Face à la répression

La répression ne toucherait que celles et ceux qui auraient quelque chose à se reprocher ? Rien de moins sûr… Au contraire, celle-ci se généralise et s’abat sur de plus en plus de groupes et d’individus. Ce sont chaque jour des lycéens, jeunes des banlieues, sans papiers, journalistes, syndicalistes, militants écologistes, ou même élus de gauche qui doivent faire face à la justice ou à la police.

Des moyens semblant presque sans limites s’intensifient et se diversifient afin de resserrer l’étau répressif. Au niveau policier, se sont des armes supposément non létales qui blessent, mutilent ou tuent, des techniques d’« encadrement » des manifestants telles les nasses, pratique très contestée qui met en danger celles et ceux qui osent manifester dans les rues. Se sont également le fichage et la surveillance de toute personne jugée suspecte qui se multiplient : mise sur écoute téléphonique, accès aux données personnelles numériques, balise de repérage des véhicules, extension des fichiers de renseignements, vidéosurveillance…

Au niveau juridique, les procès et peines d’emprisonnement s’enchaînent à tour de bras. Des délits mineurs sont régulièrement lourdement sanctionnés : une personne dans le Gard accusée récemment d’avoir enfariné un élu du Rassemblement National s’est vu proposée une peine de 6 mois de prison avec sursis assortie d’une amende, de simples vols à l’étalage pour des montants modiques de quelques dizaines d’euros conduisent à de la prison ferme… On assiste également à une utilisation accrue des mesures de prévention : le 8 décembre 2018, se sont plus de 1000 arrestations préventives qui ont frappé les Gilets Jaunes avant même le début de la manifestation organisée ce jour là. Lors de la Cop 21 de Paris, se sont des dizaines de militants qui ont été assignés à résidence pendant toute la durée de l’événement.

La répression est également d’ordre administrative : avec la dissolution d’associations censées troubler gravement l’ordre public, avec des mesures d’éloignement comme les obligations de quitter le territoire Français (OQTF) frappant les sans-papiers, ou encore avec les obligations, contraintes et sanctions imposées aux plus précaires (chômeurs, allocataires du RSA,…) prenant la forme de contrôle social.

La répression a une fonction punitive évidente dont le but est de faire taire toute opposition gênante, mais elle permet également de dissuader toutes les personnes qui auraient des raisons de se révolter ou de ne pas se conformer aux normes dominantes. Il est important de comprendre que la répression renforce les rapports de domination sociale car en définissant ce qui légal ou non légal, elle maintient la contestation dans un cadre donné. On le voit pour les interdictions de manifestation qui peuvent être ordonnées par les préfets selon leur bon vouloir, par de nouvelles lois venant restreindre des libertés individuelles (comme celle punissant le fait de dissimuler son visage en manifestation), ou par la définition de notions juridiques souvent floues. Prenons pour exemples la notion de délit de solidarité déterminant les limites légales à l’aide qu’il est possible d’apporter aux personnes en situation irrégulière, ou celle d’apologie du terrorisme récemment renforcée venant bâillonner les soutiens à la cause palestinienne.

C’est donc bien à ce niveau que se joue le rapport de force, car en imposant ce qui est possible de faire ou ne pas faire, de dire ou ne pas dire, l’appareil répressif maintient la préservation de règles et de normes comme le légalisme, le pacifisme, le respect de l’autorité de l’État, de ses institutions et de ses agents. Ou pour le dire autrement, les possibilités de ne pas tomber sous le coup de la loi deviennent de plus en plus minces, car ce qui est encore toléré aujourd’hui ne le sera certainement plus demain. S’opposer aux violences policières, aux multiples lois sécuritaires votées ces dernières années, ou au contrôle social ambiant permet alors de maintenir des possibilités de contestations face à un système répressif toujours plus autoritaire.

D’autre part, il est aussi nécessaire de dénoncer les stratégies de criminalisation des opposants, notamment celles visant à diviser les mouvements de contestations. En les qualifiant de « violents », de « radicaux », ou de « délinquants », celles-ci permettent de scinder les opposants en deux catégories mouvantes désignant ceux qui seraient légitimes et ceux qui le seraient pas. Elles permettent également de détourner les enjeux réels des mobilisations en se focalisant sur des aspects « sensationnels » (telle une vitrine de banque cassée…), mais surtout de justifier la répression de l’ensemble des mouvements. En mettant en équivalence les actes militants avec ceux du terrorisme, en plus d’une stigmatisation disproportionnée et abusive, l’appareil répressif se dote de moyens considérables. Lors de l’état d’urgence proclamé entre 2015 et 2017, ce ne sont pas moins de 155 manifestations qui furent interdites durant cette période. Au prétexte de la menace « extérieure » faisant suite à l’attentat de Nice du 14 juillet 2016, ce sont les contrôles aux frontières qui furent rétablis pour la traque des exilés. Plus récemment encore, la tenue des Jeux Olympiques à Paris a permis (entre autres moyens) le développement de la reconnaissance faciale à grande échelle. L’utilisation de la « menace terroriste » tient lieu de laboratoire d’expérimentation et d’accélération des pratiques répressives avant que celles-ci ne soient généralisées à l’ensemble de la population.

Face à la répression, il est plus que jamais nécessaire s’organiser. De nombreux moyens existent : soutien aux personnes incarcérées, médiatisation et présence lors des procès, création de groupe de soutien juridique, de caisses de solidarités, de formation d’aide aux blessés… A chacun de s’en emparer ! [Fred]

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