitudes sont grandes au sujet de la sensibilité de la productivité aux variations thermiques, et la contamination par des organismes compétiteurs, prédateurs, ou par des virus, ce qui peut entraîner des pertes importantes de production de l’ordre de 30 % à 50 %. Les auteurs d’un rapport parlementaire alertent pour leur part en janvier 2020 les pouvoirs publics français sur les risques liés au renforcement de l’artificialisation des sols du à l’implantation des bassins de culture des micro-algues lors du passage au stade industriel de production3. Mais le principal obstacle reste selon eux l’absence de sols disponibles : la quasi-totalité des sols français étant déjà affectée à des usages ne permettant pas le développement de cette activité.

Évidemment, les nombreuses start-up innovantes s’engageant dans cette voie prédisent des améliorations de leurs travaux, mais ceux-ci, de l’avis de bon nombre de spécialistes, s’étalent sur encore une durée d’encore au moins quinze ans avant toute mise sur le marché. Ces échéances ne sont donc pas compatibles avec les efforts immédiats sans précédent demandés notamment par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) en ce qui concerne la réduction des gaz à effets de serre. En outre, en 2017, les agrocarburants ne représentaient qu’à peine plus de 3 % des carburants consommés dans le monde dans le secteur routier, selon l’Institut français du pétrole et des énergies nouvelles (IFPEN)4. Et l’Agence de la transition écologique (ADEME) a estimé dans son rapport de 2014 que les quantités maximales de micro-algues susceptibles d’être produites sur le territoire français ne pourraient représenter à terme qu’un maximum situé entre 7 % et 15 % de la consommation totale actuelle. Cela donne une idée de la pertinence des projets pourtant annoncés par certains promoteurs comme des solutions « capables à l’échelle mondiale de réparer le climat »5

Mais au delà des critères de faisabilité technique et de l’opportunisme flagrant de tel ou tel porteur de projet, ce sont bien des questions de fond qu’il faut aujourd’hui faire émerger. L’innovation technologique, si performante puisse-t-elle être, ne change en rien la perpétuation du système global de l’économie mondialisée, ni les inégalités qui lui sont inhérentes. Il n’est plus à démontrer que l’histoire récente du développement des nations au centre de la dynamique capitaliste, au delà de l’exploitation salariale, tient pour beaucoup à l’appropriation de ressources, d’énergie et de terres des zones périphériques. L’amélioration du rendement des énergies utilisées depuis le XVIIIème siècle a prouvé qu’un usage plus économe de la ressource ne conduisait pas à une réduction de son usage, mais au contraire à son extension6. L’utilisation du pétrole n’a ainsi pas réduit la consommation de charbon, tout comme le développement des énergies renouvelables ne conduira pas à une réduction des énergies fossiles où nucléaires.

La crise écologique et en particulier climatique révèlent les limites physiques d’un mode de développement qui nous est imposé par les logiques du productivisme et du capitalisme financier. Seule une diminution radicale de la consommation énergétique et matérielle globale permettrait de répondre à la gravité de la situation. Mais pour cela, c’est bien le système dans son entier et ses promesses d’abondances qu’il faut repenser de toute urgence. [Fred]

1 « Manger partout dans le monde ou conduire, il faut choisir » – Bulletin de l’association Attac – Octobre 2009

2 « Efficaces, les «algo-carburants»? » – Le Temps – 26 mai 2014

4 « Tableau de bord biocarburants 2019 » – IFP Énergies nouvelles – 16 juillet 2019

5 « Projet Kodama » – Néomérys, Énergie et Biocarburants

6 Voir en cela la théorie dite de l’« effet rebond » ou « paradoxe de Jevons ».

Posted in General | Comments Off on Mad Max, ou la croissance verte…