Un cessez-le-feu à Gaza. Et maintenant ?

On vient de commémorer le 80e anniversaire de la libération du camp de concentration et d’extermination d’Auschwitz par l’Union soviétique (en excluant les représentants russes!). Moment solennel permettant d’écouter quelques rares survivants, de nombreux descendants et une multitude de commentateurs qui tous rappellent la monstruosité du projet d’extermination des juifs d’Europe (oubliant souvent au passage l’élimination de Tziganes, handicapés, prisonniers soviétiques etc.). Toutes ces voix sincères s’élèvent pour dire « Plus jamais ça ! ». Mais rares sont celles qui à l’instar d’Erica Fisher, dont les grand-parents ont été exécutés à Treblinca, ont exprimé leur malaise face à ce qui se déroule à Gaza : « Quel sens aurait la commémoration d’Auschwitz si elle ne saisissait pas l’occasion de condamner un génocide qui se déroule sous nos yeux à tous, et ce précisément au nom du génocide qu’elle prétend commémorer ? »

Un génocide qui perdure. Un cessez-le-feu est entré en vigueur le 19 janvier dans la Bande de Gaza et doit s’appliquer en plusieurs étapes sur une durée de plus de 40 jours. L’arrêt des bombardements s’accompagne de la libération des prisonniers des deux cotés, d’un large retrait des militaires israéliens de l’enclave, de l’entrée de l’aide humanitaire et du retour des centaines de milliers de déplacés dans leurs lieux d’habitation en ruines. Des réfugiés retournés en masse dans le nord en ruines le quittent à nouveau pour s’entasser dans Gaza-ville en raison du manque d’eau et de nourriture, les familles s’installent dans les décombres ou des tentes de fortune tout en craignant que leurs enfants ne soient mutilés ou tués par des munitions non explosés. Et par dessus tout, l’UNRWA, l’office de l’ONU chargé du soutien des réfugiés est interdit d’activités depuis le 30 janvier. Qui s’occupera dorénavant de la distribution de vivres, et de médicaments ?

Si le soulagement des Gazaouis est palpable, ils appréhendent la suite. Les fascistes dans le gouvernement israélien, non contents de devoir subir ce cessez le feu, n’attendent que la reprise de la guerre, d’autant plus qu’à l’issue de 15 mois d’offensives militaires aucun des objectifs n’a encore été atteint. Il est vrai que les Gazaouis ont payé un lourd tribu avec une infrastructure totalement détruite et des dizaines de milliers de morts (les estimations vont jusqu’à 300 000 morts directes et indirectes), des centaines de milliers de blessés et de traumatisés. Mais le Hamas n’a pas été anéanti et les otages n’ont pas été libérés par l’armée israélienne. La résistance armée a jusqu’au bout porté des coups aux militaires israéliens, en particulier dans le nord de Gaza, qui devait pourtant – selon leur plan – être vidé de ses habitants.

Échec d’autant plus cuisant que le prix est lourd en termes économique et diplomatique, sans oublier l’émission de mandats d’arrêt du Tribunal pénal international contre Netanyahou et l’ex-ministre de la défense Gallant et le dépôt de dizaines de plaintes contre des soldats qui ont filmé leurs propres crimes.

Il est difficile d’imaginer que les responsables israéliens soient satisfaits de ce revers mais la poursuite de la guerre n’est pas sans danger. Au regard du nombre de morts et de blessés, de déplacés, d’une économie fortement entravée, les Israéliens sont ils prêts à les suivre ? Face à ce fiasco, l’annonce de Donald Trump de vouloir nettoyer la Bande de Gaza et déporter ses habitants vers l’Égypte et la Jordanie a été accueillie avec enthousiasme par les plus radicaux. Les Palestiniens quant à eux, martèlent qu’ils ne quitteront jamais cette terre.

A Jérusalem-Est, les attaques israéliennes se sont également intensifiées. Militaires et colons s’en donnent à cœur joie dans une impunité quasi totale. Dans ce qui devrait être la capitale de la Palestine selon le droit international, les colonies progressent, accompagnées de la destruction massive de bâtiments, de l’expulsion de leurs habitants et de l’installation de colons. Au pied de la vielle ville, le quartier d’al-Bustan est en pleine démolition. Une centaine de maison et 1500 familles sont en danger. Il en est de même du quartier Silwan qui jouxte également la vieille ville où les habitants s’organisent depuis des années pour défendre leurs lieux de vie en menant des batailles juridiques et organisant des mobilisations. La réponse israélienne est l’accélération de la judaïsation de Jérusalem.

La Cisjordanie, en proie à une colonisation forcée depuis des décennies, est devenue un terrain de chasse pour les colons suprématistes. L’annexion de terres palestiniennes avance à grands pas, 24 000 hectares de terrains ont été saisis, neuf nouvelles colonies et 49 avant-postes ont été installés en un an. Depuis 15 mois, plus de 40 communautés bédouines ont été totalement ou partiellement détruites, près de 800 personnes ont été assassinées tandis que plus de 12 000 ont été arrêtés et emprisonnées, souvent dans des conditions inhumaines, soumises à la torture systématique. Des centaines de check-points sont érigés à l’entrée et sortie des villes et des villages et automobilistes comme passants sont à la merci de soldats zélés. L’économie est exsangue en raison des problèmes de déplacements, la rétention des recettes fiscales, la baisse des aides extérieures.

Le régime colonial israélien va encore plus loin puisque depuis des mois il mène une guerre dévastatrice dans des camps de réfugiés de Cisjordanie en particulier à Jénine et Tulkarem, deux bastions de la résistance armée palestinienne. Le modèle Gaza à plus petite échelle y est appliqué : Les chars investissent les lieux, les bulldozers détruisent routes et canalisations, les maisons sont bombardées et les habitants contraints à quitter leurs quartiers.

Il va sans dire que les colonies en Cisjordanie et à Jerusalem-Est sont illégales au regard du droit international, et la Cour internationale de Justice a appelé en juillet 2024 à leur évacuation. L’Assemblée générale des Nations unies a quant à elle adopté en septembre 2024 une résolution exigeant qu’Israël mette fin à sa présence illégale dans le territoire palestinien occupé dans un délai de 12 mois. La résolution a été adoptée par 124 votes pour, dont la France.

Jamais la situation de la Palestine n’a été aussi dramatique et tout laisserait à penser que l’espoir d’une Palestine libre et indépendante s’éloigne. Mais écoutons des Palestiniens et Palestiniennes et leurs leçons de résistance. Samah Jabr, psychiatre palestinienne, nous explique qu’« en dépit des maisons démolies et de la pauvreté extrême, cette [résistance collective] est basée sur des fondations familiales, une ténacité sociale et des convictions spirituelles et idéologiques »1. Salman Abu Sitta, fondateur et président de la Palestine Land Society, écrit :« Israël n’a jamais compris la résilience des Palestiniens. Nous avons survécu au génocide de Gaza, comme aux catastrophes qui l’ont précédé, grâce à l’appel au retour dans nos foyers, le carburant de la survie palestinienne. Pour les Palestiniens, le droit au retour est et sera toujours la question centrale »2. [Tissa]

1 AFPS, revue Palestine Solidarité, janvier 2025, p.14.

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Épisode cévenol n°42

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Face à la répression

La répression ne toucherait que celles et ceux qui auraient quelque chose à se reprocher ? Rien de moins sûr… Au contraire, celle-ci se généralise et s’abat sur de plus en plus de groupes et d’individus. Ce sont chaque jour des lycéens, jeunes des banlieues, sans papiers, journalistes, syndicalistes, militants écologistes, ou même élus de gauche qui doivent faire face à la justice ou à la police.

Des moyens semblant presque sans limites s’intensifient et se diversifient afin de resserrer l’étau répressif. Au niveau policier, se sont des armes supposément non létales qui blessent, mutilent ou tuent, des techniques d’« encadrement » des manifestants telles les nasses, pratique très contestée qui met en danger celles et ceux qui osent manifester dans les rues. Se sont également le fichage et la surveillance de toute personne jugée suspecte qui se multiplient : mise sur écoute téléphonique, accès aux données personnelles numériques, balise de repérage des véhicules, extension des fichiers de renseignements, vidéosurveillance…

Au niveau juridique, les procès et peines d’emprisonnement s’enchaînent à tour de bras. Des délits mineurs sont régulièrement lourdement sanctionnés : une personne dans le Gard accusée récemment d’avoir enfariné un élu du Rassemblement National s’est vu proposée une peine de 6 mois de prison avec sursis assortie d’une amende, de simples vols à l’étalage pour des montants modiques de quelques dizaines d’euros conduisent à de la prison ferme… On assiste également à une utilisation accrue des mesures de prévention : le 8 décembre 2018, se sont plus de 1000 arrestations préventives qui ont frappé les Gilets Jaunes avant même le début de la manifestation organisée ce jour là. Lors de la Cop 21 de Paris, se sont des dizaines de militants qui ont été assignés à résidence pendant toute la durée de l’événement.

La répression est également d’ordre administrative : avec la dissolution d’associations censées troubler gravement l’ordre public, avec des mesures d’éloignement comme les obligations de quitter le territoire Français (OQTF) frappant les sans-papiers, ou encore avec les obligations, contraintes et sanctions imposées aux plus précaires (chômeurs, allocataires du RSA,…) prenant la forme de contrôle social.

La répression a une fonction punitive évidente dont le but est de faire taire toute opposition gênante, mais elle permet également de dissuader toutes les personnes qui auraient des raisons de se révolter ou de ne pas se conformer aux normes dominantes. Il est important de comprendre que la répression renforce les rapports de domination sociale car en définissant ce qui légal ou non légal, elle maintient la contestation dans un cadre donné. On le voit pour les interdictions de manifestation qui peuvent être ordonnées par les préfets selon leur bon vouloir, par de nouvelles lois venant restreindre des libertés individuelles (comme celle punissant le fait de dissimuler son visage en manifestation), ou par la définition de notions juridiques souvent floues. Prenons pour exemples la notion de délit de solidarité déterminant les limites légales à l’aide qu’il est possible d’apporter aux personnes en situation irrégulière, ou celle d’apologie du terrorisme récemment renforcée venant bâillonner les soutiens à la cause palestinienne.

C’est donc bien à ce niveau que se joue le rapport de force, car en imposant ce qui est possible de faire ou ne pas faire, de dire ou ne pas dire, l’appareil répressif maintient la préservation de règles et de normes comme le légalisme, le pacifisme, le respect de l’autorité de l’État, de ses institutions et de ses agents. Ou pour le dire autrement, les possibilités de ne pas tomber sous le coup de la loi deviennent de plus en plus minces, car ce qui est encore toléré aujourd’hui ne le sera certainement plus demain. S’opposer aux violences policières, aux multiples lois sécuritaires votées ces dernières années, ou au contrôle social ambiant permet alors de maintenir des possibilités de contestations face à un système répressif toujours plus autoritaire.

D’autre part, il est aussi nécessaire de dénoncer les stratégies de criminalisation des opposants, notamment celles visant à diviser les mouvements de contestations. En les qualifiant de « violents », de « radicaux », ou de « délinquants », celles-ci permettent de scinder les opposants en deux catégories mouvantes désignant ceux qui seraient légitimes et ceux qui le seraient pas. Elles permettent également de détourner les enjeux réels des mobilisations en se focalisant sur des aspects « sensationnels » (telle une vitrine de banque cassée…), mais surtout de justifier la répression de l’ensemble des mouvements. En mettant en équivalence les actes militants avec ceux du terrorisme, en plus d’une stigmatisation disproportionnée et abusive, l’appareil répressif se dote de moyens considérables. Lors de l’état d’urgence proclamé entre 2015 et 2017, ce ne sont pas moins de 155 manifestations qui furent interdites durant cette période. Au prétexte de la menace « extérieure » faisant suite à l’attentat de Nice du 14 juillet 2016, ce sont les contrôles aux frontières qui furent rétablis pour la traque des exilés. Plus récemment encore, la tenue des Jeux Olympiques à Paris a permis (entre autres moyens) le développement de la reconnaissance faciale à grande échelle. L’utilisation de la « menace terroriste » tient lieu de laboratoire d’expérimentation et d’accélération des pratiques répressives avant que celles-ci ne soient généralisées à l’ensemble de la population.

Face à la répression, il est plus que jamais nécessaire s’organiser. De nombreux moyens existent : soutien aux personnes incarcérées, médiatisation et présence lors des procès, création de groupe de soutien juridique, de caisses de solidarités, de formation d’aide aux blessés… A chacun de s’en emparer ! [Fred]

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Luttes écologistes, répression terroriste

La répression des luttes écologistes s’inscrit dans une chronologie qui suit celle des lois.

La première loi contre le terrorisme et les atteintes à la sûreté de l’État date de 1986.

Mais l’État avait déjà tué le 31 juillet 1977, Vital Michalon, militant anti-nucléaire contre le projet de surgénérateur à Creys Malville.

En 2003, est promulguée la 1e loi sécurité intérieure : la répression se renforce … voici quelques dates de cette période qui suit :

> en 2004, Sébastien Briat, militant anti-nucléaire, est tué en voulant empêcher un transport de déchets nucléaires par train,

> de 2008 à 2018, c’est « l’Affaire de Tarnac », la destruction de caténaires EDF sur ligne de chemin de fer,

> jusqu’en 2016, de nombreuses mobilisations pour défendre la ZAD de Notre Dame des Landes, échec de l’opération César en 2012 (opération d’expulsion des lieux d’occupation), cependant un blessé grave a une main arrachée,

Rappelons que B. Retailleau, ministre de l’intérieur actuel a été le plus fervent détracteur de cette lutte. Le 26 octobre 2014, Rémi Fraisse meurt suite à un tir de grenade, lors d’une mobilisation contre le projet de barrage à Sivens,

> Depuis 2003, les faucheurs volontaires sont eux aussi fortement réprimés avec plusieurs dizaines de procès pour fauchage, neutralisations, occupations et visites citoyennes, plusieurs centaines de milliers d’euros d’amendes, de dommages et intérêts (jusqu’à 400 000 € à Toulouse), procès pour refus de prélèvement d’ADN et fichage, prison ferme de 2 à 4 mois et avec sursis de 2 à 6 mois.

En 2017, suite aux attentats de 2015, la loi sécurité intérieure est renforcée.

En 2021, 2 lois (sécurité globale, relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement) intensifient fortement l’arsenal répressif.

Au cours de cette dernière période (2017 – 2021) on assiste à une véritable répression guerrière, que ce soit les Gilets Jaunes, les Soulèvements de la Terre dont les actions contre Lafarge, les collectifs anti-bassines avec systématiquement : arrestations, gardes à vue, blessés (plusieurs fois graves) et le déchaînement de violence que l’on a connu à Sainte Soline en mars 2023.

Cette année 2024, on a eu droit pour les Jeux Olympiques à un plan vigipirate renforcé, avec sécurité démesurée dont la reconnaissance faciale. Ce plan devait être provisoire, mais le sera-t-il vraiment ?

La violence s’exerce dans chacune des étapes de la répression : arrestation, garde à vue, moyens de l’enquête, procès. Nous les détaillerons ci-dessous à partir d’éléments puisés dans 3 luttes emblématiques : Tarnac, Bure et Lafarge.

Tarnac : des caténaires EDF sur plusieurs lignes de chemin de fer sont détruites.

Bure : mobilisations depuis 2016 contre le projet Cigéo d’enfouissement de déchets nucléaires de haute intensité à Bure.

Lafarge – Bouc Bel Air (plaine de la Crau) et Val de Reuil (proche de Rouen) : mobilisations sur plusieurs sites contre le plus gros producteur mondial de ciment et actuellement en procès pour son soutien financier à Daesh.

> Arrestations

A chaque fois, ce sont une dizaine de personnes arrêtées, même jour, au petit matin, avec perquisitions musclées. A noter que pour l’action Bouc Bel Air, les personnes arrêtées le même jour, à la même heure se trouvaient dans 13 lieux différents sur le territoire français.

> Gardes à vue

Les personnes arrêtées sont ensuite transférées dans des locaux adaptés, qui permettent à la fois de les interroger dans des salles spéciales et de les isoler.

La garde à vue « classique » est de 24h, elle peut être prolongée à 48h. Une garde à vue de 72h concerne un acte d’une extrême gravité. Celle de 96h est réservée aux actes de terrorisme ou trafic de drogue.

Les copaines arrêté.es pour l’action Bouc Bel Air ont été en garde vue pendant 96h. Après leur arrestation, iels ont été transféré.es (menotté.es dans le dos, avec un bandeau sur les yeux et un masque chirurgical sur la bouche) au 4e sous-sol de la sous-direction anti-terroriste (SDAT) à Levallois Perret.

Les interrogatoires et leurs salves de questions alternent avec l’isolement des gardé.es à vue.

L’objectif est de faire parler des personnes qui refusent de parler.

Plusieurs non respect du droit ont été relevés : des menaces pour prise d’ADN, confidentialité d’entretien avec l’avocat non respectée.

> Isolement

Pendant la garde à vue, il y a une volontaire obstruction de signes de présence d’autres militant.es gardé.es à vue.

Après la garde à vue, les personnes ont des interdictions de contacts entre elles, des interdictions de territoires, et ceci pendant plusieurs années.

> Moyens de l’enquête

Les moyens mis à disposition sont gigantesques : une panoplie qui s’étend avec chaque loi : écoutes téléphoniques, retranscriptions SMS, réseaux sociaux, logiciels espions dans les smartphones, bornes placées sous les voitures, bornage antenne relais, images caméras, filatures pédestres et en voiture.

A Bure, une cellule de gendarmerie spéciale Bure a été créée.

> Procès

Il y a de multiples procès : première instance, correctionnelle, appel, cassation, qui s’échelonnent sur plusieurs années

Pour Tarnac, cela a duré 10 ans et il n’y a pas eu de condamnation !

Pour Bure, plusieurs procès et après 6 ans de procédure 3 des 9 inculpés ont été condamnés à 3 mois avec sursis.

Pour Lafarge, cela ne fait que commencer ….. et déjà 2 procès.

Tous ces moyens représentent des coûts très importants

La cellule spéciale Bure a employé 5 à 10 personnes à temps plein pendant plusieurs années.

L’Andra (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs), donne 10 millions/an à l’armée pour assurer la protection du site Cigéo.

Comprendre et agir

Les personnes arrêtées sont désormais considérées comme faisant partie d’« associations de malfaiteurs », ce sont des terroristes, ce qui témoigne d’une volonté politique de criminaliser les manifestant.es, dans l’objectif de faire peur, diviser, décourager et de justifier ainsi l’emploi de tous les moyens cités, y compris quand ils entraînent la mort ou de graves blessures.

Il faut aussi évoquer la loi séparatisme (août 2021), qui a été utilisée pour l’annonce de la dissolution des SDLT et pour la convocation à la commission d’enquête parlementaire sur Sainte Soline1 (le procès de 2 copaines s’est tenu le 22 novembre). Elle a complété l’arsenal de répression et de surveillance (fichage, cellule Demeter …).

La prétendue violence dont il est question publiquement (Etat, médias) est toujours celle des militant.es écologistes, la violence réelle de l’État (blessé.es récent.es de Ste Soline, de l’A69) est tue. Désormais dénoncée publiquement par les observateurs locaux (dont la Ligue des Droits de l’Homme), et très médiatiquement par le rapporteur spécial de l’ONU, Michel Forst, présent à l’A69, qui « pointe les manquements de la part des forces de l’ordre, notamment de privation de sommeil et de nourriture » et « demande aux autorités françaises de prendre des mesures immédiates de protection des Ecureuils2.

Actuellement, comment s’organiser ? « Nos mouvements ne recherchent ni les blessés ni les martyres. On doit se méfier de toute sorte de romantisme à ce sujet-là. Pour autant, l’expérience nous a démontré que si on n’est pas capable de s’opposer physiquement à des travaux et à la police, ils ne s’arrêtaient malheureusement pas. Si on se donne les moyens de le faire, avec la solidarité d’un large ensemble d’organisations et en apprenant comment se protéger, on peut retrouver un rapport de force en notre faveur et obtenir un renoncement aux projets écocidaires » témoigne B. des Soulèvements de la Terre. [Jacqueline]

2 Les écureuils sont les militant.es, certain.es pendant plusieurs semaines, qui se sont perché.es sur les arbres du tracé de l’A69 pour empêcher leur destruction.

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Quand la solidarité avec le peuple palestinien est criminalisée

La répression du mouvement de solidarité avec le peuple palestinien date de plus de 20 ans mais s’est fortement intensifiée, en particulier depuis l’attaque du 7 octobre 2023, en s’appuyant sur trois qualifications juridiques : le trouble à l’ordre public, l’apologie du terrorisme et la haine raciale (l’antisémitisme). Une des justifications de cette répression est de ne pas vouloir importer en France ce qui est désigné par « conflit israélo-palestinien ». En réalité ce sont les pouvoirs publics qui introduisent « le conflit » en ciblant en priorité les musulmans suspectés d’antisémitisme et d’apologie du terrorisme. Cette suspicion trouve son expression avec par exemple l’interdiction par le préfet de police de Paris de la marche du 21 avril 2024 « contre le racisme, l’islamophobie et pour la protection de tous les enfants », au prétexte qu’elle pouvait « porter en son sein des slogans antisémites », interdiction levée par le tribunal administratif statuant en référé.

La criminalisation de la solidarité avec la Palestine et le peuple palestinien comporte certaines particularités  :

– Au cours de l’année écoulée, ce ne sont pas exclusivement des militants actifs de la cause palestinienne qui ont été poursuivis pour leur positionnement mais un nombre important de personnes révoltées par le génocide en cours à Gaza.

– Ces personnes sont majoritairement poursuivies pour avoir exprimé leur avis sur la situation. Elles ont par exemple voulu montrer que la question palestinienne ne commence pas avec les attaques du 7 octobre 2023 mais que celles-ci résultent d’une colonisation longue de plus de 75 ans. Qu’il s’agisse de réseaux sociaux, conférences ou manifestations, elles font usage de leur droit d’expression.

– Les poursuites judiciaires qui concernent des centaines de personnes restent très souvent pendantessans que les concernées ne sachent si elles sont maintenuesou non, ce qui a comme conséquence de les déstabiliser et pour certaines de les faire taire.

– Les poursuites engagées contre des militants ou sympathisants ne sont pas exclusivement le fait de la justice mais également de l’administration. Depuis octobre 2023, des universités ont pris des mesures coercitives contre le mouvement de solidarité. Et Patrick Hetzel, nouveau ministre de l’enseignement supérieur, serre encore la vis et appelle à intensifier la répression des étudiants qui dénoncent le génocide1et demande leur exclusion.

Troubles à l’ordre public

Le ministre de l’Intérieur précédent, Gérald Darmanin, se fend le 12 octobre 2023 d’une circulaire ordonnant aux préfets l’interdiction des manifestations pro-palestiniennes parce qu’elles sont « susceptibles de générer des troubles à l’ordre public ». Il a également donné la consigne d’interpeller les « organisateurs et les fauteurs de troubles ». Durant les premières semaines qui ont suivi l’offensive militaire israélienne sur Gaza de très nombreuses manifestations ont été interdites, notamment à Nîmes où la présidente de l’AFPS a été interpelée et poursuivie, accusée d’avoir enfreint à cette interdiction. Le préfet de l’Hérault se distingue de par ses interdictions répétées des manifestations sous des prétextes fallacieux : « troubles à l’ordre public » mais également « propos injurieux envers la communauté juive », « agressions » qu’il n’a jamais étayés. Dans ce contexte, un militant de la Libre Pensée du 34 est attaqué en diffamation par le préfet pour avoir lu une déclaration de son organisation.

L’« incitation à la haine raciale »

Suite à l’appel Boycott, désinvestissement, sanction (BDS) lancé par la société civile palestinienne en 2005, le mouvement de solidarité international s’est emparé de cette campagne. En France, rapidement l’amalgame récusable entre les notions d’antisémitisme et d’antisionisme va pousser les pouvoirs publics à s’en prendre à des militants. La circulaire Alliot-Marie du 12 février 2010 demande aux parquets d’engager des poursuites pour des appels ou actions de boycott « de produits israéliens » en référence à la législation pénale concernant « l’incitation à la haine et la discrimination ». Des militants en ont fait les frais et l’un d’entre eux a été condamné. Les tribunaux nationaux ont confirmé cette condamnation et ce n’est que le 11 juin 2020 que la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) condamne la France pour cette décision. Courte victoire pour le mouvement BDS car le gouvernement français contre-attaque : « le 20 octobre 2020, le ministre français de la justice Éric Dupond-Moretti a fait publier une nouvelle circulaire (une “dépêche”) “relative à la répression des appels discriminatoires au boycott des produits israéliens” par laquelle le fondement légal des poursuites est réaffirmé, simplement accompagné d’une exigence plus stricte de « motivation des décisions de condamnation »2.

Les soutiens indéfectibles de l’Etat d’Israël ont également réussi à imposer la définition de l’IHRA (Alliance Internationale pour le Souvenir de l’Holocauste) par le biais de la « résolution Maillard » qui ajoute l’antisionisme à la définition de l’antisémitisme. Adoptée en novembre 20193 son but est de faire taire les critiques de la politique d’Israël. Non contraignante, elle sert surtout la propagande sans permettre des poursuites judiciaires. C’est certainement la raison pour laquelle le 30 octobre 2024, une proposition de loi qui vise à condamner toutes les « formes renouvelées de l’antisémitisme » a été déposée au Parlement. Cosignée par plus de 90 députés, elle préconise de punir toute critique de l’Etat d’Israël en l’assimilant à la haine des juifs. Revendiquer un État unique pour tous serait assimilé à de l’antisémitisme.

L’« apologie du terrorisme »

Historiquement, l’« apologie du terrorisme » était une infraction qui relevait du droit de la presse et donc de la liberté d’expression. C’est en 2014 qu’elle passe dans le droit commun pour être plus sévèrement réprimée : condamnation de 5 ans voir 7 ans de prison, des délais de prescription allongés et la possibilité de maintenir les suspects en détention provisoire. Dans le cas du mouvement de solidarité avec la Palestine ces poursuites sont souvent engagées alors que les actes en question n’ont pas été qualifiés juridiquement de « terroristes ». Si dans le droit l’« apologie du terrorisme » « vise à criminaliser des propos extrêmement violents sur les attentats, leurs auteurs ou ceux qui en ont été victimes »4, depuis la guerre menée à Gaza, l’usage de cette notion a été fortement élargi dans le but de poursuivre des opposants à la guerre que mène Israël en Palestine ou même des personnes qui interrogent le narratif officiel israélien et français.

Trois jours après le 7 octobre, le ministre de la Justice anticipe « une recrudescence d’infractions à caractère antisémite » ou des « propos susceptibles de revêtir les qualifications d’apologie du terrorisme » et demande aux procureurs une « réponse pénale ferme et rapide »5. Vanessa Codaccioni, historienne et politiste, s’inquiète du fait que « depuis le 7 octobre, ce sont des discours, des engagements, des causes politiques qui sont criminalisées par le biais de dispositifs antiterroristes. C’est la première fois que l’accusation d’apologie du terrorisme est à ce point utilisée pour museler une opposition, pour empêcher de défendre une cause – la solidarité envers le peuple palestinien »6 ou pour ne pas avoir dénoncé le Hamas comme une organisation terroriste. En un an le nombre de signalements et de plaintes a explosé et près de 800 procédures pour « apologie du terrorisme » ont été initiées. Aujourd’hui des journalistes (Zineb El Rhazoui), chercheurs (François Burgat, ancien chercheur au CNRS ; Yannis Arab, doctorant en histoire et auteur de plusieurs ouvrages sur la Palestine) ; syndicalistes (Jean-Paul Delescaut, CGT, condamné le 18 avril à un an de prison avec sursis), soignants (Imane Maarifi, infirmière qui témoigne après sa mission à Gaza, arrêtée et placée en garde à vue), politiques (Mohamed Makni, 73 ans, retraité et élu municipal à Echirolles ; Rima Hassan, eurodéputée, Mathilde Panot, députée LFI) et beaucoup d’autres sont interpellés, pour certains placés en garde à vue et condamnés.

A Montpellier, Abdel, militant décolonial, a pour une simple prise de parole été condamné pour « apologie du terrorisme » le 8 février 2024 à une inscription au fichier des auteurs d’infractions terroristes, un an de prison avec sursis simple, inscription de la décision au casier judiciaire, 3 ans d’inéligibilité et une amende. Son procès en appel a lieu le 2 décembre 2024.

De nombreux observateurs alertent : La situation est très préoccupante. L’arsenal législatif pour criminaliser les opposants existe, les quelques contre pouvoirs tels le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel sont affaiblis même s’il y a heureusement encore des juges qui ne se prêtent pas au jeu de la répression judiciaire à outrance. Les protestations et révoltes vont se multiplier dans un avenir proche et les militant.es et les associations doivent dès maintenant apprendre à faire face à la répression d’État qui s’abattra sur toutes formes d’opposition. [Tissa]

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Épisode cévenol n°41

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Jusqu’où la dérive ?

A l’heure où ces lignes sont écrites, l’Assemblée nationale élue le 7 juillet dernier est mise dans l’incapacité de remplir sa mission qui est de voter les lois, de contrôler l’action du Gouvernement (lequel n’est toujours pas nommé) et d’évaluer les politiques publiques.

Au point que les services de l’État refusent aux représentants de sa Commission des Finances l’accès aux documents préparatoires du budget 2025 (Mediapart, 17 et 18 septembre). Le but est évidemment de raccourcir au maximum le débat parlementaire afin de faire passer un budget très austéritaire, celui voulu par le gouvernement démissionnaire et le Président de la République.

Jamais un tel mépris des représentants du peuple n’avait été osé.

Toute la presse internationale s’inquiète d’ailleurs de la fuite en avant autoritaire dans notre paysi :

The Telegraph ne mâche pas ses mots, et écrit qu’« après avoir tenu la France en otage pendant 60 jours, Macron a finalement nommé » un chef de gouvernement venu d’un parti « arrivé en quatrième position lors des élections, avec moins de 10% des voix et seulement 46 sièges. Un choix absolument déroutant et antidémocratique ».

Un choix qui, de plus, acte la fin du front républicain que, tant bien que mal, le président de la République a accepté lors des élections législatives des 30 juin et 7 juillet après en avoir déjà largement bénéficié en 2017 et 2022.

Surtout, avec ce terrible aveu de Marine Le Pen, qui se déclare satisfaite du choix de M. Barnier, car il répond « au premier critère que nous avions réclamé » (X, 5 septembre), on voit à quel point les macronistes sont prêts à s’acoquiner avec les nationalistes d’extrême droite. C’est que « le mécontentement des peuples paupérisés et prolétarisés par le capitalisme néolibéral risque d’amener les gauches au pouvoir. De ce fait, pour les néolibéraux, mieux vaut les extrêmes droites qui dérivent la colère populaire contre des boucs émissaires, sans changer les régimes de propriété. » (Roland Gori, l’Humanité, 16 septembre)

Si Emmanuel Macron est responsable de ces errements, il est pourtant le grand irresponsable de nos institutions : la constitution de la Ve République lui accorde beaucoup de pouvoirs, mais ne prévoit aucun contrôle de l’usage qu’il en fait. Ce qui rapproche dangereusement cette « monarchie présidentielle » d’un absolutisme.

Il utilise ainsi sans scrupule aucun le cadre institutionnel, jusqu’à la limite de la légalité, qu’il ne dépasse pas, mais ce faisant il l’engage dans une illégitimité dangereuse, reniant ses engagements, bafouant la volonté du peuple et ignorant tous les usages démocratiques.

Il laisse au passage Gérald Darmanin donner libre cours à l’escalade des violences policières jusqu’à provoquer délibérément la chute de militants occupant les arbres sur le chantier de l’A69 mettant gravement leur vie en danger.

Il a lu sans doute, et pris au pied de la lettre avec le cynisme qu’on lui connaît, ce que disait Bertold Brecht : « Puisque le peuple vote contre le Gouvernement, il faut dissoudre le peuple. »

Emmanuel Macron dénature l’esprit et les valeurs de notre texte fondamental et des grands textes qui le précèdent et le fondent.

Malgré son article 2 qui affirme que « son principe est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple », il apparaît que la Constitution de la cinquième République n’assure pas solidement le fonctionnement de la démocratie.

On voit bien désormais qu’elle permet d’entraver toute possibilité de bâtir un autre monde en réprimant férocement les initiatives et les luttes locales.

Elle autorise un seul homme à faire plier le Parlement et les citoyen·es sous sa volonté au service des puissants et d’une politique soumise à leurs intérêts.

C’est pourquoi il devient plus urgent que jamais de multiplier les initiatives et les revendications pour une VIe République.

Par exemple en empêchant les atteintes à l’état de droit : la loiii « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse. ». Nestlé Waters vient de faire la démonstration du contraire, puisqu’il est possible dans ce pays de s’approprier un bien commun en puisant de l’eau dans les nappes profondes par des forages illégaux et de traiter frauduleusement des eaux en bouteille, accumulant ce faisant des profits estimé à 3 milliards d’euros (Mediapart, 11 septembre). Et de s’en sortir avec une amende de seulement 2 millions d’euros. La convention judiciaire d’intérêt public ( !!!) qui permet cette forfaiture a pourtant été jugée conforme à la Constitution…

Un nouveau texte constitutionnel peut être construit de façon démocratique, comme le Chili l’a récemment montré. Et l’expérience chilienne aidera à éviter les écueils qui l’ont menée à un échec.

[Marie Motto-Ros]

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Le fond de l’air est brun…

Après dissolution de l’assemblée nationale le bon peuple français fut invité à voter et… il n’a pas bien voté !

Contrairement à ce que disait Charles De Gaulle les français n’ont pas voté comme des veaux, ce que souhaitait Macron qui se retrouve coincé entre ce que les médias, dans leur grande majorité désignent comme les extrêmes, appellation pour le moins bizarre qui tend à suggérer de rejeter la grande majorité des électeurs à la périphérie et que la seule vraie représentation populaire serait détenue par ce micro centre. Contradiction flagrante pour un régime qui appuie sa légitimité sur le suffrage universel soit disant valeur majeure de la République.

Ce vote, qui traduit un rejet radical du mode de gouvernement, induit une crise politique inédite qui vient de se solder par la nomination d’un premier ministre adoubé par le Rassemblement National qui, d’un coup, passe du statut de parti infréquentable à faiseur de roi et s’attribue le mérite de la sortie de crise asseyant définitivement son image de parti respectable prêt à gouverner et arbitre les orientations du gouvernement sous peine de motion de censure !!

Finalement la valeur centrale de la République, pour nos gouvernants, n’est ni la liberté, ni la fraternité, encore moins l’égalité c’est… la stabilité !! On sait bien quelle est la classe qui a le plus besoin de stabilité pour faire ses petites – et surtout grosses – affaires !

Voilà l’extrême droite en pôle position pour se saisir du pouvoir !!!

Elle s’y emploie depuis longtemps. Dans les années 1930 l’organisation secrète d’action révolutionnaire, OSAR (la cagoule ) s’appuie sur les fondamentaux de la droite extrême : antisémitisme, anticommunisme et nationalisme exacerbé.

Le nationalisme est à la base des mouvements qui ont suivi la cagoule : Jeune nation, FEN (fédération de étudiants Nationaliste), Occident puis Ordre Nouveau qui donne naissance au Front national (FN) qui lui puise ses origines dans ce terreau du « nationalisme révolutionnaire ». Le Pen sera choisi par ce mouvement, il représente alors une tendance modérée (libéral, défense du petit commerce, de l’artisanat…). C’est cette ligne qui sera à la base d’une tactique légaliste du FN, puis du RN, pour conquérir le pouvoir par le moyen des élections. Pour cela il fallut changer l’image du FN et le papa Le PEN, sans doute trop marqué par ses orientations idéologiques, même s’il faisait partie des « modérés », n’était pas le mieux placé. La passation du képi de chef du mouvement fut compliquée mais le parti, piloté par Marine Le Pen, s’en sort bien et le voilà en embuscade, profitant d’une série favorable d’élections où la classe politique, toutes tendances confondues, fut incapable de faire autre chose que de bégayer « il faut faire un barrage Républicain » sans être fichu d’argumenter sur le fond. Laissant petit à petit le RN peaufiner sa stratégie de parti raisonnable, tellement raisonnable que c’est lui qui va donner le la … et en avant la musique dont nous connaissons les premières mesures et ce n’est pas rassurant. 

Souvenons-nous du mouvement des « gilets jaunes» : entre 2018 et 2020, les pouvoirs publics ont choisi, ou couvert, un usage souvent disproportionné, de la force. Le recours massif à des armes de guerre comme le LBD 40 et les grenades GLI-F4 ou de désencerclement ont mutilé à vie des dizaines de manifestants. Des pratiques illégales sont courantes : nasses de manifestants pacifiques, fouilles et confiscations de matériel de premier secours, violences contre des journalistes et des citoyens filmant les forces de l’ordre… Durant le premier mois du mouvement des « gilets jaunes », 1 407 manifestants ont été blessés, dont 46 grièvement.( Le monde diplo avril 2022)

Plus récemment, la répression violente frappe des manifestations appelées par les Soulèvements de la Terre contre les méga bassines. Et tout dernièrement dans le cadre de la lutte contre le projet d’autoroute A69 les forces de l’ordre s’en prennent aux « écureuils », ces manifestants perchés dans les arbres pour empêcher leur abattage : La CNAMO ( cellule nationale d’appui à la mobilité ) coupe les cordes de sécurité des personnes à plusieurs mètres du sol, les machines tranchent les racines des arbres, les gendarmes utilisent les lampes stroboscopiques pour empêcher les « écureuils » de dormir. Des pratiques qui s’apparentent à de la torture !

Pour l’année 2023, la Ligue des droits de l’homme publie ce communiqué :  « la politique brutale du gouvernement a plongé le pays dans une situation particulièrement alarmante pour la démocratie. Le territoire français a, à nouveau, été le théâtre d’opérations de maintien de l’ordre de grande ampleur, violentes et totalement disproportionnées, au mépris de la liberté de manifester : retour des nasses illégales, de l’usage d’armes mutilantes comme le LBD et les grenades de désencerclement, du gazage à outrance, de l’emploi de policiers non formés au maintien de l’ordre et réputés pour leur violence, en particulier la brigade de répression de l’action violente motorisée (BRAV-M) et les Brigades anti criminalité (BAC), avec des interpellations et des verbalisations indiscriminées, du matraquage systématique et des violences gratuites et attentatoires à la dignité des personnes. »

Depuis pas mal de temps nous sommes nombreux à crier « Au loup ! » et voici que le loup est sur le pas de la porte qui est largement ouverte par le pouvoir politique.

Sommes-nous prêts à faire face aux menaces, en particulier policières, qui se profilent ? pas sûr !

Dans un premier temps soyons vigilants, la connaissance de nos droits est importante pour situer le cadre légal. Connaître les limites légales ne signifie pas les approuver, n’implique pas forcément de s’interdire de les transgresser, c’est juste qu’il vaut mieux savoir où on est : dans la légalité ou dans la transgression légitime….

Pour aider à défendre nos droits : https://www.ldh-france.org/defendre-vos-droits/vos-droits/police/ https://www.syndicat-magistrature.fr/toutes-nos-publications/nos-guides-et-livrets/2664-le-guide-du-manifestant-arrete-mis-a-jour.html

 [Jaume]

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De la route et du béton …….

(d’après « Accumuler du béton » de Nelo Magalhaes – La Fabrique)

Les désastres dus au béton n’ont fait qu’augmenter depuis que son usage s’est développé au 19ème siècle, avec Vicat (1818) et Lafarge (1865), désastres dus à l’accaparement des terres, à l’extractivisme du sable et du gravier, à la technologie, très gourmande en énergie.

Pour construire routes, aéroports, barrages, centrales nucléaires, il est nécessaire

> de déplacer des volumes de terre très importants, volumes qui n’ont cessé d’augmenter au fil des années

> pour les routes, de faire des tracés conformes à la vitesse et à la sécurité : virages relevés, longues lignes droites évitées, et ceci quelque soit le terrain.

Ces travaux se sont longtemps faits avec des terrassiers, de plus en plus nombreux jusqu’à la 1e guerre. Leurs conditions de travail étaient déplorables. Ils se sont organisés, ont soutenu la commune de Paris et lancé des grèves et rébellions massives fortement réprimées « ils portaient la pensée révolutionnaire » (G. Navel – Travaux).

Puis, les machines ont remplacé les terrassiers.

Les machines ne font pas grève, elles sont de plus en plus perfectionnées, de plus en plus lourdes, elles adaptent les reliefs, et génèrent un fort taux d’émissions de CO2.

Une fois les infrastructures tracées, il faut les stabiliser – pour résister aux charges importantes et aux variations atmosphériques – et leur donner de la résistance mécanique – encore plus de matériaux – et avec des liants hydrauliques et chimiques.

Ces techniques s’accompagnent de fondations, particulièrement profondes pour le bâti et surtout les gratte-ciels (5 à 10 % du poids total en béton).

Toutes ces techniques se rassemblent dans un sous champ scientifique « génie urbain » qui s’accompagne rapidement après du « génie rural », maître d’œuvre du remembrement et de l’amélioration des sols par l’agrochimie. Ce sont des « génies » qui, pour désencastrer la production d’espace, dégradent les sols depuis 200 ans, tant côté champ que côté bâti.

Pour la réalisation et la mise en œuvre des infrastructures, le groupe des ingénieurs Ponts et Chaussées joue un rôle primordial : omniprésents dans l’administration des routes, la gestion des aérodromes, grands ports maritimes, urbanisme et villes nouvelles, ils y portent leur idéologie : jamais n’est discuté le fait de réduire drastiquement le flux de matière ou de trafic, au contraire il faut tout adapter à leur croissance. Ainsi, les laboratoires des Ponts et Chaussées se multiplient (11 en 1982) avec un budget qui s’accroît chaque année dont des salaires de géologues et géotechniciens : en effet, une reconnaissance géologique et géotechnique constitue un facteur capital pour ces travaux de nouvelles infrastructures.

La matière extraite (sable, granulat) est omniprésente dans tous les pays, même si sa qualité diffère. Elle sert majoritairement aujourd’hui à maintenir les grandes infrastructures, avec une hausse importante entre 1998 et 2008 pour les besoins de la nouvelle économie, prétendument dématérialisée, des services et du numérique.

L’extraction en rivière est telle qu’elle a dépassé, en 1970, le seuil de reconstitution de 10 à 13 fois.

Ce travail est pris en main par les grandes entreprises Heidelberg et Vinci.

Cet extractivisme massif provoque des catastrophes, comme l’écroulement de ponts.

Les dégâts dans les rivières (niveaux d’eau en baisse, baisse des sédiments, berges érodées, augmentation des crues, perte de la biodiversité, dégradation de la reproduction des poissons) ont été dénoncés par les scientifiques dans les années 1970 et ont donné lieu à de fortes contestations locales dans les villages le long de la Garonne, de la Loire, du Drac.

L’État protège cet extractivisme car il en a besoin pour les projets qu’il soutient.

Comme on l’a vu plus haut, il faut stabiliser les infrastructures, mais celles-ci restent fragiles : on note des éboulements et des glissements de terrain, ainsi que des remblais qui se fissurent, se tassent, s’affaissent.

Et tout cela a un coût important, le travail de terrassement atteint 45 % du coût total pour une Ligne à grande vitesse.

La première accélération de développement des routes et infrastructures a eu lieu entre les 2 guerres, la deuxième après 1950 : il a fallu en effet rentabiliser le capital investi, on parle alors de « rationalisation des choix budgétaires » c’est à dire une augmentation des crédits routiers, exit le débat sur le besoin de vitesse et la circulation de poids lourds !

Malgré les dégâts dus à l’automobile (démolition des chemins, pollution, occupation de l’espace, accidents mortels, embouteillages) ….. l’automobile personnelle s’impose grâce à un intense travail idéologique. Et, par conséquence, s’ensuivent des propos antirail : après les milliers de km de lignes clos en 1938-1939, ce sont 10 000 km de lignes voyageurs et 5 000 km de lignes marchandises qui sont fermées en 1969. Précisons que la CGT argumente que l’automobile est un réel besoin objectif pour les travailleurs, la motorisation individuelle devient un réel besoin social.

André Gorz1 décrit parfaitement le fait que l’automobile est la marchandise structurante du capitalisme, car elle permet production et consommation de masse.

Construire des infrastructures laisse des traces, il faut effacer les centaines de millions de m³ déplacés en réaménageant l’espace pour le valoriser, ce qui nécessite encore de puissantes machines et encore plus d’investissement : par exemple, à la centrale nucléaire de Paluel les 8 millions m³ de déblais sont transformés en collines artificielles par un architecte paysagiste.

À partir de 1970, le fret routier s’impose face à la forte hausse du commerce international dû aux accords de libre-échange. Le flux de ce commerce extérieur impose également le développement industrialo-portuaire avec des installations industrielles diverses : pétrole, chimie, sidérurgie, transformation agricole et de nouveaux équipements : raffineries, hauts-fourneaux, aciéries, silos, terminaux gaziers et des infrastructures pour les desservir : autoroutes, canaux, écluses, oléoducs, gazoducs, gares de triage …. Fos sur Mer en est la plus criante illustration : 7 500 ha aménagés, 118 millions m³ dragués en 10 ans de travaux…. La hausse du trafic maritime triple entre 1964 et 1979 dans les ports de Dunkerque, Le Havre et Fos (331 millions de tonnes de fret en 1979).

C’est un véritable basculement macroéconomique qui relance le programme autoroutier. La construction européenne et la globalisation néo-libérale contribuent, avec les multinationales à leurs côtés, à façonner l’espace marchand mondial : on y retrouve Lafarge, Vinci, Bouygues, Eiffage pour le BTP, Areva ou Total pour les mines et le pétrole, Bolloré Africa logistics ou la CGA CGM pour la circulation marchande.

Le commerce international entraîne des dégâts écologiques et sanitaires de grande ampleur : en 2016, le transport de ses marchandises produisait déjà l’équivalent de 17 à 30 % de perte de biodiversité, 13 % des eaux polluées, 20 à 30 % des émissions de CO2 , 21 à 37 % des utilisations de terre, 22 % de morts prématurées dues aux particules fines, 29 à 35 % d’énergie utilisée, 70 % d’exploitation du charbon.

La construction d’infrastructures, nécessite celle d’entrepôts pour y déposer les marchandises : 4 286 entrepôts de plus de 5 000 m² chacun sur un espace totalisant 83 millions de m².

De nouvelles infrastructures continuent de se construire, il faut bien rentabiliser les machines de plus en plus perfectionnées qu’il faut acheter et entretenir : le fonctionnement du matériel revient à 50 % des dépenses et 25 % pour l’amortissement des prêts, l’emprise du capital est réelle, une baisse de volume d’activité peut être fatale pour l’entreprise, c’est une boucle sans fin. Trafic en hausse, poids lourds de plus en plus lourds, le réseau se dégrade, il faut le remettre en état, et donc avoir des crédits supplémentaires : des spécialistes annoncent que 62 % des chaussées seraient fortement dégradées en 2037 et qu’un tiers des 12 000 ponts autoroutiers seraient menacés d’effondrement… La maintenance des infrastructures est un choix politique, celui de Sisyphe !
La gestion des infrastructures, en tant qu’outil financier, sert la compétitivité du pays et attire ainsi les investisseurs : les politiques de la route deviennent des stratégies financières.

Lutter contre ces grandes infrastructures nécessite d’organiser son espace autrement, avec peu de déplacements et ceux-ci beaucoup plus courts. Une proposition radicale, celle de Diego Landivar2 : l’écologie du démantèlement ainsi que l’ont fait et le font les Gilets jaunes et les Soulèvements de la terre : ces mouvements convergent, avec la lutte des classes, sur un point fondamental : se réapproprier ses conditions matérielles de vie au travers de l’espace physique.

[Jacqueline]

1 http://pombo.free.fr/gorz1964f.pdf – En 1973, A Gorz écrivait « L’idéologie sociale de la bagnole » : Le vice profond des bagnoles, c’est qu’elles sont comme les châteaux ou les villa sur la Côte : des biens de luxe inventés pour le plaisir exclusif d’une minorité de très riches et que rien, dans leur conception et leur nature, ne destinait au peuple……

2 Diego Landivar est un économiste et anthropologue franco-bolivien. Ses recherches portent sur les reconfigurations anthropologiques induites par le changement climatique et les effondrements écologiques. Il a publié, en collaboration avec E. Bonnet et A. Monnin « Héritage et Fermeture. Une écologie du démantélement » (Ed. Divergences).

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Épisode cévenol n°40

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