Nous voici donc en mode déconfinement. Enfin, officiellement. Certains diront que pas grand-chose n’a changé. Et pourtant, qui ne se satisfait pas de l’absence de l’auto-autorisation de sortie et des restrictions en termes de temps et de distance ? Et à y regarder de plus près, tout est engagé pour retourner le plus rapidement possible à « la normale », quoi qu’il en coûte. Vive le boulot et vive les vacances !
Dès le 7 mai, avec l’annonce du plan, pratiquement toute la France se trouvait en zone verte, prête à se déconfiner. Quels en étaient les critères ? La disponibilité des tests, moins de 6% d’admissions aux urgences pour Coronavirus et être en dessous de 60% de patients atteints du Covid-19 en réanimation. Pari remporté selon… l’exécutif. Du coup on nous promettait la réalisation de 700.000 tests par semaine alors que jusqu’à cette date, il n’en avait été effectués qu’un peu plus d’un million en deux mois. On nous promettait la distribution de masques chirurgicaux pour tout le monde et de protection FFP2 pour le personnel médical et paramédical. Et on nous promettait que les activités sociales et économiques pourraient reprendre une à une si toutefois le bilan effectué toutes les deux semaines le permettait.
La réalité de la gestion de l’épidémie est finalement tout autre : Ni les tests, ni les masques ne sont disponibles et sans ceux « faits maison », de nombreuses personnes n’en disposeraient toujours pas. Et déconfinement oblige, les écoles sont ouvertes alors que le comité scientifique conseillait d’attendre septembre. Qu’importe ! L’injonction d’aller enfin travailler est lancée, même si elle n’est pas toujours suivie, le licenciement pointant au bout du chômage partiel. Les trains roulent, les avions voleront bientôt, les restaurants vont ouvrir sous peu et les hôtels aussi. On n’attend plus aucun bilan, et ces clusters dans les abattoirs sont vraiment pas-de-chance. On ne va quand même pas les fermer… pour ça !
Changement assumé de doctrine ? Pas sûr. Souvenons-nous, qu’il y a trois mois – une éternité – les spécialistes nous expliquaient que ce coronavirus à l’instar de celui de la grippe, devait, pour être bloqué, se répandre et contaminer 60 % à 70 % de la population afin d’atteindre une immunité collective. Était-on prêt à assumer plusieurs centaines de milliers de morts pour l’atteindre alors qu’en Asie tout était entrepris avec succès pour l’« écraser » ? En France, on a pu pendant un temps espérer que les décideurs allaient s’inspirer des exemples sud-coréen ou singapourien. Sinon pourquoi imposer ce confinement pendant deux mois ?
En fait cette décision a été prise par défaut : Sans tests ni masques, avec un système de santé défaillant, la saturation des hôpitaux et en particulier des réanimations est très vite arrivée. Il a déjà fallu trier et laisser mourir les plus âgés. Et pendant ce temps, tandis que nous étions interdits de sortie, 65 % des activités économiques continuaient d’être assurées par des millions de personnes : Le personnel médical bien sûr, mais aussi tous ces travailleurs issus des quartiers populaires qui ne pouvaient se permettre de rester chez eux. Il n’a jamais été question de protéger tout le monde.
Et si le but du confinement n’était pas tant d’éradiquer le virus mais de le contenir pour que l’hôpital, et en particulier les services de réanimation n’explosent pas ? L’objectif n’est donc pas tant d’éradiquer mais de vivre avec le virus. Et il circule… Encore 300 admissions à l’hôpital quotidiennement. La nouvelle ancienne doctrine ne consiste finalement en rien d’autre qu’à gérer l’épidémie en attendant la fameuse « immunité collective ». Sauf que jusqu’à présent personne ne sait si immunité il y a vraiment, mais qu’importe, l’économie reprend son cours, tandis que nous pansons nos blessures et comptons nos droits bafoués. La mobilisation des personnels de santé est prévue le 16 juin… Transformons nous toutes et tous en blouses blanches ! [Tissa]