Article paru dans l’Épisode cévenol numéro 19.
Cris d’alarme des personnels soignants, messages d’alerte des enseignants, occupation des lieux de culture par les intermittents du spectacle et les précaires… La crise du Coronavirus qui était qualifiée à ces débuts de sanitaire revêt au grand jour, après de longs mois de mesures restrictives et de vie « sous cloche », son caractère social et politique. Et les maux entraînés par celle-ci trouvent de plus en plus clairement leur origine dans le fonctionnement de la société telle que nous la connaissions déjà auparavant.
Dans de nombreux esprits, la même question semble se poser : les conséquences de la crise auraient-elles été celles qu’elles sont à ce jour dans une société où le nombre de places dans les hôpitaux ne soit pas soumis aux impératifs budgétaires ? Où la santé de tous ne soit pas fragilisée par l’agro-industrie, la sédentarité du mode de vie moderne et la pollution ? Où la garantie d’un logement décent et d’un revenu assuré fasse qu’une période de confinement ne soit pas une gageure pour plus d’un ?
La réponse bien évidemment est non, un monde débarrassé du néo-libéralisme n’aurait pas connu une gestion de crise aussi calamiteuse que celle promue par les gouvernements actuels. Et ce constat semble se diffuser assez largement, où en tout cas venir raviver un certain nombre de luttes déjà en cours avant l’arrivée galopante de cette nouvelle épidémie. Car, souvenons-nous, les revendications des milieux hospitaliers ne portaient-elles pas déjà sur le manque de moyens, les tarifications à l’acte et les logiques gestionnaires concrétisant depuis bien longtemps le tri et la priorisation des soins des malades ? Les enseignants n’exigeaient-ils pas déjà un allégement du nombre d’élèves par classe et non leur fermeture ? Les militants écologistes ne s’opposaient-ils pas déjà à la destruction de la biodiversité et à l’exploitation sans retenue des ressources naturelles, telle la déforestation, connues de longue date comme facteurs privilégiés d’apparition des zoonoses ?
La crise a ainsi exacerbé des tensions sociales pré-existantes mais a aussi renforcé des inégalités déjà largement dénoncées dans notre société. Les violences faites aux femmes, les difficultés liées à l’emploi ou les questions du mal-logement devenues criantes lors des périodes répétées de confinement n’en sont que des exemples. Mais ces mesures induites par une gestion de l’épidémie aux conséquences pourtant lourdes ne semblaient pas suffire au gouvernement en place. Celui-ci a de surcroît décidé durant cette même période de renforcer son autoritarisme légitimé par l’état d’urgence sanitaire en proposant la loi liberticide sur la sécurité globale, et a sans complexe choisi d’accroître la pression exercée sur les plus précaires avec une énième réforme de l’assurance chômage…
Dans un monde qui peut nous paraître lointain, mais qui ne date seulement que de 2018/2019, le mouvement des Gilets Jaunes et bien d’autres soulèvements ayant eu lieu de par le monde s’opposaient aux ravages imposés par la globalisation de l’économie et les pouvoirs arbitraires. Dans un temps encore plus ancien, Jean-Baptiste Clément, communard acharné, écrivait les paroles d’une célèbre chanson qui allait devenir le symbole de l’insurrection parisienne et accompagner de nombreuses luttes populaires depuis les 150 ans qui nous séparent de cet événement. Il est bien évidement difficile de prédire l’issue de la crise actuelle, mais si un vent contestataire souffle de nouveau avec assez de vigueur, espérons qu’il nous débarrasse au plus vite de toutes les épidémies, qu’elles soient virales ou capitalistes !
[Grenouille]