« Exterminez toutes ces brutes ! »

La solidarité vitale avec le peuple palestinien face au génocide

La Palestine ? Ne m’en parle pas…! C’est si terrible ce qui s’y passe… Ce « conflit entre Israël et les Palestiniens » n’a que trop duré. Il est tellement complexe et dure depuis si longtemps… Ne peuvent-ils pas s’entendre enfin ? … Et, entre nous, les Palestiniens, ne sont-ils pas un peu responsables de ce qui leur arrive ? Mais bon, c’est vrai que maintenant ils vivent l’enfer à Gaza… La famine…

Dis, que pouvons-nous faire, nous ? Deux ans que ça dure… Je me sens si impuissant.e. De toutes façons, Israël s’impose et aucun État ne peut s’interposer si ce n’est les États-Unis, alors la France…

Et puis c’est quand même un peu loin de nous tout ça, cela ne nous concerne pas vraiment. Et puis, il y a tant d’autres conflits, on ne parle ni du Congo, ni du Soudan par exemple.

En réalité, je ne supporte plus de voir tout ça, cette violence, cette misère, j’en suis malade. Je n’en dormais plus. Alors, il faut que je me préserve. Du coup, c’est vrai, je ne suis plus vraiment les infos sur la Palestine.

Mais je suis de tout cœur avec ceux qui manifestent … De tout cœur !

Enfin, Macron vient d’annoncer qu’il reconnaîtrait l’État de Palestine ? Bon cela n’arrêtera pas le massacre mais n’est-ce pas déjà un pas en avant ? Un moyen de pression ? Tu ne sembles pas convaincue…

Qui n’a pas entendu ces propos de personnes qui se disent pourtant sensibles au sort réservé aux Palestiniens ? Tout en étant à la fois touchées et compatissantes, ces femmes et ces hommes expriment une forme de lassitude. Entre mauvaise conscience et malaise, apitoiement et indifférence, transparaît surtout une volonté d’en finir et d’oublier. Ne plus être confrontées à ce sujet pénible et pesant. Mais, en exprimant leur désarroi n’est-ce pas surtout d’elles-mêmes qu’elles parlent ? Et derrière ces lamentations contrites, les crimes d’Israël finissent par être relativisés pour finalement disparaître.

Et voilà qu’il faudrait presque s’excuser de continuer de parler de la Palestine. Karim Kattan, écrivain palestinien, dans un poème, surjoue à peine une personne désabusée qui soupire : « on a tout essayé, je suis pleine, pleine, pleine d’empathie, si pleine que j’en crèverais — cependant, il faut finir, il faut, donc… finissez-les… mais poliment, de grâce, poliment ».1

« Exterminez toutes ces brutes » clame Kurz, personnage central du récit glaçant de Joseph Conrad, « Au cœur des ténèbres », dans lequel la barbarie des premiers négociants et militaires arrivés au Congo à la fin du 19e siècle est exposée de manière crue. Cette injonction fait aussi écho au livre de Sven Lindqvist puis au film de Raoul Peck qui tous deux revisitent de manière radicale le colonialisme et le racisme exterminateurs européens.

Comment ne pas faire de parallèle avec la Palestine ? Pour certains de manière explicite, pour d’autres, indirecte et suggérée, la Palestine n’est autre qu’un repaire de brutes, de terroristes, de sauvages qu’il faudrait anéantir. Les plans d’aujourd’hui sont tout aussi brutaux que ceux qui forgent l’histoire des États-Unis et les projets colonialistes européens. Qui aurait pu envisager le projet de « Riviera du Proche-Orient » promu par le président Trump il y a quelques mois ? Et pourtant un document de l’establishment étatsunien filtré fin août prévoit ce plan criminel et délirant sur les montagnes de cadavres de la bande de Gaza en ruine.

Dévastée, elle deviendrait quasiment un « territoire sous tutelle » des États-Unis placée sous contrôle de mercenaires occidentaux dans la pure tradition coloniale. Le trust « Gaza Reconstitution, Economic Acceleration and Transformation Trust » (GREAT Trust) gérerait la Bande de Gaza pendant une période d’au moins dix ans. Selon ce programme, à l’issue de la phase de déblaiement des décombres et des explosifs, il est prévu de lever des fonds à hauteur de 100 milliards de dollars pour la construction de complexes hôteliers de luxe, de centres de données IA et de « villes intelligentes ». Ce projet invraisemblable nécessiterait toutefois que la Bande de Gaza soit vidée de la majorité de ses 2 millions d’habitants. Cette partie du plan est actuellement déjà mise à exécution par le gouvernement et l’armée israéliens avec l’armement états-unien et européen.

Quant aux palestiniens sur leurs terres ancestrales, à certains il sera proposé un logement permanent dans l’un des nouveaux immeubles résidentiels, logement qu’ils ne pourront payer. Et s’ils quittent « volontairement » l’enclave, chacun de ces « volontaires » recevrait 5 000 dollars et des fonds pour se nourrir (pendant un an) et payer son loyer ailleurs (pendant quatre ans). À long terme, il est promis qu’« une communauté palestinienne réformée et déradicalisée » pourrait prendre la relève sans qu’il soit toutefois question d’État palestinien.

Une majorité de Gazaouis devra néanmoins être expulsée de force. Les bombardements incessants et la famine ont pour objectif de les pousser à partir vers des lieux déjà établis. Donald Trump, au comble du cynisme transactionnel, envisage de reconnaître l’État sécessionniste du Somaliland en contrepartie de l’accueil des déportés palestiniens. Il est aussi question du Soudan du Sud vers lequel les États-Unis déportent déjà des migrants indésirables. Aussi fou que terrifiant ce plan pourrait-il être réalisé ? Il appartient à tous de contribuer à son échec.

La Palestine concerne chacun.e d’entre nous. Le projet centenaire de sa colonisation est le fait des puissances occidentales. Les dirigeants européens relayés par les Étasuniens depuis la fin de la seconde guerre mondiale n’ont jamais abandonné leur stratégie de contrôle de la région. Cette volonté mise en œuvre dès la fin de l’Empire ottoman après 1918 a pris diverses formes et s’est concrétisée notamment par le soutien actif au projet sioniste. Les régimes britanniques et français ont ainsi toléré la colonisation rampante de la première moitié du 20e siècle. Ce sont les occidentaux qui ont ensuite porté devant l’organisation des Nations Unies, le plan de partage qu’ils ont voté en novembre 1947. Ce vote a donné lieu à la tristement célèbre résolution 181, rejetée par les Palestiniens en raison de son caractère fondamentalement injuste et illégitime.

Ces États colonialistes ont assisté sans réagir à la déportation de plus de la moitié de la population palestinienne. Cette Nakba – catastrophe majeure – a été orchestrée à coups de massacres, de destructions de villages et de liquidations par les milices sionistes. Ces mêmes puissances ont approuvé la proclamation de l’État d’Israël en mai 1948 en violation des résolutions de l’ONU. Les membres permanents occidentaux du Conseil de sécurité de l’ONU couvrent depuis la colonisation continue des terres palestiniennes, l’incarcération de milliers de Palestiniens, l’anéantissement des infrastructures dans la Bande de Gaza mais aussi en Cisjordanie. Ces mêmes démocraties néocolonialistes sont de plus en plus nombreuses à reconnaître Jérusalem comme la capitale d’Israël, en violation ici aussi, du droit international.

Au-delà, de la solidarité avec son peuple nié, spolié et massacré, la Palestine concerne l’humanité toute entière car elle constitue le laboratoire d’un mode de gestion autoritaire ultraviolent qui un jour pourrait être mis en œuvre ailleurs. Et, pourquoi pas, ici-même… Ne laissons pas exterminer et déporter les Palestiniens. Ne nous détournons pas du peuple de Palestine. Défendons la justice et la morale, appuyons le combat palestinien pour la libération et l’autodétermination. Il y va du destin de tous. [Tissa]

1 Karim Kattan, Quand minuit vient, 25 février 2024, https://aoc.media/fiction/2024/02/24/quand-minuit-vient/

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Autogouvernement indigène au Michoacán

Helena Vari Ortega Prado soutient depuis longtemps les luttes et processus pour l’autonomie des peuples indigènes dans l’état du Michoacan, au centre-ouest du Mexique. De passage en France, elle a fait escale le 31 juillet à la Maison Mazel à Saint Jean du Gard, pour une présentation organisée par Terres Vivantes en Cévennes. L’occasion pour une interview.

Avant de rentrer dans le vif du sujet, peux-tu replacer les luttes indigènes du Michoacan dans le contexte mexicain ?

Il y a trois éléments de contexte importants pour comprendre ce qui se passe au Michoacan. Le premier, c’est que le Mexique est un état fédéral, avec des régions appelées états, comme le Michoacan, qui disposent d’une autonomie plus grande que celle de vos régions en France. Jusqu’à il y a peu, il y avait donc trois niveaux de gouvernement : fédéral, étatique (équivalent de régional en France), et municipal (les municipios, équivalent des communautés de communes).

Le deuxième élément, c’est le niveau très élevé de violence et de corruption, avec ce qu’on appelle le narco. C’est un système de crime organisé, qui tourne bien sûr autour du trafic de drogue, mais qui fait aussi de l’extorsion, du trafic d’êtres humains, ou de l’exploitation illégale de ressources, notamment la forêt au Michoacan. La violence est aussi courante contre les militant.es, qu’ils soient syndicalistes, sociaux, indigènes.

Le troisième élément, c’est le racisme systémique du Mexique. La colonisation a écrasé les peuples indigènes, et après l’indépendance les élites ont voulu « intégrer » ces peuples, en leur imposant la langue et la culture espagnoles. Mais ils ont toujours résisté et ont réussi à conserver de façon plus ou moins marquée leurs langues, cosmovisions et pratiques organisationnelles. Mais ils restent au bas de l’échelle sociale mexicaine. Au Michoacan, il y a cinq peuples : purhépecha, mazahua, náhuatl, otomí, pirinda-matlazinca. Il faut souligner qu’il n’y a pas d’homogénéité politique ou culturelle entre ces peuples, mais ils partagent la même oppression pour être indigènes.

Les peuples du Michoacan ont gagné certaines victoires juridiques et politiques ces dernières années. Peux-tu revenir sur l’origine de ce processus ?

Au Michoacán, il y a toujours eu de fortes résistances des peuples indigènes, et des communautés1 qui se sont gouvernées en rupture avec le système officiel mexicain. Mais cette autonomie était limitée dans la pratique, notamment à cause du manque de ressources financières.

Mais en 2011, les événements ont pris une autre tournure, avec le soulèvement de la ville de Cherán sur le territoire du peuple purhépecha. Cherán connaissait une situation difficile, avec beaucoup de violence liée au crime organisé qui exploitait les forêts du territoire de façon intensive et illégale, avec le soutien des partis politiques corrompus. Le 15 avril 2011, un mouvement autonome se déclenche, emmené d’abord par les femmes de la communauté, pour mettre fin à cette situation. Le mouvement prend rapidement, et des barricades sont installées autour de la ville, gardées jour et nuit. C’est ce qu’on appelle «autositio» : personne n’entre et sort de la communauté, ce qui permet de contrôler ce qui se passe.

Le mouvement exige d’abord l’arrêt de la déforestation illégale et de ce système de corruption, mais les revendications s’élargissent rapidement pour aboutir à une revendication d’autonomie, qui va être accompagnée juridiquement par un collectif d’avocat créé pour l’occasion, le collectif Émancipations.

Quelles sont les victoires juridiques gagnées dans ce processus ?

Des victoires ont été obtenues devant le TEPJF (Tribunal Électoral du Pouvoir Judiciaire de la Fédération), puis des changements ont eu lieu dans la constitution de l’état du Michoacan et dans la constitution nationale, mais ce serait trop long de tout détailler. L’important, c’est que ces changements ont permis à Cherán et d’autres communautés de se gouverner par ce qu’on appelle les us et coutumes,c’est à dire un système traditionnel et autonome de gouvernement local, où les partis politiques n’ont aucune place. Ce droit était déjà reconnu auparavant, mais très peu appliqué officiellement sur le terrain. L’autogouvernement indigène est ainsi devenu officiellement le quatrième niveau de gouvernement. Et surtout, les communautés ont gagné le droit de recevoir directement le budget qui leur est dû de la part des niveaux de gouvernement étatique et fédéral, sans passer par le niveau des municipios où cet argent se perdait dans la corruption. Cela leur permet d’avoir des moyens financiers nécessaires à l’exercice de l’autogouvernement.

Les derniers changements constitutionnels donnent aussi plus de droits aux peuples indigènes, en termes culturels, sociaux, politiques, etc. par exemple le mariage forcé des adolescentes est formellement interdit, et il y a obligation de consulter les peuples indigènes sur les décisions politiques qui les impactent. Ces avancées sont majeures. Bien sûr ces changements ne sont pas parfaits, il reste beaucoup à faire, notamment sur la question du contrôle territorial. C’est un vaste sujet, avec des conflits entre communautés hérités des délimitations territoriales arbitraires de la colonisation. Il faut aussi insister sur les luttes politiques, qui ont soutenu les luttes juridiques, avec blocages de route, manifestations, blocages de réunions gouvernementales, etc. Tout ce processus est intense et semé d’embûches !

En plus des changement juridiques et législatifs, il y a eu un changement politique au Michoacan, car tout cela s’est fait avec le soutien du gouverneur actuel, ce qui est très rare qu’un gouverneur soutienne les peuples indigènes ! Il a par exemple remodelé la Commission Étatique (du Michoacan) pour le Développement des Peuples Indigènes (CEDPI), en y nommant des personnes issues des communautés, du collectif Émancipations, ou des personnes soutenant activement la lutte, comme moi qui travaille maintenant pour cette commission.

Et concrètement, c’est quoi l’autogouvernement indigène ?

Je répète, il y a toujours eu des communautés indigènes organisées selon les us et coutumes. Mais à part dans les communautés zapatistes, cette organisation était limitée par le manque de cadre juridique, de moyens financiers et par la pression exercée par les partis politiques. Les choses sont un peu plus claires maintenant, car les communautés peuvent faire reconnaître officiellement leur autogouvernement.

Chaque communauté s’organise comme elle veut, mais la plus haute instance est toujours l’Assemblée générale, rassemblant tou.tes les habitant.es. C’est elle qui prend les grandes décisions, et qui désigne les représentant.es qui vont exercer les cargos, c’est à dire les charges ou les postes. Il n‘y a plus un maire élu, mais des conseils rassemblant parfois jusqu’à 100 personnes ! La gestion du pouvoir est donc très collective. Et il faut bien souligner que les personnes sont désignées, elles ne se présentent pas : c’est l’Assemblée qui propose des noms, en fonction des compétences et de l’engagement des gens. C’est difficile de refuser, car c’est à la fois un honneur et une obligation de travailler pour la communauté. Ce système permet d’éviter la personnalisation et la professionnalisation des responsabilités politiques.

L’Assemblée désigne aussi les postes de « sécurité », car il n’y a plus de police « extérieure », chaque communauté élit sa propre force de sécurité qui au Michoacán s’appelle souvent Rondas Comunitarias, rondín, Kuari ou Kuaricha.

Avec le presupuesto directo (budget direct) dont je parlais tout à l’heure, les communautés ont augmenté significativement leurs ressources, et peuvent ainsi investir dans ce qui leur semble important : infrastructures de santé, d’éducation, de sécurité, de conservation et récupération du territoire, gestion des ressources naturelles, priorités matérielles, sociales, culturelles, etc.

Tout cela donne une organisation sociale, politique, culturelle très particulière et plutôt enthousiasmante !

Quels sont aujourd’hui les défis pour ce processus ?

Déjà, comme je l’ai dit, tout n’est pas parfait, et le processus est toujours en construction. Il y a toujours des tensions, beaucoup de violence des narcos, de la corruption à plein de niveaux, ce qui complique les processus d’autogouvernement. Et il y a des sujets, comme le contrôle territorial, qui vont demander de nouvelles batailles politiques et juridiques.

Il faut aussi préciser qu’il existe plusieurs mouvements au Michoacán, qui chacun rassemble des communautés indigènes, avec leurs propres représentants, leurs propres façons de faire et des différences de points de vue : le Frente por la Autonomía, le Consejo Supremo Indígena, et des communautés « indépendantes », par exemple. Il n’y a pas d’homogénéité du mouvement, ce qui peut être une force comme une faiblesse.

Enfin, je mentionnais le soutien du gouverneur du Michoacan à ce processus. Ça a été une chance, mais le jour où il sera remplacé par un gouverneur moins sensible à ce sujet, les choses se compliqueront sûrement. [Joce de Terres Vivantes en Cévennes]

1. Les villages des peuples indigènes sont généralement appelés communauté.

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Semer les graines de l’autonomie

Le 5 juillet dernier était organisée une table ronde intitulée « Semer les graines de l’autonomie » dans le cadre des rencontres d’été de l’association Abraham Mazel à Saint Jean du Gard. Voici ci-dessus un entretien autour de l’intervention de l’un des membres du collectif Terres Vivantes en Cévennes sur la question de l’autonomie.

EC : L’autonomie est une notion vaste qui peut prendre des sens différents. Peux-tu pour commencer prendre quelques exemples pour la définir ?

Tvec : Oui, on peut penser par exemple :

– aux peuples colonisés qui se sont soulevés face aux empires occidentaux pour reprendre leur autonomie politique et leur indépendance,

– aux luttes ouvrières comme le mouvement « autonome » italien des années 60/70 qui s’est organisé en dehors du cadre habituel des syndicats et du parti communiste pour mener ses propres actions et revendications, sans représentants,

– aux communautés paysannes de l’époque médiévale qui se sont opposées à l’État, à la Noblesse et au Clergé pour le maintien de la gestion des communaux et des droits d’usages collectifs, et donc préserver leurs moyens de subsistance,

– ou tout simplement à un enfant qui devient « autonome » et qui petit à petit se passe de ses parents pour faire ses propres choix et mener sa vie.

EC : Le collectif Terres Vivantes en Cévennes s’est depuis sa création intéressé à la notion d’autonomie, plus particulièrement en lien avec la question de la subsistance, qui est liée à l’autonomie alimentaire, l’installation de paysan.es, la défense des terres agricoles, les luttes contre les projets destructeurs et d’accaparement de ressources… De quelle manière articuler de manière théorique toutes ces questions là ?

Tvec : Plusieurs rencontres publiques ont été organisées avec différents intervenant.es et ont permis préciser la notion.

Aurélien Berlan, philosophe et auteur du livre « Terre et Liberté », montre que dans la plupart des conceptions occidentales de la liberté, qu’elles soient libérales ou socialistes, être libre suppose d’être « délivré » des nécessités de la vie. Donc le fait de se débarrasser des tâches jugées pénibles et ennuyantes : produire sa nourriture, se procurer de quoi se chauffer, se loger, faire le ménage… Mais pour obtenir cette liberté, on se repose sur autrui (esclaves, serfs, ouvriers, femmes, peuples des pays colonisés…). Il précise : « Si la liberté suppose de se décharger sur d’autres des nécessités de la vie, pour se consacrer à des activités jugées plus intéressantes ou réjouissantes, alors elle repose en fait sur la domination. Car il faut alors faire faire à d’autres ces tâches nécessaires qu’on ne veut pas assurer soi-même. Or, « faire faire » est la formule même de la domination sociale, qui repose toujours sur la séparation entre les exécutants qui font et les dirigeants qui disent à leurs subordonnés ce qu’ils doivent faire. » Au contraire, pour Berlan, la liberté s’acquiert en retrouvant son autonomie en reprenant en charge les aspects matériels de nos vies, notamment les revendications d’accès à la terre.

Pour Bertrand Louart, menuisier ébéniste à la coopérative Longo Maï, la recherche d’autonomie suppose de remettre en question la fascination moderne pour les moyens de production industriels et les technologies. Se pose la question cruciale de comment lutter contre un système dont nous sommes matériellement hyper-dépendant ? On peut penser alors aux agriculteurs assujettis au système agro-industriel ou aux ouvriers soumis aux cadences du travail à la chaîne et au geste répétitif, au contraire de l’artisan, du paysan qui sont maîtres de leurs ouvrages, de leur réalisation. L’autonomie suppose ici une réappropriation de la technique pour mieux vivre et reprendre en main nos conditions d’existence.

Genneviève Azam, économiste altermondialiste et militante, s’inscrit dans le courant écofeministe qui relie féminisme, écologie et dé-colonialisme. Elle montre que les tâches de subsistance (réalisées très souvent par les femmes) ont été constamment dévaluées, alors qu’au contraire, s’emparer des charges du quotidien, c’est reconquérir une liberté perdue et lui redonner un contenu politique.

Il existe ainsi une idée très forte dans les milieux écologistes que lorsqu’on parle aujourd’hui, de « cultiver notre autonomie alimentaire ou énergétique », cela signifie que l’on aspire à ne plus dépendre (ou moins) des grandes industries pourvoyant à nos besoins, et donc à reprendre en charge par soi-même ces nécessités.

EC : Au niveau politique, comment se représenter l’autonomie ?

On peut définir une société autonome comme une société dans laquelle chacun peut participer aux affaires publiques et décider des lois au lieu de les recevoir d’un pouvoir extérieur, un comité d’expert ou une assemblée de représentants. Il s’agit donc de se donner à soi même sa propre loi, dans le sens de la démocratie directe.

L’autonomie a fait l’objet de réflexions approfondies chez certains penseurs. On peut prendre quelques exemples. Pour Cornelius Castoriadis, pour qui l’autonomie est centrale dans ses travaux : « Une société autonome est une société qui, consciente de son auto-institution, ne cesse de s’interroger sur le sens de celle-ci et d’en reprendre l’élaboration; une société consciente que le pouvoir ne provient que d’elle même et qui est l’affaire de tous. Le citoyen est à la fois celui qui à la fois peut gouverner et être gouverné. Nous ne pouvons jamais nous dire, une fois pour toutes, que nous sommes autonomes, mais nous avons à l’être. » L’autonomie chez Castoriadis est ainsi un processus interminable, sans cesse questionné, dépourvue de pouvoir transcendant (issu d’un dieu, d’une mythologie, d’une tradition, d’une loi de la nature,…).

Ivan Illich part quant à lui du constat que la société gouvernée par un État administratif et moderne vise à détruire les modes de vies vernaculaires que les individus ont noué entre eux, afin de les rendre dépendants de l’organisation économique et administrative de la société. Les citoyenn.es se retrouvent transformées en simple exécutants, ils ne sont plus des acteurs autonomes et responsables qui participent à la vie publique, mais bien des rouages au service d’une entité et d’un intérêt supérieur : la société moderne et industrielle.

Pour Murray Bookchin, seule une société libre et émancipée peut faire naître un monde écologiquement viable. Il fonde l’écologie sociale, et définit un moyen de parvenir à cette société : le municipalisme libertaire. Il s’agit d’œuvrer à la dissolution des États et des nations pour faire émerger des confédérations de communes. Cela donne la possibilité aux individus de ces communes de pouvoir garder la main sur leur outils, sur leur pouvoir politique et ainsi de protéger leur autonomie.

On peut dégager quelques traits communs à ces approches de l’autonomie :

> Un refus de l’aliénation : Que l’on comprend dans le sens courant du rapport dominants / dominés, de la perte de sens au travail (division du travail, travail à la chaîne…), mais également dans le fait d’être dépossédés de notre capacité politique, que l’on ne puisse plus penser que l’on peut changer les choses.

> Refus dudéterminisme : Refus que l’histoire serait toute tracée ou devrait être déterminée par un pouvoir transcendant extérieur qui viendrait du divin, de la tradition, de la nature…. L’autonomie sociale d’une société est le fait qu’elle soit consciente qu’elle est seule responsable de ses institutions, et peut donc les changer car elle est le fait de sa propre création. A l’opposé, la pensée néolibérale voudrait nous faire croire qu’il n’y aurait pas d’autres possibilités que la poursuite de l’économie de marché qui impliquent des institutions centralisées et autoritaires. L’acronyme TINA (There is no alternative) laisserait entendre que toute sortie du néoliberalisme serait illusoire.

> Refus de la place centrale de l’économie : La notion d’autonomie suppose une économie basée non sur le profit et l’accumulation mais sur les besoins réels. Elle remet à sa place l’économie qui a envahi toutes les sphères de la société à son sens initial (en grec, Oikos : sphère privée, la maison, Oikonomia : « administration de la maison, donc la subsistance).

> Autonomie individuelle et sociale : Une société autonome créé des individus autonomes, qui pensent librement. Les deux vont ensemble car le bien commun ne peut se réaliser si il y a oppression ou domination, si il y a séparation entre dirigeants et dirigés. Une société autonome ne peut être formée que par des individus autonomes. Et des individus autonomes ne peuvent vraiment exister que dans une société autonome.

L’autonomie au sens politique permet une remise en question des cadres et des structures, pas un simple ajustement à l’intérieur du système existant. C’est donc bien en cela que la notion nous parait des plus pertinentes.

EC : Comment l’autonomie se retrouve t’elle concrètement dans les luttes ?

Tvec : La question de l’autonomie à de tout temps été présente au cœur des luttes, même si elle n’est pas forcement revendiquée en tant que telle, ou présente sous des formes inachevées.

Ce fut le cas lors de nombreuses périodes révolutionnaires : comme lors de la Commune de paris, de l’insurrection ukrainienne de Makhno, de la guerre d’Espagne,… Mais également lors des luttes ouvrières et sociales. Prenons l’exemple des conseils ouvriers qui fonctionnent selon les principes de la démocratie directe et rassemblent les travailleurs dans des assemblées de base. Si ces conseils comportent des élus, alors ces assemblées sont mandatées via un mandat impératif, doivent rendre compte de leurs activités devant l’assemblée, et sont révocables à tout moment par l’assemblée. Le mouvement autogestionnaire ouvrier (avec notamment les fortes luttes de réappropriation des usines en Argentine dans les années 90, ou en France avec les LIP ou Fralib), même s’il montre des limites en restant toujours soumis aux lois du marché, montre que l’autogestion est possible. On peut penser aussi au mouvement des Gilets Jaunes où l’autonomie et l’auto-organisation était une donnée centrale (assemblées populaires décisionnaires, rencontres de Commercy, refus de représentants à la tête du mouvement et de la récupération par les partis et syndicats…). Il y a également les mouvements d’occupations où le rôle des assemblées prend une place centrale dans les luttes (Nuit debout en France, Occupy, Tarhir en Egypte, Gezi en Turquie…).

Dans les luttes paysannes, la recherche d’autonomie est une constante à travers le monde et les époques. On le voit historiquement avec la défense des communs, des usages collectifs de la petite paysannerie (mouvement contre les enclosures en Angleterre, Guerre des demoiselles en Ariège…).

D’autres expérimentations actuelles tendent à rompre avec les système en place comme le mouvement des paysans sans terres au Brésil qui compte plus de 350 000 familles se réappropriant les services de base comme l’accès à la terre et l’alimentation, les écoles, le système médical… [voir article sur Michoacan dans ce numéro] D’autres sont en une rupture totale avec l’État comme le mouvement Zapatiste au Mexique où l’éducation, la santé, la place des femmes, l’agriculture et l’horizontalité des prises de décision sont au cœur de leur projet émancipateur.

La question de l’autonomie se retrouve dans de nombreuses luttes actuelles (contre les méga-bassines, l’industrialisation des forêts, l’extractivisme…) où c’est la question de l’accaparement des ressources qui se pose face à la préservation des biens communs (eau, terres agricoles, biodiversité…), et donc de nos possibilités de subsistance.

EC : Quelles perspectives peut offrir la notion d’autonomie ?

Tvec : Comme nous le montre Aurélien Berlan, l’autonomie a été au cœur des conceptions populaires de la liberté, notamment paysannes (en Occident mais également ailleurs), qui associaient la liberté (l’autodétermination) à la capacité à assurer sa subsistance (l’autosuffisance), et donc à l’accès aux ressources, notamment la terre.

Il est donc essentiel d’articuler concrètement autonomie matérielle et politique. On ne pas simplement se contenter de créer une niche matérielle au sein d’un système qui resterait inchangé. Ni non plus mener une lutte abstraite contre le « système » qui entendrait se passer de l’invention de nouvelles formes de vie collective, de regards nouveaux sur nos manières d’exister. D’où l’importance de déployer des alternatives sans cesser de combattre tout ce qui nous oppresse et dépossède.

D’autre part, c’est également une question de confrontation entre des imaginaires opposés : celui qui d’un côté martèle que les individus ne seraient pas capables de se prendre en charge sans une autorité extérieure, que le règne de l’économie et de la croissance infinie serait indépassable. D’un autre, celui d’individus responsables évoluant dans une société capable de s’auto-instituer et de s’auto-limiter, « c’est-à-dire une société sait qu’elle peut tout faire mais qu’elle ne doit pas tout faire », pour reprendre Castoriadis. Mais ce dernier imaginaire doit se construire sur des représentations existantes, avec un ancrage sur le réel. On doit donc chercher les germes déjà existants pour aller vers cet idéal. L’autonomie est une notion transversale qui se déploie dans un ensemble large de nos luttes et alternatives, et peut donc les renforcer. [Fred de Terres Vivantes en Cévennes]

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Épisode cévenol n°45

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Contre la violence d’extrême-droite

L’extrême-droite gagne du terrain. Son idéologie se répand dans de larges sphères de la société. La recrudescence récente d’appels à la haine, d’attaques violentes et de meurtres, pourtant alarmants, ne semble pas pour l’heure provoquer de réactions à même d’endiguer la contagion. Le glaçant « Paris est nazi ! » proclamé en février dernier lorsqu’une trentaine d’individus cagoulés, armés de couteaux, venaient d’attaquer une projection associative et de passer à tabac un jeune syndicaliste de la CGT n’est pas sans rappeler le bruit des bottes sur les pavés de la capitale…

La menace fasciste se cache derrière une multitude de mouvances : des identitaires aux nationalistes, en passant par les royalistes, néonazis, suprémacistes, intégristes religieux, complotistes, ou encore accélérationnistes. Le média d’enquête StreetPress, a recensé 320 sections locales ou groupuscules d’extrême-droite actifs en France dans plus de 130 villes réparties sur tout le territoire1. Mais la radicalisation ne s’effectue pas uniquement à travers le recrutement traditionnel militant. Elle commence bien souvent sur le Net, du fait que l’idéologie d’extrême-droite y est prédominante, et que les propos sont relayés jusqu’aux plus hautes instances gouvernementales.

L’extrême-droite tue

L’extrême-droite tue partout en France. Les appels au meurtre et la glorification de la violence fasciste pullulent sur les réseaux sociaux. Les passages à l’acte deviennent une réalité de plus en plus inquiétante. En mars 2022, l’ancien rugbyman argentin Federico Martin Aramburu, a été abattu de plusieurs balles dans le dos à Paris par un ancien militant du Groupe union défense (GUD) suite à une altercation dans un bar. En décembre de la même année, un individu déjà impliqué dans une agression au sabre, ayant blessé deux personnes en 2021 dans un camp de migrants, a ouvert le feu devant le Centre culturel kurde rue d’Enghien à Paris, tuant trois personnes. En août 2024, à Cappelle-la-Grande, près de Dunkerque, un responsable du groupuscule paramilitaire d’extrême droite « Brigade française patriote » a délibérément écrasé Djamel Bendjaballah à trois reprises, sous les yeux de sa fille de 10 ans. Ce meurtre à caractère raciste est survenu alors que la victime, insultée de « sale bougnoule » et de « sarrasin », avait déposé à trois reprises une plainte, toutes restées sans suite. Vingt armes ont été retrouvées au domicile du meurtrier, et deux autres dans son véhicule. Le groupuscule auquel il appartient, composé majoritairement d’anciens militaires, est très structuré et organise des entraînements physiques et paramilitaires dans une forêt à la frontière de l’Oise et de l’Aisne.

Le nombre d’homicides commis par des personnes appartenant à des groupuscules d’extrême-droite ou d’autres passant à l’acte de manière « isolée » est en forte augmentation ces dernières années. Cependant, les proches des victimes et leurs avocats rencontrent fréquemment des difficultés à faire reconnaître la nature raciste, islamophobe ou terroriste des faits. Le parquet national antiterroriste (PNAT) s’est ainsi saisi, pour la première fois, d’une enquête pour meurtre lié à l’extrême-droite, celui de Hichem Miraoui, abattu de plusieurs balles dans la commune de Puget-sur-Argens dans le Var le 31 mai dernier. Dans une vidéo diffusée juste avant son passage à l’acte, l’auteur du crime a appelé les Français à se révolter et tirer sur les personnes d’origines étrangères, notamment maghrébine. Il a indiqué inscrire ses crimes dans une idéologie ultranationaliste et xénophobe. Alors qu’un mois avant, le 22 avril, la qualification de terrorisme n’avait pas été retenue par le parquet pour l’assassinat abject d’Aboubacar Cissé, jeune malien de 22 ans, qui a été frappé de plus d’une cinquantaine de coups de couteau dans la mosquée de la Grand-Combe. Son agresseur, filmant la scène, avant de la poster sur internet, lance en voyant la future victime dans la mosquée : « Il est noir, je vais le faire ». Avant d’ajouter : « Je l’ai fait (…), ton Allah de merde ! » en accompagnement de son acte. La difficulté à obtenir une reconnaissance juridique de la nature des faits tend évidemment à minimiser leur gravité et leur ampleur, les affaires étant bien souvent présentées comme de simples faits-divers, et les agresseurs comme des « déséquilibrés » agissant de manière impulsive.

La violence et la terreur comme mode d’expression

La violence contre les personnes est traditionnellement le mode d’action privilégié des mouvements d’extrême-droite pour imposer leur idéologie (Voir EC n°35). Et les faits ne manquent pas. En novembre 2024, à Roman‑sur‑Isère, une centaine de militants ont tenté de mener une expédition punitive dans le quartier de la Monnaie après le meurtre de Thomas à Crépol. Une situation similaire a eu lieu à Paris, où des individus affiliés à des groupuscules d’extrême-droite ont été suspectés de préparer une attaque contre des supporters marocains durant la Coupe du monde de football en décembre 2022. En novembre 2023 à Lyon, une rencontre sur la Palestine est violemment attaquée par une vingtaine de militants d’extrême-droite masqués et armés de bâtons, matraques et barres de fer. Des mortiers d’artifice sont tirés sur la porte du local où se tenait la rencontre. L’attaque fait sept blessés.

Plus récemment, en mai 2025, c’est le bar associatif sympathisant du Parti communiste, le Prolé, qui est la cible d’un groupe identitaire en marge de la Féria d’Alès, une douzaine de ses membres font irruption dans le bar assenant les personnes à l’intérieur de coups et de gaz lacrymogène. Depuis 2017, on dénombre environ 300 faits de violences d’extrême droite, visant notamment des militants de gauche et des minorités ethniques ou religieuses. Le canal Telegram Ouest Casual relayant des vidéos de ce type d’attaque, des appels à s’armer, et à tuer, malgré plusieurs fermetures du compte, affiche toujours plus d’une dizaine de milliers d’abonnés.

Depuis 2017, près d’une vingtaine de tentatives d’attentats ont été déjouées avant leur réalisation. Seize membres du groupuscule « Action des forces opérationnelles », dont l’objectif affiché est de s’opposer par tous moyens à la prétendue « islamisation de la France », passent en procès ce mois de juin 2025. Ils préparaient entre 2017 et 2018 des actions islamophobes comme empoisonner de la nourriture halal pour déclencher un effet de panique chez les musulmans, où faire exploser la porte d’une mosquée de Clichy-la-Garenne (Hauts-de-Seine) et de positionner des tireurs à longue distance aux abords.

Gangrène de la société

La présence de l’extrême-droite ne se limite pas aux actions d’intimidation dans la rue, elle diffuse son idéologie à travers les institutions. Un nombre grandissant d’élus de partis politiques tels que le Rassemblement national, dont les liens avec les groupuscules radicaux ne sont plus à démontrer, immiscent leurs théories racistes au sein des instances du pouvoir, tant au niveau national que local. Mais c’est le cas aussi avec la police et l’armée. Selon les sondages, ce sont près des 2/3 des policiers et gendarmes qui ont voté pour l’extrême-droite lors des dernières élections présidentielles. Et sans grande surprise, leur représentation professionnelle se positionne dans le même sens. Dans le contexte des révoltes consécutives au meurtre de Nahel à Nanterre en 2023 par un policier (voir EC n°34), les syndicats UNSA et Alliance n’ont pas hésité à qualifier les jeunes révoltés de « nuisibles ». Côté armée, le tableau n’est pas plus réjouissant. En avril 2021, une tribune signée par une vingtaine de généraux, une centaine de hauts gradés et plus d’un millier de militaires, appelait à une intervention contre l’« islamisme et les hordes de banlieue », menaçant d’une possible intervention militaire pour protéger les « valeurs civilisationnelles » (voir EC n°20).

Les lieux d’enseignement, dont l’université, sont également touchés. Début février 2025, de nombreuses publications sur les réseaux sociaux montrent des militants du syndicat étudiant l’UNI faire des saluts nazis ou être en relation avec des groupuscules néofascistes dans plusieurs villes de France. En 2018, dans le contexte de la lutte des étudiants contre le Plan étudiant et la réforme du Baccalauréat, une milice fasciste attaque des étudiants mobilisés qui occupent la fac de droit et de sciences politiques de Montpellier avec la complicité du doyen et la participation de deux professeurs de droit de l’établissement.

Rôle de l’État et des médias

La sur-représentation des thèmes de l’extrême-droite dans les médias (immigration, insécurité, islam…), la mainmise du groupe Bolloré sur un certain nombre d’entre eux, mais aussi la facilité avec laquelle cette idéologie se propage sur les réseaux sociaux sans quasiment aucune limitation, ne peuvent que nourrir le terreau du fascisme et favoriser le passage à l’acte violent.

Au lieu de lutter efficacement contre ces groupuscules et la multiplication des actes violents commis par des individus affiliés à l’extrême-droite, l’État contribue à leur banalisation en propageant, à des niveaux élevés, des fantasmes racistes, tels que le concept de « submersion migratoire » et en établissant des liens entre immigration et insécurité. Jamais, auparavant, les discours de l’extrême droite n’avaient été repris aussi ouvertement par des membres d’un gouvernement. Et mis à part la dissolution administrative de quelques groupuscules, n’ayant que pour effets la reconstitution immédiate d’autres groupes et facilitant la porosité entre leurs membres, bien peu de mesures concrètes sont prises. Trois propositions de création de commissions d’enquête, initiées par des députés de la France Insoumise, portant sur la lutte contre les factions d’extrême-droite ont même été rejetées depuis 2022. Les néonazis peuvent ainsi défiler tranquillement en arborant leurs drapeaux ornés de croix celtiques et scander des slogans aussi pitoyables que « Europe submergée, Français en danger » ou « Bleu, Blanc, Rouge, la France aux Français » comme se fut le cas le 9 mai dernier dans les rues de Paris.

Lutter contre le fascisme

Lutter contre le fascisme ne se passera pas d’un combat à tous les niveaux, organisé par le bas, sur des bases sociales opposées à toute forme de discrimination et d’exploitation. De multiples moyens existent : comités d’autodéfense populaire, campagnes contre des médias tels que ceux de Bolloré, réappropriation de l’information pour contrer la propagande d’extrême-droite, présence et soutien lors d’attaques violentes… De nombreuses ripostes populaires et déterminées s’organisent. Le 2 mars dernier à Lorient, près de 2 000 personnes ont répondu à l’appel de plusieurs dizaines d’associations, syndicats et collectifs pour manifester contre l’extrême droite qui tente de s’implanter dans la région. Quelques jours plus tard à Paris, c’est le mouvement féministe qui repousse l’extrême-droite dans la rue en empêchant le collectif identitaire Némésis d’intégrer le cortège de la manifestation du 8 mars place de la République. Au Village de l’eau installé à Melle, dans les Deux-Sèvres, en juillet 2024, où 7 000 personnes ont convergé du monde entier pour dénoncer l’accaparement de l’eau, les multiples débats et tables rondes ont été l’occasion d’affirmer la nécessité de lier ce combat à celui contre l’extrême-droite, dont les idées progressent dangereusement dans les zones rurales.

Ainsi, la lutte antifasciste doit se mener de paire avec la diversité des luttes sociales, antiracistes, féministes, écologistes, décoloniales… déjà existantes, mais aussi avec les nombreuses actions de solidarité qui renforcent la cohésion sociale, associative et politique dans les quartiers et à la campagne. En bref, ne pas s’attaquer qu’aux conséquences du fascisme, mais également à ses causes.

[Fred]

1Streetpress, : CartoFaf : La Cartographie de l’extrême-droite radicale française – 5 nov. 2024

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Nos forêts ne verdiront pas la centrale de Gardanne

L’histoire de la centrale de Gardanne date de 70 ans. De l’exploitation d’une mine de charbon par les Houillères (HBCM), elle est actuellement sous la houlette de Gazel Energie, groupe appartenant au milliardaire tchèque Daniel Kretinsky. L’électricité est désormais produite par la combustion de bois, ou du moins devrait l’être, car depuis 8 années, se succèdent autorisations d’exploiter, annulations des autorisations, entrecoupées de grèves longue durée par les ouvriers (cf.encadré)

Pourquoi ces soubresauts ? Plusieurs raisons à cela.

1) l’exploitant devenu privé, est passé des Houllières à la SNET, devenu E.ON France, puis à Uniper, a finalement été racheté par Gazel Energie. En rachetant Gazel Energie, Daniel Kretinsky, après avoir perdu des sommes conséquentes (1/3 de son chiffre d’affaires en 2016) devait s’afficher comme acteur incontournable de production d’électricité renouvelable.

2) En rachetant la centrale de Gardanne, Kretinsky héritait aussi d’une situation chaotique : d’une part, des ouvriers inquiets de perdre leur outil de travail se sont mis en grève, et d’autre part divers recours juridiques couraient toujours et ont bloqué une reprise des activités jusqu’à ce jour.

La situation actuelle

> La centrale est encore à ce jour (fin juin 2025) sans autorisation d’exploiter.

Ce qui n’a pas empêché le gouvernement de M. Barnier d’autoriser un redémarrage prématuré, annoncé en novembre 2024 par la ministre de l’énergie Olga Givernet.

Et cerise sur le gâteau, l’État s’est engagé, via un contrat signé avec Gazel, au rachat de l’électricité de 100 millions € par an sur 8 ans afin d’assurer Gazel de vendre son énergie estimée à 4 fois le prix du marché.

> L’enquête publique qui vient de se terminer, sollicitait (enfin !) l’avis des personnes les plus concernées, c’est à dire les habitants des 16 départements du sud de la France où il est prévu d’abattre des résineux pour fournir la centrale.

A noter que cela ne suffisant pas, il faudra continuer à importer des bois du Brésil, ainsi que d’Espagne et d’Italie, sans compter le charbon (cendreux) encore nécessaire pour les plaquettes forestières importées – technique coréenne de lit fluidisé circulant1.

> Mais l’essentiel reste à venir.

Car l’objet de l’enquête publique, c’est à dire approvisionnement en bois dans un rayon de 250 km autour de Gardanne, nous concerne tou.te.s. Certaines communes sont ciblées (84 dans le Gard) mais d’autres n’y échapperont pas vu la quantité de bois nécessaire : 450 000 tonnes de bois par an dont 60 % « local ».

Ces prélèvements se feront avec toutes les conséquences invoquées dans les réponses (d’opposition au projet) à l’enquête publique, à savoir :

– impact sur le dérèglement climatique par 1) le gaz à effet de serre produit par les engins forestiers et divers transports et 2) par la réduction de captation de carbone par abattage des arbres ;

– perte de la biodiversité (faune et flore) présente dans nos forêts (voir encadré 2) ;

– dégradation des routes et chemins des Cévennes par les camions et engins forestiers.

Gazel aura probablement du mal à trouver des propriétaires consentants, du moins espérons-le. La réunion publique à Alès l’a bien montré, la petite centaine de personnes présentes a fortement exprimé son opposition à ce projet.

Désormais, au cas où le Préfet donne son accord, ce qui semble malheureusement probable, l’heure est à l’organisation afin d’empêcher ce désastre.

Encadré 1 : La Centrale de Gardanne, un feuilleton à rebondissements

1953 : les Houllières de Bassin du Centre et de Midi (HBCM) démarrent l’exploitation d’un gisement de charbon près de Gardanne pour produire de l’électricité. Avec une première centrale de 50MW

de 1953 à 1963 : 3 autres centrales (50MW, 50MW, 250MW) sont mises en route,

en 1981 : construction d’une cinquième (595MW),

A partir de 2000, seules la 4ème et la 5ème fonctionnent,

2003 : arrêt de l’exploitation, les Houillères passent le relai à la Société Nationale de l’Électricité et du Thermique, devenue E.ON France,

2010 : suite à un appel d’offre national, E.ON investit pour transformer l’unité 4 en centrale biomasse,

2012 : autorisation de la préfecture pour un démarrage par Uniper, filiale de E.ON,

2016 : scission des activités d’énergie fossile d’E.ON, Uniper poursuit l’exploitation avec du bois issu des coupes de forêts situés dans un rayon de 400 km autour de Gardanne. Cet approvisionnement se fait sans consultations et suscite de fortes et nombreuses oppositions (Conseils Généraux départements 04, 05 – Parcs naturels Lubéron, Baronnies – une centaine de communes, …). S’ajoutent à ces oppositions des difficultés techniques de fonctionnement,

juin 2017 : décision de suspension par le Tribunal administratif de Marseille (l’étude d’impact de ne concernait qu’un rayon de 3 km autour de la centrale), Uniper fait appel, le Préfet donne une autorisation provisoire (9 mois) le temps de constituer le dossier d’appel,

2017-2019 : un mouvement social bloque la centrale suite à l’annonce de la fin des centrales à charbon pour 2022,

2019 : Gazel Energie* rachète la centrale 4,

2020 : la centrale redémarre suite au rétablissement de l’autorisation d’exploiter par le tribunal, puis elle est à nouveau bloquée par une grève.

Mars 2023 : un recours juridique passe au Conseil d’État et annule l’autorisation d’exploitation,

novembre 2023 : l’appel est rejeté, le tribunal exige une enquête publique sous 12 mois sur l’étude des impacts directs et indirects,

Janvier 2025 : le gouvernement autorise le redémarrage sans enquête publique, celle-ci aura finalement lieu en mai 2025.

L’enquête a été organisée pour valider le nouveau plan d’approvisionnement en bois qui doit provenir de 16 départements et 324 communes, dans un rayon de 250 km autour de Gardanne.

*https://gazelenergie.fr/centrale-thermique-de-provence/

Note 2 : Protégée, encore bien présente dans nos forêts

La salamandre*

Elle devient la compagne de nos luttes locales. Après le castor de La Borie, c’est aujourd’hui l’animal emblématique du Gard. Une marionnette géante – 3,50m – de ce petit amphibien de 20 cm à la belle robe noire tachetée de jaune, a été fabriquée en juin dernier (stages à La Grand Combe), elle est bien visible dans nos manifestations pour l’eau, la terre et la forêt. Elle nous a ainsi représenté.es en juillet 2024 au Village de l’eau à Melle (Deux-Sèvres), lors d’une expo locale sur le projet de bassines proches de la Cèze, puis à Nîmes, et dernièrement à Montpellier dans la manifestation avec les groupes régionaux en lutte contre l’accaparement de l’eau.

La salamandre est un amphibien qui, comme nous, est en grande difficulté car elle a besoin d’eau, d’humus riche en insectes et micro-organismes, donc de forêts humides. Elle est tributaire de l’eau fraîche : elle pond ses œufs dans des vasques au bord des rivières ou dans nos anciennes boutasses ou bassins, où elle passe seulement 2 ou 3 mois sous forme d’élégants têtards à branchies. Durant le reste de sa vie, souvent 20 à 30 ans, on la retrouve dans les forêts humides où subsiste de vieilles souches dans lesquelles elle s’abrite, riches en humus où elle trouve à manger.

En voie de disparition, comme bien d’autres êtres vivants, faune, flore et champignons, la salamandre trouve encore refuge dans nos forêts. Que restera-t-il après le saccage prévu pour Gardanne, ne respectant pas les règlements de coupes de bois et encore moins les recommandations de garder un couvert continu de branchages ?

L’animal, comme d’autres, nous montre que les résistances sont dans ces forêts ; après tout, c’est bien l’histoire politique de ces montagnes.

* https://www.foretprimaire-francishalle.org/s-informer/la-salamandre-animal-des-forets-en-bonne-sante/

1https://www.bioenergie-promotion.fr/54106/plongee-dans-les-entrailles-de-la-centrale-biomasse-de-gardanne/

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Les nostalgiques de « l’Algérie française » en embuscade

Les relations qu’entretient la France avec l’Algérie ont toujours été déterminées par le passé colonial, un passé qui pour beaucoup ne passe pas. Les relents revanchards ont de tous temps traversé le débat public français, jusqu’à aller clamer « le rôle positif » de la colonisation1.

Alors que la reconnaissance officielle des crimes commis en Algérie de 1830 à 1962 est quasiment impossible, les déclarations du candidat Emmanuel Macron en février 2017 à l’occasion d’une visite en Algérie détonent. Il a ainsi déclaré dans une interview à propos du colonialisme : « C’est un crime. C’est un crime contre l’humanité, c’est une vraie barbarie et ça fait partie de ce passé que nous devons regarder en face, en présentant aussi nos excuses à l’égard de celles et ceux envers lesquels nous avons commis ces gestes. »2

Ces propos suscitent un énorme tollé en France et le débat qui aurait du porter sur la colonisation est dévié vers celui sur la « repentance » que pourtant les Algériens n’ont jamais demandé. Ces derniers voudraient que la France officielle regarde son passé en face et reconnaisse ses crimes. Entre temps, le président Macron a bien voulu concéder quelques « bavures » – l’assassinat de quelques personnalités de la résistance algérienne, la répression du 17 octobre 1961 à Paris qui a fait des dizaines de morts – mais on est encore loin du compte. Tout le travail de mémoire amorcé sur les deux rives de la méditerranée se poursuit difficilement et pour cause…

Peu de temps après son investiture, le président Macron opère un virage à droite et dès septembre 2021, s’en prend à l’Algérie en accusant son système « politico-militaire » d’entretenir une « rente mémorielle » autour de la guerre d’indépendance. Et en octobre 2021, il reprend un leitmotiv de l‘extrême droite : « Est-ce qu’il y avait une nation algérienne avant la colonisation française ? Ça, c’est la question.3» On imagine l’exaspération du côté algérien !

Soufflant le chaud et le froid, Macron se rend en Algérie en août 2022 dans le but affirmé d’entamer une nouvelle dynamique dans les relations bilatérales pour « renforcer la coopération franco-algérienne face aux enjeux régionaux » et « poursuivre le travail d’apaisement des mémoires », ce qui ne lui a pas vraiment réussi. En cinq ans, le discours de Macron sur la colonisation sera passé d’un « crime contre l’humanité » (2017) à « une histoire d’amour qui a sa part de tragique », phrase répétée deux fois lors de ce séjour en 20224. La visite du président algérien Abdelmadjid Tebboune prévue de longue date a depuis été plusieurs fois reportée.

Cependant les relations entre les deux États se sont dramatiquement dégradées lorsque le président Macron, dans une lettre au monarque marocain rendue publique par l’Elysée le 30 juillet 2024, déclare à propos du Sahara occidental occupé par le Maroc depuis 1975 : « Le présent et l’avenir du Sahara occidental s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine. (…) Pour la France, l’autonomie sous souveraineté marocaine est le cadre dans lequel cette question doit être résolue. Notre soutien au plan d’autonomie proposé par le Maroc en 2007 est clair et constant »5. La France piétine les résolutions de l’ONU qui considère le Sahara Occidental comme un territoire non autonome dont la décolonisation n’est pas terminée et préconise depuis 1991 l’organisation d’un référendum d’autodétermination du peuple sahraoui6. Connaissant la position de l’Algérie pour qui le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et l’autodétermination du peuple sahraoui sont une ligne rouge, Macron prend le risque d’une crise majeure pour satisfaire la droite et l’extrême droite en France.

Il n’en fallait pas tant pour que les médias de droite et en particulier ceux de la sphère Bolloré s’emparent du sujet en inversant les rôles. Selon ces médias, la crise ne serait pas le fait de la France mais de l’Algérie qui multiplierait les casus belli. Mais surtout, pendant des mois, ce n’est plus le président Macron qui s’exprime sur l’Algérie mais ses ministres en particulier celui de l’Intérieur Bruno Retailleau. Comme si l’Algérie était redevenue une question de politique intérieure française rappelant le temps où elle était composée de trois départements français.

Un des sujets de prédilection des médias et politiques revanchards, et cela ne date pas d’aujourd’hui, concerne l’accord franco-algérien de 1968 relatif à la circulation que l’extrême droite, sans surprise, remet régulièrement sur le tapis. C’est l’ancien ambassadeur français en Algérie, Xavier Driencourt, proche du Rassemblement national, qui en mai 2023 exhume cet accord oublié en raison de sa caducité. Le diplomate retraité multiplie les apparitions dans les médias pour le dénoncer car selon lui, « aucune politique migratoire cohérente n’est possible sans la dénonciation de l’accord franco-algérien ». En réalité, mais cela reste inaudible dans les médias, cet accord a été vidé de son contenu au cours des ans et n’a aucun effet sur les flux migratoires »7. Cependant pendant des semaines, commentateurs et politiques s’échinent à ressasser que les Algériens bénéficieraient d’un statut privilégié en France et que l’Algérie s’en montrerait si peu reconnaissante.

Driencourt et consorts ont alimenté une machine médiatique au service des nostalgiques de l’Algérie française qui ne cherchent qu’à en découdre avec l’Algérie indépendante. Plusieurs sujets phares de l’extrême droite sont brandis : Qu’il s’agisse d’immigration, de visas et en particulier de visas santé, de « repentance », des OQTF, de la détention de Boualem Sansal en Algérie etc., les faits avancés sont souvent faux, biaisés, réducteurs etc. Pour le dire clairement, le gouvernement algérien et les présidents algériens n’ont jamais exigé de la France une quelconque repentance. Il s’agit de reconnaissance des crimes coloniaux et d’en endosser la responsabilité. Quant aux OQTF, il suffit de consulter les statistiques pour constater que le nombre de refoulements réalisés vers l’Algérie correspond proportionnellement à celui vers le Maroc8, lequel État ne subit pas les mêmes invectives de l’establishment français. Et pour finir, l’affaire Boualem Sansal est instrumentalisée par les milieux revanchards. L’écrivain algérien naturalisé français en 2024, ancien haut fonctionnaire dans l’administration algérienne converti à l’extrême droite française, a notamment déclaré dans un média d’extrême droite qu’une grande partie de l’ouest algérien serait historiquement marocain tout en décrétant la souveraineté marocaine sur le Sahara Occidental. Si ses multiples provocations ne justifient pas une condamnation à 5 ans de prison, il faut tout de même rappeler que les protestations des politiques, intellectuels et autres artistes français sont bien sélectives. Qui de ces « indignés » parle de Georges Ibrahim Abdallah, militant de la cause palestinienne, emprisonné en France depuis 1984 et libérable depuis 1999 ? Qui s’inquiète du sort des militants kanaks injustement arrêtés et incarcérés en métropole ?

La fin de partie semblait enfin être sifflée en particulier pour le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau qui depuis des mois surfe notamment pour des raisons électorales sur la vague anti-Algérie. Jean-Noël Barrot, ministre des Affaires étrangères, se rend à Alger le 7 avril dernier où il rencontre le président Tebboune. Il annonce vouloir revenir « à la normale »et« reconstruire un partenariat d’égal à égal, serein et apaisé »9. Mais voilà qu’à peine le calme rétabli, une proposition de résolution « appelant à la libération immédiate et inconditionnelle de Boualem Sansal » est adoptée à l’Assemblée nationale le 6 mai à 307 voix pour et 28 contre. En fait, cette résolution n’est autre qu’une nouvelle attaque contre le gouvernement algérien dans le sens que l’article 35 « invite le gouvernement, la Commission européenne et le Conseil européen à veiller à ce que toute coopération renforcée avec l’Algérie soit subordonnée à des avancées concrètes et mesurables en matière d’État de droit et de libertés fondamentales, et à faire de la libération de Boualem Sansal une exigence préalable dans le cadre des discussions sur la modernisation de l’accord d’association entre l’Union européenne et l’Algérie »10. On n’est plus dans la simple demande de la libération de l’écrivain emprisonné mais dans une volonté d’exacerber le conflit en le propulsant à un niveau européen. Du côté français, pour la première fois, certains n’hésitent pas à agiter la carte des sanctions contre des « dignitaires » algériens !

Les rapports entre les deux États n’ont jamais été si délétères. Et tant que la constance néocoloniale institutionnelle perdurera, il sera difficile de revenir à une relation apaisée basée sur le respect mutuel. Il y va pourtant du présent et de l’avenir de centaines de milliers de binationaux.

1 La loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés avait inscrit dans son article 4 « le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord » ce qui a provoqué un tollé. Si ce passage a été retiré, l’article 1 en conserve l’esprit : « La Nation exprime sa reconnaissance aux femmes et aux hommes qui ont participé à l’œuvre accomplie par la France dans les anciens départements français d’Algérie, au Maroc, en Tunisie et en Indochine ainsi que dans les territoires placés antérieurement sous la souveraineté française ».

2 https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/emmanuel-macron-algerie-candidat-presidentielle-voyage-colonisation-crime-contre-l-humanite

3 https://www.la-croix.com/Monde/Algerie-peut-vraiment-comparer-colonisation-francaise-loccupation-ottomane-2021-10-05-1201178982

4 https://blogs.mediapart.fr/histoire-coloniale-et-postcoloniale/blog/030922/intervention-choquante-de-lelysee-apres-une-tribune-publiee-dans-le-monde

5 https://orientxxi.info/magazine/sahara-occidental-une-manoeuvre-politicienne-et-risquee-du-president-macron,7560

6 Après le retrait de l’Espagne en 1975, le Maroc occupe le territoire et un conflit armé l’oppose au Polisario jusqu’au cessez le feu en 1991, date à laquelle l’ONU décide d’un référendum que le Maroc a toujours refusé. L’Algérie a toujours soutenu le plan d’indépendance du Sahara occidental et exige l’application du droit international.

7 https://orientxxi.info/magazine/en-finir-avec-l-accord-franco-algerien-de-1968-une-obsession-de-la-droite,6989

8 https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2024/10/04/oqtf-comprendre-le-debat-sur-les-mesures-d-eloignement-des-etrangers-sans-papiers-en-france_6343837_4355770.html

9 https://www.franceinfo.fr/monde/afrique/algerie/crise-entre-alger-et-paris-jean-noel-barrot-annonce-une-nouvelle-phase-des-relations-avec-l-algerie_7175460.html

10 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/textes/l17b1021_texte-adopte-commission#

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Épisode cévenol n°44

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Les mangeurs de terre

Les grands patrons se frottent les mains. Il faut reconnaître que la supercherie est de taille : justifier la relance de l’industrie minière en Europe – l’une des activités les plus toxique et énergivore qui soit, sous couvert d’assurer le déploiement des énergies « vertes » nécessaires à la transition énergétique, il fallait oser !

Car la relance de l’activité minière sur le sol Européen est bien en cours. Face à la vertigineuse explosion des besoins en ressources minérales (en vingt ans, les volumes de métaux extraits dans le monde ont doublé), les dirigeants européens ne veulent pas demeurer en reste face à leurs concurrents russes ou chinois, et réduire un tant soit peu leur dépendance. Bien que peu médiatisée, cette nouvelle ruée minière est planifiée depuis plusieurs années déjà. En France, le rapport Varin de 2022 vise à sécuriser l’approvisionnement de l’industrie en matières premières minérales, l’annonce par le gouvernement français en 2023 de mesures de simplification administratives doit permettre d’accélérer les procédures minières, le règlement européen sur les matières premières critiques (Critical Raw Matérials Act) de 2024 fixe comme objectif une capacité d’extraction de 10 % de la consommation annuelle Européenne sur son territoire d’ici à 2030.

Et pour faire suite à l’annonce du chef du gouvernement de 2023 indiquant que la France doit faire évaluer son propre potentiel, c’est tout un programme d’identification des ressources qui vient d’être annoncé par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) en février 2025. Ce vaste inventaire, d’un montant de 53 millions d’euros et d’une durée prévisionnelle de 5 ans, va être mené sur cinq grandes zones du territoire métropolitain, dont une allant des Pyrénées aux Cévennes. La Guyane vient d’être ajoutée le 20 mars dernier à la liste des territoires dont le sous-sol sera étudié. Il n’y a donc que peu de doutes quant à l’intention d’ouvrir de nouvelles mines en France d’ici quelques années dans les zones qui s’avéreront propices à l’extraction. Une vingtaine de demandes de permis ont déjà été déposées sur le territoire métropolitain, et plus de 170 en Europe.

Seul bémol, s’il est assez aisé d’aller dévaster la planète et de créer des désordres sociaux à l’autre bout du monde (néocolonialisme oblige, les conditions de travail, les normes environnementales et l’emprise d’organismes financiers tels le FMI ou la Banque Mondiale génèrent un contexte nettement plus propice qu’en occident…), le faire en Europe demeure plus compliqué. Les industrieux chef d’entreprises l’ont bien compris : se pose la question de l’acceptabilité sociale. Et il n’est pas certain que l’emploi d’oxymores fallacieux tels que « mine verte » ou « mine responsable » suffisent à faire passer la pilule auprès de populations ne voyant pas forcement d’un bon œil que soient disséminés partout autour de chez elles des rejets de métaux toxiques tels le plomb, le mercure ou l’arsenic.

C’est ainsi qu’un subtil subterfuge a été trouvé. Comme l’indique la commission européenne : « Pour réaliser la transition, il faudra renforcer la production locale de batteries, de panneaux solaires, d’aimants permanents et d’autres technologies propres (c’est nous qui soulignons !) ». Évidemment, l’alibi louable de la transition passe mieux que si l’objectif premier était révélé : poursuivre le développement exponentiel du secteur des objets connectés et des centres de données numériques (datacenters), ceux de l’aérospatiale ou de l’armement. Tel le cailloux qui cache la carrière, c’est au nom de la transition énergétique que la relance minière européenne doit se faire.

Célia Izoard, journaliste et philosophe, autrice de l’ouvrage « La ruée minière au XXIème siècle, enquête sur les métaux à l’ère de la transition », résume clairement l’hypocrisie : « Notre civilisation a besoin d’un sevrage métallique, autant qu’un sevrage énergétique. Continuer à faire croire, comme le fait l’Agence Internationale de l’Énergie, qu’il est possible de supprimer les émissions carbones en électrifiant le système énergétique mondial est un mensonge criminel. On ne peut miser sur les énergies renouvelables qu’en réduisant drastiquement la production et la consommation. Et cela nécessite des bouleversements majeurs que les élites du capitalisme mondialisé refusent de faire. »

Pour donner un ordre de grandeur, si l’on voulait électrifier l’ensemble du parc automobile d’un pays comme la Grande Bretagne, il faudrait utiliser 2 fois la production mondiale de cobalt, les 3/4 de celle de lithium, et la moité de celle de cuivre. Et tout cela pour un secteur unique et pour un seul pays… Inutile de creuser plus loin la question, l’impasse de tels projets est assez criante. Soit il faudrait des décennies pour obtenir les matières premières suffisantes à l’électrification du système énergétique mondial, et donc ainsi rater le coche de la décarbonation, soit il faudrait extraire des quantités de manière pharamineuses partout dans le monde au prix d’aggraver encore plus les conséquences du changement climatique.

Car en effet, les mines jouent un rôle central dans plusieurs enjeux écologiques majeurs : le climat (par leur contribution aux émissions carbone, les mines si « vertes » qu’elles soient fonctionnent à l’énergie fossile), la perte de biodiversité (du fait de l’implantation de mines dans les zones les plus reculées du monde), la raréfaction des ressources (en premier lieu l’eau potable et les terres cultivables) et les risques sanitaires et environnementaux (étant donné l’ampleur des catastrophes industrielles qu’elles peuvent provoquer). Cela sans parler des conséquences sociales toutes aussi désastreuses : exploitation salariale, travail des enfants, assassinats d’opposants à ce type de projet, renforcement des conflits armés, conditions de vie détériorées des populations…

Là encore, quelques chiffres suffisent à montrer l’ampleur de la démesure : la teneur moyenne d’un gisement de cuivre est de l’ordre de 0,4 %, ce qui signifie que 99,6 % des roches extraites seront rejetées sous forme de déchets, de résidus extrêmement dangereux ou de boues stériles. Les conséquences de l’extractivisme ne sont pas maîtrisées : la pollution minière est irréversible, il n’est pas possible de décontaminer ce qui est déversé dans l’environnement. Mais les mines posent également le problème de l’accaparement de la ressource en eau : une grande mine de cuivre consomme en moyenne 110000 m³ d’eau par jour. Quand on sait que les 3/4 des sites miniers sont situés dans des zones menacées par le manque d’eau, et que les conflits d’usage y sont déjà souvent prégnants, qu’en sera t-il lorsque les périodes de sécheresses seront encore accrues par le réchauffement climatique ?

Évidemment, si l’industrie sait calculer au micro-gramme près la quantité de matière nécessaire à la fabrication d’un smartphone ou d’un alliage pour un Airbus, ce n’est pas ce type de préoccupation qui intéressent les prospecteurs… Il est plus commode de laisser aux populations locales concernées le soin de survivre au milieu de terres arides et polluées.

Des études montrent qu’il est prévu d’extraire plus de matières dans les vingt prochaines années que dans toute l’histoire de l’humanité, mais malgré cela, la question de l’« après-mine » – selon le terme consacré, n’est toujours pas considérée. De nombreux habitants confrontés à ces pollutions tentent de faire reconnaître le préjudice qu’ils ont subi et d’obtenir un minimum de mise en sécurité des territoires contaminés où ils vivent. Mais la réponse des pouvoirs publics et des industriels demeurent dans la grande majorité des cas une minimisation des impacts environnementaux, quand ce n’est un déni pur et simple…

Célia Izoard nous montre dans son ouvrage que l’histoire du capitalisme est l’histoire d’une civilisation extractiviste. Elle nous incite à la réflexion en nous racontant comment est perçu le monde occidental venu piller depuis des siècles les ressources premières sur chaque continent. Le peuple autochtone amazonien Yanomami nomme ainsi les colons extractivistes les « mangeurs de terre »… Une métaphore éloquente permettant sûrement de questionner un modèle de développement économique prédateur qui a été imposé sans concertation et de reconsidérer la part des usages qui relèvent du profit productiviste de celle des besoins essentiels de subsistance. S’opposer à l’industrie minière pour ce qu’elle incarne dans ses fondements profonds relève alors d’une nécessité des plus urgentes.

[Fred]

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TOTALEnergies au salon de l’agriculture ?

Comment aurait-on pu imaginer, il y a seulement 10 ans, que ces 2 mondes se rencontrent et aillent jusqu’à nouer des partenariats ?

Qui est TotalEnergies ? La multinationale de l’énergie, top 4 au niveau mondial, certes, mais il nous semble nécessaire de préciser un peu sur ses « prouesses ».

Oui, elle produit de l’« énergie verte », on y reviendra plus bas, mais, avant tout, chaque année sa production d’hydrocarbures augmente : avec un résultat net ajusté en hausse de 8% pour 2024, TotalEnergies prévoit 3 % d’augmentation de production pour l’année 2025, en particulier grâce aux cinq projets majeurs lancés en 2024 (Mero-2 et Mero-3 au Brésil, Anchor aux Etats-Unis, Fenix en Argentine et Tyra au Danemark) qui contribueront à la croissance de la production attendue pour 20251, croissance confirmée par l’Agence Internationale de l’Energie (AIE)2. Ce qui rassure les actionnaires qui ont déjà vu leurs dividendes, au titre de 2024, portés à 3,22 €/action, soit une hausse de 7,0% par rapport au dividende de l’exercice 2023.

Ajoutons à cela que ce groupe pétrogazier, « champion national » par excellence, est régulièrement accusé de ne payer aucun impôt dans l’Hexagone alors même qu’il affiche des bénéfices très confortables à l’échelle mondiale. Les chiffres le confirment… ils indiquent qu’en 2019, 2020 et 2021, et à nouveau en 2023, TotalEnergies n’a payé aucun impôt sur les sociétés en France. Même les années où TotalEnergies déclare un bénéfice en France et est effectivement censé payer l’impôt sur les sociétés, il semble y avoir toujours une raison pour laquelle le groupe arrive tout de même à réduire son ardoise finale. En 2022, sur un impôt sur les sociétés théoriques de 122 millions de dollars en France, TotalEnergies n’a versé au fisc que 19 millions. Rappelons que le groupe a affiché ces trois mêmes dernières années des profits historiques, de 14,2, 19,2 et 19,3 milliards d’euros3.

Certes, TotalEnergies produit de l’énergie verte (panneaux solaires et éoliennes), mais qu’en est-il exactement ? De fait, la production d’« énergies vertes » ne dépasse pas actuellement 10 % de la production totale (exploration, production – pétrole, gaz – raffinage, chimie) et vise 15 % à l’horizon 2030.

Et cette production, que TotalEnergies souhaite augmenter, vise à stocker l’électricité produite dans d’immenses parcs à batteries, 40 conteneurs sont prévus, nous confirme ainsi sa position de leadership européen dans le stockage stationnaire de taille industrielle. C’est un projet de stockage qui va contribuer 24h/24, 7j/7 aux besoins du réseau haute-tension de transport européen et belge et qui va compenser l’intermittence introduite par les énergies renouvelables et ainsi permettre leur développement4.

Tout cela nous emmène bien loin de l’agriculture !

Qu’est donc venu faire TotalEnergies au Salon de l’Agriculture ?

En fait, la société avait besoin de mettre en lumière le protocole de coopération signé avec le syndicat des Jeunes Agriculteurs (notons au passage que la FNSEA avait déjà signé un partenariat avec Total en 2022 pour développer des projets visant à produire de l’électricité, du biométhane et des biocarburants5).

« Le nouveau cadre de coopération signé ce jour entre TotalEnergies et Jeunes Agriculteurs couvre les domaines suivants :

  • Le développement de solutions énergétiques durables adaptées aux exploitations et aux filières agricoles (biogaz, agrivoltaïsme).Une installation photovoltaïque est dite « agrivoltaïque » lorsqu’elle est située sur la même parcelle qu’une production agricole6
  • L’accompagnement de jeunes agriculteurs dans la mise en place de pratiques plus économes en énergie.
  • L’innovation technologique via la mise en place de projets pilotes d’agri-énergies et leur suivi expérimental.
  • Le financement de projets liés à la transition énergétique qui respectent les plans et contrats d’avenir élaborés par Jeunes Agriculteurs.

TotalEnergies et Jeunes Agriculteurs partagent une volonté commune d’apporter des solutions et outils adaptés aux enjeux et besoins des agriculteurs.7 »

Examinons d’un peu plus près ces assertions :

> Développement des solutions énergétiques durables :

Dans le Gard, ce sont plus de 1.000 ha de terres agricoles qui sont déjà ou vont être sacrifiées pour produire de l’énergie qui servira à valoriser la transition énergétique voulue par nos élites capitalistes et qui bénéficiera en tout premier lieu aux actionnaires des différentes sociétés.

TotalEnergies n’est pas la seule qui en bénéficiera. Notons en particulier Voltalia, qui porte une grande partie des projets dans le Gard. C’est une société détenue par la famille Milliez présente aussi chez Auchan, Décathlon, Top Office, Jules, Boulanger, Kiloutou, ….

> Accompagnement de jeunes agriculteurs dans la mise en place de pratiques plus économes en énergie

Il est certain qu’il va falloir convaincre, car demander aux agriculteurs de mettre de côté, en grande partie, leur activité agricole est plus du domaine de la supercherie. Probablement, l’argument du revenu sera prioritaire, mais alors il faudra se questionner si ces personnes garderont leur statut d’agriculteurs, auront-ils toujours droit aux prestations MSA, aides PAC, ….. ?

> l’innovation technologique via la mise en place de projets pilotes d’agri-énergies : à partir d’une expérience de culture de nectariniers dans la plaine de la Crau, TotalEnergies via son centre d’expertise Ombrea, souhaite accélérer le développement des solutions alliant production solaire et production agricole . Mais, à ce jour, aucun bilan réel coût/bénéfice n’a été fait.

> le financement de projets liés à la transition énergétique : ce point est assez contradictoire avec le 2ème : en effet, le véritable objectif de la dite transition énergétique est bien une électrification généralisée de toute notre vie, que ce soit en termes de transports, de domotique, de communication, de formation …. et tout ceci avec une augmentation régulière de la demande énergétique. Ce ne peut donc pas être compatible avec la mise en place de pratiques(agricoles probablement?) économes en énergie, comme affirmé dans l’objectif n°2.

Mais, revenons à nos moutons : l’agriculture, qu’est-ce c’est ? pour intéresser autant Total ?

Le dictionnaire indique que « l’agriculture est un ensemble de travaux transformant le milieu naturel pour la production des végétaux et des animaux utiles à l’homme »

Les projets d’agri-énergies peuvent-ils répondre à cette définition ? Tant qu’un bilan des productions agricoles placées sous panneaux solaires n’est pas sérieusement fait, il nous paraît hasardeux de l’affirmer.

Or, comme il était dit plus haut, l’objectif de TotalEnergies est avant tout de produire de plus en plus d’énergie électrique, pour être un leader mondial. Alors la production agricole peut-elle parier sur de tels objectifs ? On sait bien que la terre, pour rester vivante, a besoin d’eau et de soleil, deux éléments essentiels dont elle sera privée sous les panneaux photovoltaïques. Et pensons aux agriculteurs qui, pour la plupart, font ce métier par amour de la nature et fierté de voir leurs productions maraîchères et fruitières s’épanouirent au soleil, leurs troupeaux se repaître dans des prés verdoyants ?

Nous perdons une fois de plus le sens de la vie.

La France a besoin d’énergie ! On nous le ressasse quotidiennement sur les ondes, dans les journaux, sinon c’est la récession, la perte de compétitivité, une dégradation de l’image de notre pays au niveau international. Mais est-ce cela que nous voulons ? aller forer, creuser partout dans le monde à la recherche d’hydrocarbures ? envahir, s’approprier les champs, les forêts de nos territoires, ici et ailleurs, pour y planter panneaux photovoltaïques et éoliennes ?

Alors que l’on pourrait avoir la plus belle image du monde avec de réels services publics, des campagnes verdoyantes et des rivières qui abreuvent les terres….

Non, nous ne voulons pas contribuer à poursuivre la dévastation de ce monde, en croissance perpétuelle, pour satisfaire les appétits capitalistes.

Nous voulons garder nos capacités à vivre ensemble, et pour cela récupérer nos terres, l’eau dont nous avons tous besoin pour vivre, et décider de notre avenir. [Jacqueline]

1 https://totalenergies.com/system/files/documents/totalenergies_cp-resultats-t4-2024_2025_fr.pdf

2 https://www.connaissancedesenergies.org/afp/la-croissance-de-la-consommation-mondiale-de-petrole-devrait-saccelerer-en-2025-selon-laie-250313

3 https://multinationales.org/fr/a-chaud/debunk/est-il-vrai-que-totalenergies-paie-ses-impots-la-ou-le-groupe-extrait-du

4 https://totalenergies.com/fr/medias/actualite/communiques-presse/integrated-power-renouvelables-totalenergies-lance-belgique-son-projet-stockage-batteries

5 https://totalenergies.com/fr/medias/actualite/totalenergies-fnsea-sassocient-accompagner-transition-energetique-du-monde-agricole

6 https://agrivoltaisme.fr/

7 https://totalenergies.com/fr/actualites/communiques-presse/salon-lagriculture-jeunes-agriculteurs-totalenergies-renforcent-leur

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