Retour du village de l’eau

Le village de l’eau, à Melle du 15 au 21 juillet, cet évènement géant, n’a pu se réaliser que grâce à un soutien très actif du maire, des élu.es de la commune et des porteurs de projets agricoles de la ferme municipale de la Genellerie. Ce maire déterminé a bravé différentes menaces : apaiser les tensions posées par la Coordination rurale, venue pour faire annuler l’évènement, afficher sa présence lors de l’intrusion d’éléments fascistes venus menacer les habitants de la ferme et prometttre de revenir, intervenir à plusieurs reprises auprès des forces de l’ordre afin qu’elles laissent passer les camions de matériaux et aliments pour la cantine et les stands.

Les forces de l’ordre étaient très présentes dès notre arrivée : fouille des voiture et des sacs, avec confiscation d’un casque vélo et un opinel de l’une d’entre nous, équipe cynéphile au cas où seraient transportés des explosifs. Au cours de la semaine, chaque jour, un peu plus de forces de police, chaque jour, un peu plus de contrôles, de drones et de tours d’hélicoptères, nuit et jour, ceux-ci survolant suffisamment bas pour nous empêcher de nous entendre à l’intérieur des chapiteaux.

Quatre organisations ont décidé de saisir le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers : l’Association de défense des libertés constitutionnelles, le Syndicat de la magistrature, Solidaires 79 et Attac, le survol du Village de l’eau par des drones a été partiellement annulé par la justice.

Une fois dans le village, l’ambiance est tout autre, tout le monde s’active pour terminer le montage des chapiteaux et barnums. La cantine est déjà en place, et une semaine à l’avance, les bénévoles sont venus préparer le lieu et les infrastructures. A noter une amélioration notoire dans la construction des toilettes sèches.

Pour se mettre dans l’ambiance de la sinistre actualité que nous vivons en France, une assemblée a ouvert ce village en organisant un partage d’expérience sur les résistances face à l’extrême droite : les groupes présents confirment cette préoccupation de s’organiser et d’affiner leurs stratégies ; faire vivre des lieux en se décloisonnant de la logique militante, installer des tables publiques dans des lieux publics, diffuser des médias produits localement, faire des campagnes d’affichage, faciliter l’entraide, les rencontres, une élue d’une petite commune plaide pour une formation des employés municipaux, autant de pistes d’action qui résonne bien dans nos vallées cévenoles, merci à l’Episode Cévenol de jouer le rôle de diffusion des questions qui nous préoccupent.

Tout au long des trois premiers jours, les assemblées et formations se succèdent : résistances sociales et écologiques dans le bassin méditerranéen et en Amérique latine, résistances palestiniennes et solidarités internationales, installation en agriculture paysanne pour résister et lutter, conflictualité de classes au sein de l’agro-industrie ou comment diviser la FNSEA, désarmer les méga-bassines, ouvrir une brèche dans le modèle agro-industriel, enquêter sur l’eau, l’extractivisme, la transition énergétique, venir échanger dans une assemblée des luttes anti-nucléaires, … et aussi pour se préparer aux manifestations : trouver un groupe affinitaire pour l’action, s’outiller face à la répression, atelier clown-activiste.

Dans le village, flottait un immense drapeau palestinien.

Les vendredi et samedi, on est passé à l’action!

 Afin de déjouer les forces de police, la manifestation du vendredi, prévue à 20km du village, a été déplacée au dernier moment, en se rendant au nord-ouest de Poitiers. L’objectif était de visibiliser la filière agro-industrielle en visitant l’entreprise Terrena, de remonter aux sources des problématiques des bassines qui sont l’accaparement de l’eau et des territoires par l’agro-industrie et de rappeler l’urgence d’un moratoire.

Dans l’avancée de la manifestation, les forces de l’ordre ont bloqué la route, ce qui a obligé les manifestants à couper à travers champs. Quelle stupidité des forces de l’ordre devant un champ sec, comment ne pas imaginer que les grenades risquaient de tout enflammer ? Car ce sont bien elles qui ont mis le feu à la paille (140 tonnes de paille perdues, le paysan a porté plainte contre Darmanin), mettant en danger les manifestant.e.s qui ont dû rebrousser chemin.

 A la Rochelle, le samedi, l’objectif a été atteint, avec une occupation de l’entreprise Soufflet du terminal agro-industriel du port de La Pallice à 5h du matin par tracteurs et paysans. Dans les cortèges de l’après-midi, l’un calme en bord de mer, l’autre a été nassé dans une rue, les manifestants noyés sous une pluie de lacrymogènes, certain.e.s en crise d’angoisse, d’autres cédant à la panique, se réfugiant là où ils trouvaient une porte ouverte. Après s’être rejoints, les 2 cortèges ont pu se retrouver dans la joie sur la plage de La Rochelle, aux yeux curieux et empathiques des touristes et baigneurs.

Sur la route du retour, tous les accès de sortie de la voie rapide, routes d’accès aux bassines,  étaient bloqués par des camions de crs .

Le samedi soir, un échange sur les luttes internationales avec des prises de parole de Kurdistan, Mexique, sans-papiers en France, Inde, Brésil… a appelé à une convergence des luttes et des alternatives à ces problématiques engendrées par le capitalisme.

Le dimanche matin était consacré à une table ronde sur la sécurité sociale de l’alimentation avec des syndicalistes agricoles et salariés de l’agro-industrie, des groupements de ré-appropriation de fermes, des systèmes d’aides alimentaires alternatifs.

L’après-midi, c’était l’heure d’un premier bilan: les participants d’une table ronde ont proposé la création d’un forum des mouvements de l’eau. Les enjeux autour de l’eau couvrent des problèmes très divers comme les bassines, la neige artificielle, l’eau en bouteille, les eaux polluées par les pesticides ou les produits chimiques, l’eau pour l’industrie numérique et électronique… L’ensemble des cycles de l’eau sont concernés qu’ils soient locaux ou globaux et tous les peuples subissent les dommages de leurs perturbations. Les modes d’actions et d’organisations sont multiples et très divers, les lieux où ils s’exercent sont urbains et/ou ruraux, ainsi que les cultures paysannes, syndicales, partisanes ou associatives. Ce forum devrait se réunir annuellement afin de permettre une connaissance et une interconnexion sur tous les continents des peuples de l’eau.

[jacqueline b., pierre s.]

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