Il faut cultiver notre jardin*

Que du bla-bla disait Gréta

Depuis le 28 juillet dernier, jour du « dépassement » nous vivons à crédit sur la planète Terre (1). Cela signifie que depuis cette date l’humanité a consommé l’ensemble de ce que la planète peut produire en un an sans puiser dans ses réserves qui sont limitées.

Le vivant, tout le vivant est menacé. Plus de 60% des espèces animales ont disparu en seulement 40 ans (2). La limitation de l’augmentation de la température à 1,5 degré, on n’en parle même plus. Nous nous trouvons incapables d’enrayer ce funeste processus, et ce malgré les bonnes intentions, les déclarations de tous les présidents, les préconisations de toutes les COP passées, présentes et à venir.

Et pour cause, ces COP sont dominées par divers lobbies, hyper actifs, hyper-puissants disposant de l’argument le plus convaincant qui soit, l’argent. Les États riches, dont la France, en sont à dédommager les pays pauvres victimes de nos prédations avec quelques miettes. Pas plus. On soulage les effets et on maintient les causes. On signe un chèque d’indemnisation, une transaction honteuse pour continuer comme avant sans se priver, sans affecter le monde de la finance, sans effort collectif, sans modifier nos pratiques consuméristes, sans remettre en question la loi du profit, la voracité des grandes puissances, des pays dits « développés », qui sont à l’origine de ce désastre.

L’extractivisme

Fait significatif de la petite dernière des COP, la 27e mascarade : les extractions et les exploitations de ressources fossiles n’ont jamais été remises en question. Une aberration absolue lorsqu’on sait que l’extractivisme est grandement responsable de l’augmentation des gaz à effet de serre et du réchauffement climatique, que « l’extractivisme avale avec une extrême violence toutes les ressources de la planète pour les fondre dans l’immense chaudron du capitalisme » (3), que ces activités entraînent la destruction de forêts en capacité d’absorber du CO2, et la fin programmée des populations qui ont le malheur d’habiter dans des espaces convoités comme l’Amazonie. Les magnats du pétrole, les grands patrons, les actionnaires de tous bords, tous ceux qui tirent des richesses faramineuses grâce au gaz de schiste, aux sables bitumineux (Dakota du Nord aux États-Unis, Manitoba au Canada), au pétrole, au charbon, tous ceux qui pillent les sous-sols de l’Afrique, de la Sibérie, du Chili peuvent dormir tranquille, il ne leur arrivera rien, si ce n’est des dollars. « Business as usual », la clim à fond.

Dennis Meadows

En 1972, Dennis Meadows, brillant scientifique du Massachussets Institute of Technology, lance un pavé dans l’euphorie des Trente Glorieuses avec son ouvrage « Les limites de la croissance » coécrit avec son épouse, Donella et deux autres experts. Leur constat est simple : une croissance infinie dans un monde fini est impossible. Ce livre sera vivement critiqué, perçu à juste titre comme une menace pour le monde des affaires, et les décideurs tenteront en vain, de le garder sous le tapis vu que la machine à « produire, consommer, jeter » y était clairement condamnée. Les auteurs proposaient différents scénarios pour les quarante années à venir. Or, ce sont les plus sombres prévisions qui se sont réalisées. Dennis Meadows qui écrivait il y a cinquante ans « La croissance de la population et du capital accroît l’empreinte écologique de l’Humanité c’est-à-dire le poids que les hommes font peser sur les écosystèmes de la planète » ( affirmation que plus personne ne peut nier en 2022), n’a aujourd’hui plus aucune illusion sur le sujet : selon lui les dirigeants, malgré d’hypocrites promesses ne font que maintenir un modèle économique mortifère. La planète ressemble à un Titanic en perdition.

Sobriété subie

Les « écogestes », c’est mignon comme expression. Sauf que beaucoup les pratiquent depuis toujours, bien malgré eux, vu qu’ ils sont trop pauvres pour se chauffer. La suggestion de « baisser le chauffage à 19° » sonne comme une insulte pour ceux qui l’ont tout simplement arrêté. Actuellement la France compte 5 millions de logements énergivores, considérés comme des passoires thermiques, dont 24% à Paris(4). A force d’ échéances sans cesse repoussées, il faudra sans doute des lustres pour isoler correctement le parc des logements anciens majoritairement occupés par des foyers aux ressources modestes.

Le « col roulé » c’est tendance

Des solutions existent cependant, à la portée de tout un chacun. L’adoption du col roulé par exemple. En voilà une piste ! Décidément, ça vaut le coup d’avoir fait l’ENA ! J’irais encore plus loin. Pourquoi ne pas instaurer un nouveau code vestimentaire au Parlement, un décret qui obligerait col roulé, charentaises, gants et bonnet de laine pour tous les députés durant les mois d’hiver ? On baisse le chauffage à 18° et on réalise de grosses économies. Soit, mais l’hémicycle se vide, il ne reste plus qu’ Elisabeth en doudoune et moufles tricotées maison, incapable de tourner les pages de ses notes, Yaël violacée grelottant au perchoir… Le 49.3 perd toute sa raison d’être. Ça se voit que j’ai pas fait l’ENA. Corbeille.

Les mesurettes

Par préoccupation électoraliste, par manque de courage politique, sous la pression d’intérêts corporatistes, nos pitoyables dirigeants ont fait le choix du « progressif ». Dans cet intervalle d’inertie, certains continuent d’avoir froid, d’autres d’empoisonner les sols avec le glyphosate, d’autres encore de polluer l’atmosphère et la mer sans s’encombrer de scrupules. Nos élus sont les champions des mesures timorées, sans incidence significative, comme l’arrêt des vols intérieurs d’une durée inférieure à deux heures trente, alors que la Convention citoyenne pour le climat proposait l’arrêt des vols de moins de quatre heures (à ce jour, cette loi, pourtant bien timide, n’est toujours pas mise en application).

La fin des oiseaux

Concernant la biodiversité, preuve est donnée que Macron s’en moque éperdument puisqu’il autorise la chasse aux filets et aux cages pour les alouettes des champs, au nom du respect de traditions locales (devenues archaïques ) (5).Rappelons que ces oiseaux sont en déclin et que les filets capturent également d’autres espèces d’oiseaux tels que les grives, les merles et les rouges-gorges, qui tous finiront en sordides brochettes après avoir agonisé entre les mailles des pantes (nom de ce type de filet).

Lanterne rouge

Sans surprise, la France est à la queue du peloton des pays européens en matière d’énergies renouvelables, n’ayant pas rempli ses objectifs pour l’échéance 2020. Dans le domaine de ce qu’on appelle gentiment la « transition écologique », la France traîne des pieds. L’État français détient par ailleurs le triste privilège d’avoir été condamné le 14 octobre 2021 par le tribunal administratif de Paris pour préjudice écologique, inaction dans la lutte contre le réchauffement climatique, suite au procès intenté par le collectif d’associations « L’affaire du siècle »(6).

Eco-anxiété

Un néologisme de plus pour qualifier pudiquement le mal-être qui frappe surtout des jeunes angoissés des sombres perspectives de leur avenir. Parmi cette génération, des étudiants vivent sous le seuil de pauvreté, se lancent dans des études dont l’issue passera vraisemblablement par la case Unedic… à moins qu’un papa au bras long n’intervienne.

Allez, va consulter un psy… mais ne sois pas pressé, il faudra patienter un peu, les rendez-vous sont saturés. Ah ? Mais comment cela se fait-il ? L’hôpital a été sacrifié sur l’autel de la rentabilité. Florian Vivrel, médecin urgentiste hospitalier, ne peut que confirmer que « l’idéologie néolibérale est incompatible avec le concept d’hôpital public » (7). La santé est devenue un marché parmi d’autres. Aujourd’hui on meurt dans les couloirs aux urgences. En attendant, le suicide des jeunes reste un sujet tabou. Motus.

Écoresponsables et intouchables

Pas dupe, je trie mes déchets, je récupère, j’achète en vrac, je me donne bonne conscience.

Le bons sens élémentaire permet de comprendre que nos gestes vertueux ont une portée minime tant que les super-riches polluent sans états d’âmes avec leurs yachts et leurs jets privés , tant que « le patrimoine financier de soixante-trois milliardaires français émet autant de gaz à effet de serre que la moitié de la population française » (8). Le petit peuple est invité à « faire des efforts », les puissants se gavent. Leur demander, alors que la plupart se serrent la ceinture, un peu de solidarité, une contribution, à coup sûr indolore, relève aussi bien d’une entorse aux dogmes de la droite que d’une trahison envers les copains. Créer un ISF climatique ? Taxer le kérosène, mais vous n’y songez pas ? Taxer les « superprofits » ? Quelle ineptie, on ne mord pas la main qui nous nourrit, enfin ! La rhétorique oiseuse du ministre en col roulé pour justifier encore et toujours son choix d’épargner les grosses fortunes ne convainc que ceux qui en bénéficient. Silence, écoutons le doux murmure du ruissellement … dans les paradis fiscaux (9).

Écoféminisme de salon

Sandrine et sa sortie sur le barbecue viril nous a fait du tort. Ce féminisme infantile de bourgeoise privilégiée n’a strictement rien à voir avec le vécu d’une femme battue, d’une femme violée dans la rue, ou dans le cadre conjugal, harcelée au travail, soumise au chantage sexuel d’un patron, d’une fille contrainte au mariage. Déconnectée du réel Sandrine, et c’est bien regrettable non seulement pour toutes les femmes confrontées au machisme au quotidien, mais aussi pour le discrédit qu’elle jette sur les luttes féministes et écologistes. (Sandrine au placard ! ).

Un monde nouveau

Grâce à son documentaire diffusé sur Arte, Cyril Dion, écrivain et militant écologiste, apporte une bouffée d’air frais, bien plus qu’une lueur d’espoir. Face aux défis auxquels l’humanité se trouve confrontée, il invite à résister, partager, innover. Il propose à travers des rencontres sur le terrain, des solutions, des initiatives collectives réussies au niveau local, que ce soit dans le domaine de l’agriculture, de la gestion de l’eau ou de la préservation des écosystèmes.

À voir avec les jeunes jusqu’au 30 mai 2023.

[Edwige]

*Voltaire, Candide, 1759.

1- AFP 28 juillet 2022.

2- Rapport WWF France, 2018.

3- Comité pour l’abolition des dettes illégitimes, 1er septembre 2015.

4- https://start.lesechos.fr/, 26 novembre 2022.

5- Ligue pour la protection des oiseaux, publication d’octobre 2022.

6- Vie publique, 21 octobre 2021.

7- Blog Médiapart. 25 février 2022.

8- Greenpeace. Climat et milliardaires. 21 juillet 2022.

9- J’en ai une pas mal : la prochaine fois Marine ne prendra pas la RN pour se rendre à l’Élysée, elle prendra l’autoroute. La grogne populaire pourrait bien profiter à l’extrême-droite.

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