De la route et du béton …….

(d’après « Accumuler du béton » de Nelo Magalhaes – La Fabrique)

Les désastres dus au béton n’ont fait qu’augmenter depuis que son usage s’est développé au 19ème siècle, avec Vicat (1818) et Lafarge (1865), désastres dus à l’accaparement des terres, à l’extractivisme du sable et du gravier, à la technologie, très gourmande en énergie.

Pour construire routes, aéroports, barrages, centrales nucléaires, il est nécessaire

> de déplacer des volumes de terre très importants, volumes qui n’ont cessé d’augmenter au fil des années

> pour les routes, de faire des tracés conformes à la vitesse et à la sécurité : virages relevés, longues lignes droites évitées, et ceci quelque soit le terrain.

Ces travaux se sont longtemps faits avec des terrassiers, de plus en plus nombreux jusqu’à la 1e guerre. Leurs conditions de travail étaient déplorables. Ils se sont organisés, ont soutenu la commune de Paris et lancé des grèves et rébellions massives fortement réprimées « ils portaient la pensée révolutionnaire » (G. Navel – Travaux).

Puis, les machines ont remplacé les terrassiers.

Les machines ne font pas grève, elles sont de plus en plus perfectionnées, de plus en plus lourdes, elles adaptent les reliefs, et génèrent un fort taux d’émissions de CO2.

Une fois les infrastructures tracées, il faut les stabiliser – pour résister aux charges importantes et aux variations atmosphériques – et leur donner de la résistance mécanique – encore plus de matériaux – et avec des liants hydrauliques et chimiques.

Ces techniques s’accompagnent de fondations, particulièrement profondes pour le bâti et surtout les gratte-ciels (5 à 10 % du poids total en béton).

Toutes ces techniques se rassemblent dans un sous champ scientifique « génie urbain » qui s’accompagne rapidement après du « génie rural », maître d’œuvre du remembrement et de l’amélioration des sols par l’agrochimie. Ce sont des « génies » qui, pour désencastrer la production d’espace, dégradent les sols depuis 200 ans, tant côté champ que côté bâti.

Pour la réalisation et la mise en œuvre des infrastructures, le groupe des ingénieurs Ponts et Chaussées joue un rôle primordial : omniprésents dans l’administration des routes, la gestion des aérodromes, grands ports maritimes, urbanisme et villes nouvelles, ils y portent leur idéologie : jamais n’est discuté le fait de réduire drastiquement le flux de matière ou de trafic, au contraire il faut tout adapter à leur croissance. Ainsi, les laboratoires des Ponts et Chaussées se multiplient (11 en 1982) avec un budget qui s’accroît chaque année dont des salaires de géologues et géotechniciens : en effet, une reconnaissance géologique et géotechnique constitue un facteur capital pour ces travaux de nouvelles infrastructures.

La matière extraite (sable, granulat) est omniprésente dans tous les pays, même si sa qualité diffère. Elle sert majoritairement aujourd’hui à maintenir les grandes infrastructures, avec une hausse importante entre 1998 et 2008 pour les besoins de la nouvelle économie, prétendument dématérialisée, des services et du numérique.

L’extraction en rivière est telle qu’elle a dépassé, en 1970, le seuil de reconstitution de 10 à 13 fois.

Ce travail est pris en main par les grandes entreprises Heidelberg et Vinci.

Cet extractivisme massif provoque des catastrophes, comme l’écroulement de ponts.

Les dégâts dans les rivières (niveaux d’eau en baisse, baisse des sédiments, berges érodées, augmentation des crues, perte de la biodiversité, dégradation de la reproduction des poissons) ont été dénoncés par les scientifiques dans les années 1970 et ont donné lieu à de fortes contestations locales dans les villages le long de la Garonne, de la Loire, du Drac.

L’État protège cet extractivisme car il en a besoin pour les projets qu’il soutient.

Comme on l’a vu plus haut, il faut stabiliser les infrastructures, mais celles-ci restent fragiles : on note des éboulements et des glissements de terrain, ainsi que des remblais qui se fissurent, se tassent, s’affaissent.

Et tout cela a un coût important, le travail de terrassement atteint 45 % du coût total pour une Ligne à grande vitesse.

La première accélération de développement des routes et infrastructures a eu lieu entre les 2 guerres, la deuxième après 1950 : il a fallu en effet rentabiliser le capital investi, on parle alors de « rationalisation des choix budgétaires » c’est à dire une augmentation des crédits routiers, exit le débat sur le besoin de vitesse et la circulation de poids lourds !

Malgré les dégâts dus à l’automobile (démolition des chemins, pollution, occupation de l’espace, accidents mortels, embouteillages) ….. l’automobile personnelle s’impose grâce à un intense travail idéologique. Et, par conséquence, s’ensuivent des propos antirail : après les milliers de km de lignes clos en 1938-1939, ce sont 10 000 km de lignes voyageurs et 5 000 km de lignes marchandises qui sont fermées en 1969. Précisons que la CGT argumente que l’automobile est un réel besoin objectif pour les travailleurs, la motorisation individuelle devient un réel besoin social.

André Gorz1 décrit parfaitement le fait que l’automobile est la marchandise structurante du capitalisme, car elle permet production et consommation de masse.

Construire des infrastructures laisse des traces, il faut effacer les centaines de millions de m³ déplacés en réaménageant l’espace pour le valoriser, ce qui nécessite encore de puissantes machines et encore plus d’investissement : par exemple, à la centrale nucléaire de Paluel les 8 millions m³ de déblais sont transformés en collines artificielles par un architecte paysagiste.

À partir de 1970, le fret routier s’impose face à la forte hausse du commerce international dû aux accords de libre-échange. Le flux de ce commerce extérieur impose également le développement industrialo-portuaire avec des installations industrielles diverses : pétrole, chimie, sidérurgie, transformation agricole et de nouveaux équipements : raffineries, hauts-fourneaux, aciéries, silos, terminaux gaziers et des infrastructures pour les desservir : autoroutes, canaux, écluses, oléoducs, gazoducs, gares de triage …. Fos sur Mer en est la plus criante illustration : 7 500 ha aménagés, 118 millions m³ dragués en 10 ans de travaux…. La hausse du trafic maritime triple entre 1964 et 1979 dans les ports de Dunkerque, Le Havre et Fos (331 millions de tonnes de fret en 1979).

C’est un véritable basculement macroéconomique qui relance le programme autoroutier. La construction européenne et la globalisation néo-libérale contribuent, avec les multinationales à leurs côtés, à façonner l’espace marchand mondial : on y retrouve Lafarge, Vinci, Bouygues, Eiffage pour le BTP, Areva ou Total pour les mines et le pétrole, Bolloré Africa logistics ou la CGA CGM pour la circulation marchande.

Le commerce international entraîne des dégâts écologiques et sanitaires de grande ampleur : en 2016, le transport de ses marchandises produisait déjà l’équivalent de 17 à 30 % de perte de biodiversité, 13 % des eaux polluées, 20 à 30 % des émissions de CO2 , 21 à 37 % des utilisations de terre, 22 % de morts prématurées dues aux particules fines, 29 à 35 % d’énergie utilisée, 70 % d’exploitation du charbon.

La construction d’infrastructures, nécessite celle d’entrepôts pour y déposer les marchandises : 4 286 entrepôts de plus de 5 000 m² chacun sur un espace totalisant 83 millions de m².

De nouvelles infrastructures continuent de se construire, il faut bien rentabiliser les machines de plus en plus perfectionnées qu’il faut acheter et entretenir : le fonctionnement du matériel revient à 50 % des dépenses et 25 % pour l’amortissement des prêts, l’emprise du capital est réelle, une baisse de volume d’activité peut être fatale pour l’entreprise, c’est une boucle sans fin. Trafic en hausse, poids lourds de plus en plus lourds, le réseau se dégrade, il faut le remettre en état, et donc avoir des crédits supplémentaires : des spécialistes annoncent que 62 % des chaussées seraient fortement dégradées en 2037 et qu’un tiers des 12 000 ponts autoroutiers seraient menacés d’effondrement… La maintenance des infrastructures est un choix politique, celui de Sisyphe !
La gestion des infrastructures, en tant qu’outil financier, sert la compétitivité du pays et attire ainsi les investisseurs : les politiques de la route deviennent des stratégies financières.

Lutter contre ces grandes infrastructures nécessite d’organiser son espace autrement, avec peu de déplacements et ceux-ci beaucoup plus courts. Une proposition radicale, celle de Diego Landivar2 : l’écologie du démantèlement ainsi que l’ont fait et le font les Gilets jaunes et les Soulèvements de la terre : ces mouvements convergent, avec la lutte des classes, sur un point fondamental : se réapproprier ses conditions matérielles de vie au travers de l’espace physique.

[Jacqueline]

1 http://pombo.free.fr/gorz1964f.pdf – En 1973, A Gorz écrivait « L’idéologie sociale de la bagnole » : Le vice profond des bagnoles, c’est qu’elles sont comme les châteaux ou les villa sur la Côte : des biens de luxe inventés pour le plaisir exclusif d’une minorité de très riches et que rien, dans leur conception et leur nature, ne destinait au peuple……

2 Diego Landivar est un économiste et anthropologue franco-bolivien. Ses recherches portent sur les reconfigurations anthropologiques induites par le changement climatique et les effondrements écologiques. Il a publié, en collaboration avec E. Bonnet et A. Monnin « Héritage et Fermeture. Une écologie du démantélement » (Ed. Divergences).

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Épisode cévenol n°40

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La bascule…

Le soulagement partagé par beaucoup se comprend aisément : le pays a évité un piège redoutable. Le fascisme aux portes du gouvernement a dû rebrousser chemin. A nous de l’en éloigner définitivement.

Le 9 juin 2024, au soir des élections législatives, l’opinion découvre avec stupeur que le Rassemblement National (RN) a obtenu 31% des voix, un score sans précédent, absolument inédit. Au cours de la soirée, peu après la proclamation de ces résultats consternants, le président Macron annonce la dissolution du Parlement semblant ainsi répondre à une exigence formulée par le chef du parti d’extrême-droite. Public général et observateurs ont été pris de court par la décision présidentielle.

L’avancée spectaculaire du RN, sur le point d’obtenir la majorité au Parlement et de ce fait d’imposer un gouvernement, a pu être efficacement contenue grâce à l’extraordinaire sursaut de mobilisation de la gauche. Au soir du second tour des législatives, le RN est relégué en troisième position.

L’ascension de ce parti a été facilitée par deux facteurs : en premier lieu, les manœuvres politiciennes de la Macronie et d’Emmanuel Macron lui-même qui voulaient rejouer le duel Renaissance contre RN, persuadés de l’emporter en raison notamment des divisions de la gauche. Et également, par le rôle des médias, des chaînes privées de télévision, de radio et de presse relevant en particulier de l’empire Bolloré (Cnews, C8, Europe1, JDD, etc.), soutiens ostensibles et relais de la propagande de l’extrême-droite.

Mais le calcul électoral du chef de l’État a échoué. La création du Nouveau Front Populaire (NFP) à l’initiative de La France insoumise (LFI) pour affronter à la fois le RN et la Macronie a annulé le scénario envisagé par les stratèges présidentiels. Le 7 juillet 2024 à l’issue du deuxième tour des élections, le NFP s’impose comme première force politique grâce à une mobilisation citoyenne considérable, au-delà de l’influence des appareils politiques. Syndicats, associations et de larges secteurs de la population se sont investis dans une campagne mature et responsable pour barrer la route au pouvoir du fascisme.

Jamais les quartiers populaires et les électeurs et électrices racisés ne s’étaient autant mobilisés pour La France insoumise, et ce malgré la propagande calomnieuse dont la LFI est victime depuis son entrée spectaculaire au Parlement en 2022. Jamais le climat politique français n’a été à ce point brutalisé par le matraquage incessant de thèmes démagogiques autour de la délinquance et de l’immigration, de l’incapacité supposée des populations musulmanes à s’intégrer et de l’invraisemblable « grand remplacement », etc. La surenchère frénétique dans laquelle se sont engouffrés un grand nombre d’acteurs politiques et de journalistes a une fois de plus révélé l’ancrage du racisme antimusulman et antiarabe.

En dépit d’un environnement médiatique hostile, les forces de gauche ont atteint leur objectif premier. En effet, même si le RN a obtenu un record de voix, il ne sort pas vainqueur de cette consultation lourde de dangers. Le barrage populaire a bloqué son accès à des postes de responsabilité au sein du parlement, il s’agit maintenant de contenir la Macronie qui a réussi à se maintenir grâce à son alliance avec la droite conservatrice et en bafouant tous les règlements et usages des institutions parlementaires.

La séquence à venir s’avère donc périlleuse et son issue incertaine. Beaucoup dans le pays s’entendent sur la nécessité d’en finir avec cette Macronie arrogante, médiocre et brutale qui impose une politique néolibérale à coups de lois liberticides et discriminatoires, d’interdictions d’organisations et de conférences, d’arrestations de militants et manifestants, de gaz lacrymogène, de tirs de LBD comme lors du mouvement des gilets jaunes, des mobilisations contre la réforme des retraites, des manifestations en solidarité avec le peuple palestinien et des actions contre les mégabassines pour ne citer que ces mobilisations citoyennes. Sans omettre de citer dans cet horrible catalogue, la répression silencieuse et sournoise des exilé.e.s, demandeurs d’asile ou sans papiers, les jeunes des quartiers soumis à des contrôles de faciès incessants et violents ou des nombreuses personnes victimes arbitrairement d’assignations à résidence.

La Macronie accrochée au pouvoir et à ses privilèges refuse obstinément un gouvernement du Nouveau Front Populaire, pourtant première force politique issue des élections. Cette posture des soutiens d’Emmanuel Macron est affichée en attendant que certaines des composantes du NFP disposées à composer avec le groupe présidentiel dans un futur gouvernement fassent défection, sans égards pour les institutions et leurs règles. Face à ces manœuvres et revirements, une partie significative de ces forces d’oppostion continuera à exiger la rupture avec les politiques précédentes de gauche comme de droite. Plusieurs axes ont été clairement définis dans le programme du NFP : le combat contre la pauvreté et l’appauvrissement ; la lutte contre le racisme sous toutes ses formes ; l’abrogation de dispositions liberticides ; l’interdiction des violences policières ; l’action contre le dérèglement climatique et la destruction de l’environnement ; l’engagement pour la paix en particulier à Kanaky et en Palestine, où un génocide est perpétré depuis presque dix mois.

L’avènement du fascisme en France a été conjuré pour cette fois-ci. Mais la vigilance doit être de mise. La dynamique qui a permis de mobiliser fortement pour un programme social, écologique, antiraciste et anti-guerre a montré qu’il était possible de mobiliser au-delà des électeurs habituels de gauche. Faisons en sorte que notre sursaut ne soit pas qu’un sursis mais bien un succès !

[Tissa]

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Le RN, un parti « comme les autres » ???

Les récentes campagnes électorales des européennes et des législatives anticipées ont vu battre leur plein de « dédiabolisation » du Rassemblement National. Jamais les membres du parti n’ont été si présents dans les médias, et jamais leur score n’a été si haut dans les scrutins. Certains commentateurs n’hésitent plus à affirmer que celui-ci ne serait pas un parti d’extrême-droite, et leur légitimation en tant que force politique respectable semblerait presque acquise. Les électeurs du RN quant à eux, – les « fâchés pas fachos », exprimeraient par leur vote un mécontentement social plutôt qu’une adhésion réelle aux idées racistes et xénophobes du parti. En un mot, le racisme deviendrait ainsi une opinion « comme les autres »…

Si le processus de normalisation entamé par l’ex-Front National débute à la fin des années 1980, ce n’est qu’à la nomination de Marine Le Pen à la tête du parti en 2011 que des distances avec l’image encombrante du fascisme historique qui lui est associée depuis ses origines commencent vraiment à être prises. Il est en effet nécessaire de rappeler que le parti fut créé en 1972 par d’anciens combattants des Waffen-SS, des terroristes de l’Organisation de l’armée secrète (OAS) et des sympathisants néonazis et négationnistes. Pour Marine Le Pen, il s’agit alors de rendre le parti plus « présentable » aux yeux des électeurs et d’accéder au pouvoir par les urnes en élargissant sa base électorale.

La stratégie est simple, Louis Aliot, alors vice-président du RN et député européen en 2013, la détaille sans détour : « La dédiabolisation ne porte que sur l’antisémitisme. En distribuant des tracts dans la rue, le seul plafond de verre que je voyais, ce n’était pas l’immigration, ni l’islam… D’autres sont pires que nous sur ces sujets-là. C’est l’antisémitisme qui empêche les gens de voter pour nous. Il n’y a que cela… À partir du moment où vous faites sauter ce verrou idéologique, vous libérez le reste (…) »1. Quelques années plus tard, la manœuvre s’est avérée payante : en novembre 2023, Marine Le Pen défile auprès des autres partis politiques lors de la manifestation contre l’antisémitisme appelée par les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher. Et c’est dorénavant l’extrême gauche qui se retrouve conspuée du « verrou idéologique » de l’antisémitisme ; droite, extrême-droite et médias dominants y trouvant là un excellent moyen de décrédibiliser leurs adversaires. Le groupe de la France Insoumise en a d’ailleurs particulièrement payé les frais depuis le 7 octobre dernier dans une campagne calomnieuse menée contre elle.

Ainsi, le Rassemblement National ne serait plus le Front National antisémite et fasciste d’antan et ne constituerait plus une menace pour les valeurs démocratiques. Les déclarations sulfureuses du type de celles de Jean-Marie Le Pen comparant le génocide juif à un « détail de l’histoire » de la seconde Guerre mondiale, ou encore les saluts nazis et autres croix gammées arborées par des militants au crâne rasé d’ultra-droite ont été proscrit. Bien formés à la communication, les cadres du parti tentent d’éviter tout dérapage et soignent leur image. Dans une brochure de formation interne intitulée « L’image du Front National » parue au début des années 90, on peut y lire très explicitement : « Pour séduire il faut d’abord éviter de faire peur et de créer un sentiment de répulsion. Or, dans notre société soft et craintive, les propos excessifs inquiètent et provoquent la méfiance ou le rejet d’une large partie de la population. Il est donc essentiel lorsqu’on s’exprime en public d’éviter les propos outranciers et vulgaires. On peut affirmer la même chose avec autant de vigueur dans un langage posé et accepté par le grand public. De façon certes caricaturale, au lieu de dire : « Les bougnoules à la mer », disons : « Il faut organiser chez eux le retour des immigrés du tiers-monde »2. Les consignes sont glaçantes…

Pourtant, malgré toutes les précautions prises, régulièrement les déclarations embarrassantes de certains membres du parti sont épinglées dans la presse et craquellent le vernis communicationnel. Mais là encore, il reste possible de rattraper les sorties de route, comme a tenté de le faire Jordan Bardella durant les quinze jours de campagne législative anticipée en désavouant « quelques brebis galeuses » (bien que le nombre de brebis ne soit en réalité plus proche de celui du troupeau car dépassant la centaine de têtes… – comme l’a recensé le journal Streetpress3). Difficile de croire ainsi en un réel changement de fond de l’idéologie du parti. Il suffit d’ailleurs de se pencher sur les tracts ou programmes de campagne pour constater que le principal ressort du RN repose sur le rejet de l’immigration, et qu’à partir de celui-ci, se déclinent tous les maux censés y afférer : insécurité, islam, terrorisme, chômage… La « préférence nationale » et le rejet des étrangers constituent la colonne vertébrale du FN-RN depuis ses débuts.

Il est pourtant souvent entendu que le RN aurait opéré ces dernières années un basculement vers un programme socio-économique censé répondre aux attentes de la large tranche de son électorat – la petite classe moyenne composée d’ouvriers, employés et petits artisans, pour la plupart peu ou pas formés, et vivant dans les espaces péri-urbains ou ruraux. Les questions du pouvoir d’achat, de l’accès aux services publics, du maintien des écoles en milieu rural où des transports, seraient devenues les motivations principales incitant les classes populaires à voter pour le parti. Cette façade « sociale » est cependant problématique pour plusieurs raisons. Déjà, le programme économique du RN n’est en réalité que la continuité des politiques libérales menées depuis des décennies et ne répond en rien à ces préoccupations pourtant légitimes. De plus, elle place à l’arrière plan les aspects identitaires du parti et contribue là encore à rendre son image plus « acceptable ». Mais aussi, elle empêche d’analyser correctement les différentes dynamiques de vote en les priorisant les unes par rapport aux autres. En effet, comme l’a très précisément montré le sociologue Félicien Faury ayant enquêté auprès d’électeurs du RN durant plusieurs années4 : « A propos du vote d’extrême droite et de ses évolutions, beaucoup de débats ont pris la forme de ce qu’il faut bien appeler un faux problème, en mettant en opposition, d’un côté, les motivations électorales dîtes « économiques » et « sociales » (la peur du chômage, inquiétude face à la baisse du niveau de vie), de l’autre, des raisons désignées comme « culturelles » ou « identitaires » (le refus de l’immigration, le rejet de l’Islam).

Les raisons qui amènent à ce vote sont très fortement imbriquées les unes aux autres, et aux questions sociales s’articule une causalité identitaire et raciste. La peur du chômage peut être attribuée aux travailleurs immigrés venant « voler » le travail des « français », la détérioration des services publics liée à l’accaparement des aides sociales par les familles « étrangères », la dégradation de l’offre scolaire et la mauvaise réputation de certaines écoles publiques dues à une difficile cohabitation avec des minorités racialisées ne partageant pas la même culture ou la même religion, etc. Le vote RN ne peut alors se concevoir uniquement en un rejet des politiques menées par les autres formations politiques (le « vote sanction » ou vote « dégagiste »), ni se contenter de répondre à la formule simpliste du « on n’a pas encore essayer ». Les motivations du vote chez les électeurs du RN demeurent très fortement liées aux affects racistes comme en atteste la quasi-totalité des études sur le sujet. Une enquête de la CNCDH5 de 2015 montre que parmi les personnes déclarant une affinité partisane avec le RN, 82 % s’auto-identifiaient comme « plutôt raciste » ou « un peu raciste », ce qui constitue un niveau exceptionnellement élevé par rapport aux citoyens proches d’autres partis politiques. Une enquête d’opinion réalisée en 2022 indique que 92 % des électeurs RN déclarent penser que « la plupart des immigrés ne partagent pas les valeurs de notre pays et que cela pose des problèmes de cohabitation. »6

Pour autant, Félicien Faury rappelle le caractère multiforme et transversal du racisme : « Le racisme ne se résume pas à une seule forme fixe, monolithique et facilement identifiable. […] Il n’est pas l’apanage d’un groupe social particulier et peut dès lors se manifester sous différentes modalités, variables selon les profils sociaux et les positions de pouvoir occupées par les individus qui s’en font les relais. » En d’autres termes, le racisme traverse toutes les couches de la société et n’est pas seulement présent à l’extrême-droite, même s’il y apparaît sûrement sous sa forme la plus grossière. Le racisme doit s’appréhender dans sa dimension structurelle, c’est à dire à travers les rapports sociaux inégalitaires qui cimentent notre société. Il faut ainsi comprendre le racisme comme une construction politique dont le capitalisme a besoin afin de diviser les classes sociales et de maintenir son hégémonie. Dans son prolongement logique, les idées d’extrême-droite viennent s’appuyer sur la résignation et l’impossibilité supposées de sortir du système néolibéral et proposent comme unique échappatoire la construction d’un groupe rendu responsable de tous les problèmes. La dangerosité de l’extrême-droite tient donc au fait qu’elle détourne vers le bas des problèmes qui pourtant viennent d’en haut.

La normalisation des idées véhiculées par le RN en particulier, mais de manière plus générale l’acceptation de l’altérisation de la société (le rejet de l’autre), ne doivent que renforcer la nécessité à lutter contre le racisme et les inégalités de classes conjointement. Contrer la politisation de l’affect raciste mobilisé par le vote RN constitue dès lors l’une des étapes nécessaire pour se débarrasser de ce fléau.

[Fred]

1 Valérie Igounet, « Le Front national de 1972 à nos jours », Seuil – 2014, citée par Nonna Mayer dans « Le Mythe de dédiabolisation du FN » – La vie des idées – déc. 2015

2 Valérie Igounet, citée par Ugo Paletha lors du colloque « Extrême droite : le dessous des cartes. Comment la vaincre. » – Institut La Boetie – oct. 2023

3 « Propos racistes, homophobes, complotistes… La liste des 109 candidats RN épinglés », Streetpress – juil. 2024

4 Félicien Faury, « Des électeurs ordinaires, Enquête sur la normalisation de l’extrême droite », Seuil – mai 2024

5 Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme – Rapport 2015 sur la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie

6 Luc Rouban, « La vraie victoire du RN », Presses de Sciences Po – No. 2022, cité par Félicien Faury

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Retour du village de l’eau

Le village de l’eau, à Melle du 15 au 21 juillet, cet évènement géant, n’a pu se réaliser que grâce à un soutien très actif du maire, des élu.es de la commune et des porteurs de projets agricoles de la ferme municipale de la Genellerie. Ce maire déterminé a bravé différentes menaces : apaiser les tensions posées par la Coordination rurale, venue pour faire annuler l’évènement, afficher sa présence lors de l’intrusion d’éléments fascistes venus menacer les habitants de la ferme et prometttre de revenir, intervenir à plusieurs reprises auprès des forces de l’ordre afin qu’elles laissent passer les camions de matériaux et aliments pour la cantine et les stands.

Les forces de l’ordre étaient très présentes dès notre arrivée : fouille des voiture et des sacs, avec confiscation d’un casque vélo et un opinel de l’une d’entre nous, équipe cynéphile au cas où seraient transportés des explosifs. Au cours de la semaine, chaque jour, un peu plus de forces de police, chaque jour, un peu plus de contrôles, de drones et de tours d’hélicoptères, nuit et jour, ceux-ci survolant suffisamment bas pour nous empêcher de nous entendre à l’intérieur des chapiteaux.

Quatre organisations ont décidé de saisir le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers : l’Association de défense des libertés constitutionnelles, le Syndicat de la magistrature, Solidaires 79 et Attac, le survol du Village de l’eau par des drones a été partiellement annulé par la justice.

Une fois dans le village, l’ambiance est tout autre, tout le monde s’active pour terminer le montage des chapiteaux et barnums. La cantine est déjà en place, et une semaine à l’avance, les bénévoles sont venus préparer le lieu et les infrastructures. A noter une amélioration notoire dans la construction des toilettes sèches.

Pour se mettre dans l’ambiance de la sinistre actualité que nous vivons en France, une assemblée a ouvert ce village en organisant un partage d’expérience sur les résistances face à l’extrême droite : les groupes présents confirment cette préoccupation de s’organiser et d’affiner leurs stratégies ; faire vivre des lieux en se décloisonnant de la logique militante, installer des tables publiques dans des lieux publics, diffuser des médias produits localement, faire des campagnes d’affichage, faciliter l’entraide, les rencontres, une élue d’une petite commune plaide pour une formation des employés municipaux, autant de pistes d’action qui résonne bien dans nos vallées cévenoles, merci à l’Episode Cévenol de jouer le rôle de diffusion des questions qui nous préoccupent.

Tout au long des trois premiers jours, les assemblées et formations se succèdent : résistances sociales et écologiques dans le bassin méditerranéen et en Amérique latine, résistances palestiniennes et solidarités internationales, installation en agriculture paysanne pour résister et lutter, conflictualité de classes au sein de l’agro-industrie ou comment diviser la FNSEA, désarmer les méga-bassines, ouvrir une brèche dans le modèle agro-industriel, enquêter sur l’eau, l’extractivisme, la transition énergétique, venir échanger dans une assemblée des luttes anti-nucléaires, … et aussi pour se préparer aux manifestations : trouver un groupe affinitaire pour l’action, s’outiller face à la répression, atelier clown-activiste.

Dans le village, flottait un immense drapeau palestinien.

Les vendredi et samedi, on est passé à l’action!

 Afin de déjouer les forces de police, la manifestation du vendredi, prévue à 20km du village, a été déplacée au dernier moment, en se rendant au nord-ouest de Poitiers. L’objectif était de visibiliser la filière agro-industrielle en visitant l’entreprise Terrena, de remonter aux sources des problématiques des bassines qui sont l’accaparement de l’eau et des territoires par l’agro-industrie et de rappeler l’urgence d’un moratoire.

Dans l’avancée de la manifestation, les forces de l’ordre ont bloqué la route, ce qui a obligé les manifestants à couper à travers champs. Quelle stupidité des forces de l’ordre devant un champ sec, comment ne pas imaginer que les grenades risquaient de tout enflammer ? Car ce sont bien elles qui ont mis le feu à la paille (140 tonnes de paille perdues, le paysan a porté plainte contre Darmanin), mettant en danger les manifestant.e.s qui ont dû rebrousser chemin.

 A la Rochelle, le samedi, l’objectif a été atteint, avec une occupation de l’entreprise Soufflet du terminal agro-industriel du port de La Pallice à 5h du matin par tracteurs et paysans. Dans les cortèges de l’après-midi, l’un calme en bord de mer, l’autre a été nassé dans une rue, les manifestants noyés sous une pluie de lacrymogènes, certain.e.s en crise d’angoisse, d’autres cédant à la panique, se réfugiant là où ils trouvaient une porte ouverte. Après s’être rejoints, les 2 cortèges ont pu se retrouver dans la joie sur la plage de La Rochelle, aux yeux curieux et empathiques des touristes et baigneurs.

Sur la route du retour, tous les accès de sortie de la voie rapide, routes d’accès aux bassines,  étaient bloqués par des camions de crs .

Le samedi soir, un échange sur les luttes internationales avec des prises de parole de Kurdistan, Mexique, sans-papiers en France, Inde, Brésil… a appelé à une convergence des luttes et des alternatives à ces problématiques engendrées par le capitalisme.

Le dimanche matin était consacré à une table ronde sur la sécurité sociale de l’alimentation avec des syndicalistes agricoles et salariés de l’agro-industrie, des groupements de ré-appropriation de fermes, des systèmes d’aides alimentaires alternatifs.

L’après-midi, c’était l’heure d’un premier bilan: les participants d’une table ronde ont proposé la création d’un forum des mouvements de l’eau. Les enjeux autour de l’eau couvrent des problèmes très divers comme les bassines, la neige artificielle, l’eau en bouteille, les eaux polluées par les pesticides ou les produits chimiques, l’eau pour l’industrie numérique et électronique… L’ensemble des cycles de l’eau sont concernés qu’ils soient locaux ou globaux et tous les peuples subissent les dommages de leurs perturbations. Les modes d’actions et d’organisations sont multiples et très divers, les lieux où ils s’exercent sont urbains et/ou ruraux, ainsi que les cultures paysannes, syndicales, partisanes ou associatives. Ce forum devrait se réunir annuellement afin de permettre une connaissance et une interconnexion sur tous les continents des peuples de l’eau.

[jacqueline b., pierre s.]

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Épisode cévenol n°39

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« Je ne suis pas sur terre pour tuer des pauvres gens » (Boris Vian)

De crise en crise… Depuis ce fatidique jour de mars 2020 où le président déclara, voix de circonstance à l’appui, sur des antennes télévisées que nous évitions depuis longtemps, « nous sommes en guerre », on pourrait se demander « mais qu’est-ce ce qui va encore nous tomber sur la tête » ? Et nul ne peut nier, à commencer par lui, le président, qu’ on a pas mal dégusté depuis quatre ans. Mais là n’est pas mon sujet…

« Quel est votre sujet ? » Direz-vous. La macération. La macération qui s’opère dans les esprits, plus précisément.

Ce lent processus de ramollissement, de dégradation, de miasmes et d’émanations, cet affaissement dans lequel le dur écrase le mou, le liquide attaque le solide, l’arôme se mue en effluve nauséabonde. Les composants s’y fondent les uns dans les autres, sans consistance, sans résistance, sous l’influence conjuguée du temps et des éléments ambiants.

« Vous tenez des propos barbares ». Direz-vous. Mais non, depuis quelques mois Macron ne parle que d’armes, de guerre, de défense militaire, de réarmement. Récemment, il a évoqué l’urgence d’un « réarmement démographique », là, pour le coup, c’était barbare.

Le président affectionne les termes guerriers lorsqu’il s’adresse à ses concitoyens. Il nous assène qu’il faut « réarmer ». Même pour les femmes, il faut réarmer. Plaît-il ? Prendre les armes ? Avoir des enfants ? L’utérus serait devenu un fusil qu’il faut recharger ? Infâme. Ah, c’était une image, suis-je bête ! Une image Innocente ? Les images ne sont jamais innocentes. S’il faut comprendre que les femmes devraient avoir plus d’enfants dans notre pays, lui, ne peut pas ignorer que la maternité ou la non – maternité (à l’exception des cas pathologiques), relève d’un choix éminemment personnel, que son injonction civique, patriotique, politique, ou autre, est scandaleuse. De plus, à vouloir attribuer la baisse de natalité en France aux seuls problèmes de stérilité (« infertilité » dit-il gentiment), il tente d’en occulter les causes profondes. Précarité, plans sociaux en cascade, coupes budgétaires, système éducatif dégradé, fractures et clivages multiples, guerres à l’horizon. Tout individu normalement constitué réfléchirait à trois fois avant de se lancer dans l’aventure procréatrice. Faire des enfants pour trimer, la corde au coup, afin de les élever dignement, pour en faire des esclaves du capital, pour constituer un vivier de petits soldats disponibles pour une guerre qui lui semble désormais envisageable, voire inévitable. Non merci, monsieur le président.

La sémantique médiatisée est l’outil idéal, rien de tel pour préparer les esprits. Chaque mot compte, aucun ne peut être considéré comme anodin. Qui peut prétendre échapper à cet insidieux travail sur les consciences ? Ça macère, la guerre est en cours de macération, le processus semble bien avancé même. L’industrie française de l’armement se porte comme un charme. La production d’obus bat son plein apprend-t-on (1). La forte demande extérieure a propulsé la France au deuxième rang mondial des vendeurs d’armes, derrière les États-Unis. Parallèlement le pays s’est mis sur le pied de guerre. Souveraineté d’une part et juteux marchés de l’autre… La guerre en Ukraine a joué le rôle d’accélérateur d’ un mouvement enclenché en 2019, avec depuis une hausse de 47% du budget de l’armée (1). A cet arsenal meurtrier s’ajoute notre super joujou, l’aboutissement de notre technologie, notre fierté nationale, l’arme nucléaire, le fin du fin, fatale, létale , définitive. Le président promoteur de guerre gonfle ses muscles et menace même de l’utiliser contre Poutine. Comme si Nagasaki et Hiroshima n’avaient pas suffi.

La guerre c’est une affaire qui marche. Les armes représentent un marché florissant, avec un rapport de 1,8 € pour chaque euro investi selon les spécialistes qui se réjouissent de la bonne santé de notre industrie militaire (1). Celle qui crée des emplois et sème la mort. Outre les avions « Rafale », notre fleuron, nos canons « Caesar » constituent le « système le plus redouté et celui qui fait le plus de mal » (2), entendre de morts. Partout sur cette sanglante planète, de l’Ethiopie à la Syrie, du Yémen à la Palestine, de l’Ukraine au Soudan, de la Birmanie à la Somalie, partout règne la terreur, les grandes puissances se livrent à des guerres par procuration, sur les territoires des peuples innocents.

C’est acquis depuis longtemps, la mort des populations, quelles qu’elles soient, est actionnée par les dirigeants, ces «  messieurs qu’on nomme grands » (3). Ceux qui ont le pouvoir de juguler l’information, d’exalter des idéaux patriotiques, d’attiser la haine et semer la confusion, ont pris soin de placer leurs propres enfants à l’abri des combats et des bombes. Les familles endeuillées, elles, recevront des cercueils parsemés de quelques misérables fleurs, assisteront, pitoyables, à des cérémonies orchestrées, et auront droit à une dérisoire médaille à deux sous. Puis, l’Histoire les oubliera. Tandis que les tyrans sanguinaires mourront de leur belle mort, couverts d’honneurs.

Albert Einstein écrivait « les masses ne sont jamais avides de faire la guerre aussi longtemps qu’elles ne sont pas empoisonnées par la propagande ». Or, nous le sommes. De gauche comme de droite… Crédité de 13 % des intentions de votes aux élections européennes, Raphaël Glucksmann, candidat « de gauche », prône sans vergogne la mise en place d’« une économie de guerre », en phase parfaite avec Macron sur ce point. En apparence ce projet fait consensus, en apparence seulement. Il ne fait pas de doute que les voix de la paix sont étouffées par le discours dominant belliciste. En France, comme à l’étranger, il faut descendre dans la rue pour se faire entendre. Y compris en Israël, où des mouvements pacifistes, certes fort minoritaires, manifestent pour arrêter le carnage à Gaza, à contre- courant du rouleau compresseur génocidaire conduit par Netanyahou.

Chez nous, réclamer un cessez-le-feu, c’est suspect en soi. Cela signifie ne pas adhérer au principe du droit à la légitime défense d’Israël, principe intégré dans la position officielle de la France. Macron a attendu début mars pour réclamer un cessez-le-feu, et encore, seulement pour laisser passer l’aide humanitaire. Autrement dit : «  distribuez de la nourriture avant de continuer à tuer ». Ceux qui plaident pour la paix (hormis le RN par opportunisme ), deviennent aux yeux d’une opinion poreuse à l’influence des médias, au mieux des rêveurs arriérés, au pire des traîtres prêts à de honteuses compromissions, des « munichois » (bien que le rapprochement avec le traité de Munich ait ses limites), et enfin, paradoxalement, des soutiens du terrorisme.

Quand je pense à Gandhi, à Martin Luther King, assassinés pour avoir milité en faveur de la paix, quand je pense à Albert Einstein, Nelson Mandela, Stefan Zweig, et tant d’autres que je ne peux citer, tant la liste serait longue, je me dis qu’il faut un sacré courage pour défendre la paix. [Danielle]

1- France 24, 8 janvier 2024.

2- Revue Meta-Défense, avril 2024.

3-Boris Vian, Le déserteur.

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L’« apologie du terrorisme », une arme de criminalisation massive

La répression qui s’abat sur le mouvement de solidarité avec le peuple palestinien est sans précédent. Depuis l’offensive sanglante de l’armée israélienne à Gaza et en Cisjordanie qui perdure depuis plus de sept mois, le nombre de signalements et plaintes pour « apologie du terrorisme » et « incitation à la haine raciale » a explosé. Selon le ministère de la Justice, 626 procédures ont été lancées à la date du 30 janvier 20241. Depuis, des dizaines de nouvelles convocations ont été adressées à des personnes qui ont condamné l’agression israélienne ou exprimé leur soutien au peuple palestinien. En même temps, politiques et médias mènent une campagne nauséabonde pour discréditer quiconque replace l’attaque du 7 octobre des groupes armés palestiniens et la réponse israélienne dans un contexte historique, qualifie les massacres à Gaza de génocide et exige un cessez le feu immédiat. La liberté d’expression se trouve fortement entravée notamment depuis la circulaire du ministre de la justice du 10 octobre 2023 qui prévoit que « la tenue publique de propos vantant les attaques (…) en les présentant comme une légitime résistance à Israël, ou la diffusion publique de message incitant à porter un jugement favorable sur le Hamas ou le Djihad islamique (…) devront ainsi faire l’objet de poursuites »2.

En dépit de l’injonction de se conformer au vocabulaire autorisé qualifiant notamment les organisations Hamas et Djihad islamique d’« organisations terroristes » faut-il rappeler que des organismes comme l’AFP, la BBC ou Amnesty international n’utilisent pas ce terme qu’ils considèrent comme trop imprécis. Faut il également rappeler que seuls l’Union européenne et les USA ont classé ces organisations ainsi que d’autres partis politiques palestiniens, notamment de gauche, comme « terroristes » tandis que le reste du monde et l’ONU ne le font pas. Me Elsa Marcel qui défend M.Makni (voir ci-dessous) a souligné dans une plaidoirie : « Si on condamne des gens parce qu’ils refusent d’utiliser le mot de “terrorisme” pour les attaques du 7 octobre, est-ce que demain on va condamner les historiens, les chercheurs, les rapporteurs de l’ONU ou encore l’Agence France-Presse, qui refusent d’employer ce terme (…) ? Ce qui se joue ici, c’est la sauvegarde de la liberté du débat public. »3

 

Un des cas emblématique à ce jour d’une criminalisation abusive est celui de Jean-Paul Delescaut, secrétaire général de la CGT du Nord qui a été condamné le 18 avril pour « apologie du terrorisme » à une peine de prison d’un an avec sursis par le tribunal correctionnel de Lille en raison de la diffusion d’un tract. Celui-ci faisait l’effort de replacer l’attaque du 7 octobre dans un contexte historique. Rappelons également la condamnation le 26 avril 2024 de Mohamed Makni, élu socialiste d’Échirolles depuis 2001, à quatre mois de prison avec sursis pour avoir retweeté une phrase d’un ex-ministre tunisien des affaires étrangères qualifiant l’action du Hamas d’« acte de résistance »4. Il est de surcroît exclu du parti socialiste et perd sa délégation d’adjoint au maire. Des centaines de personnes sont convoquées par la police des mois après leurs publications et les procédures restent en suspens. Elles ne savent pas si elles seront poursuivies ou si l’affaire sera classée. Cette épée de Damoclès fait craindre aux mis en cause une condamnation en cas de « récidive ».

Se déploie en France une forme spécifique de maccarthysme mêlant l’accusation d’« apologie du terrorisme » et islamophobie, assimilant la critique du sionisme à de l’antisémitisme qui serait particulièrement virulent chez les musulmans. Le rôle que joue la Palestine dans le débat politique et médiatique extrême-droitisé est résumé par Edwy Plenel: « La Palestine sert ici d’énième prétexte pour banaliser ces thématiques discriminantes en assumant l’importation en France d’un conflit de civilisation, où Israël serait une bastille occidentale face au péril islamiste »5.

Sans caractériser la situation dans laquelle vivent les Palestiniens depuis des décennies de coloniale, sans prendre en compte l’apartheid, la dépossession, les destructions de maisons, les transferts de population, le siège de la Bande de Gaza, les assassinats et détentions administratives, etc. il n’est pas possible d’analyser l’action des groupes armés palestiniens. Sans connaître la genèse de la création d’Israël et le rôle de l’idéologie sioniste, il n’est pas possible de comprendre l’offensive israélienne. Toute lecture anticoloniale et antisioniste juive ou non juive des évènements est discréditée et poursuivie, en France et en Allemagne encore plus qu’aux États-Unis ou en Grande Bretagne. Les étudiants juifs décoloniaux prennent une part très active dans les occupations d’universités pour dénoncer le génocide à Gaza.

Comment occulter le fait que la réaction du régime israélien est d’une violence incommensurable tout en étant accompagnée d’un discours raciste et déshumanisant à l’égard de tous les Palestiniens. Yoav Gallant, ministre de la défense les considère être des « animaux humains » tandis que le général de division Ghassan Alian ajoute que « les bêtes humaines sont traitées en conséquence ». Benjamin Netanyahou de son côté estime qu’« il s’agit d’une guerre entre les fils de la lumière et les fils des ténèbres »6. Pourtant, les médias et politiques français, à quelques exceptions près, ne s’indignent pas de ce genre de propos mais au contraire les reproduisent sans crainte d’être poursuivis pour « haine raciale » à défaut de l’être pour « apologie de génocide ». Nous assistons à longueur de journée sur les plateaux de télévision à des débats hors sol dont le but est de détourner l’attention de ce que subissent réellement les Palestiniens et de participer à la criminalisation du mouvement de solidarité. Est ce que des responsables syndicaux et politiques qui réclament un arrêt des ventes d’armes à Israël font de l’« apologie du terrorisme » ? Est ce qu’une conférence sur la Palestine peut susciter « un trouble à l’ordre public » ? Est ce que brandir des mains rouges est de l’antisémitisme ?

Il n’a pas fallu attendre l’offensive militaire israélienne sur Gaza et la Cisjordanie pour que la répression frappe durement en France. Le mouvement social (Gilets jaunes, mobilisation contre la réforme des retraites,…), écologique (Soulèvement de la terre…) ou internationaliste connaît des restrictions et interdictions dans son expression depuis des années et des associations ont été menacées et certaines dissoutes à l’instar du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF). Mais depuis plus de sept mois nous assistons à une violation du droit d’expression comme jamais auparavant, accompagnée d’un discours islamophobe des plus inquiétant. Pendant des semaines de très nombreux préfets ont interdit les manifestations. Tout récemment encore Laurent Nunez, préfet de police de Paris, a interdit la manifestation « contre le racisme, l’islamophobie et pour la protection des enfants » du 21 avril sous prétexte quelle pourrait « porter en son sein des slogans antisémites ». Jamais autant de conférences n’ont été interdites, de militants associatifs, syndicalistes et politiques n’ont été interpellés ou poursuivis pour « apologie du terrorisme » ou « incitation à la haine raciale ».

Concluons avec l’avocat Raphaël Kempf qui rappelle judicieusement qu’en 2014 déjà, la loi initiée par le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve décrétait que l’apologie du terrorisme a pour but de « sanctionner des faits qui sont directement à l’origine des actes terroristes ». Puis en 2015, la circulaire signée par Christine Taubira demandait aux procureurs de poursuivre les auteurs présumés d’apologie du terrorisme avec « rigueur et fermeté », de façon « systématique », au besoin en comparution immédiate7. En conséquence, remarque-t-il, « on réprime donc la liberté d’expression pour éviter des attentats terroristes. Selon cette logique, si Mathilde Panot et Rima Hassan8 sont convoquées pour apologie du terrorisme, ce serait pour éviter la réitération des crimes du 7 octobre. L’argument confine à l’absurde et montre le danger de cette infraction9. »

Nous assistons à une dérive de l’État entamée il y a plus d’une décennie vers un autoritarisme de plus en plus décomplexé. Si le Rassemblement national devait un jour arriver au pouvoir, il remerciera la gauche et la droite au pouvoir depuis plusieurs mandatures pour un arsenal liberticide qu’il n’aura plus à imposer. Il est plus que jamais nécessaire de dénoncer ces politiques répressives et d’organiser une riposte contre la montée du fascisme.

[Tissa]

8 Respectivement Présidente du groupe parlementaire La France insoumise et candidate LFI aux européennes.

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“Terre et Liberté” – Entretien avec Aurélien Berlan

Aurélien Berlan était présent à Anduze le 28 avril dernier pour présenter son ouvrage « Terre et Liberté – La quête d’autonomie contre le fantasme de délivrance » paru aux Éditions La Lenteur. Nous avons souhaité nous entretenir avec lui…

– Tu vis aujourd’hui dans le Tarn après avoir passé une partie de ta vie en ville, notamment à Paris. Qu’est-ce qui t’as poussé à quitter le milieu urbain et que recherchais-tu à la campagne ?

Au début des années 2000, je me suis engagé dans le mouvement altermondialiste. J’ai alors compris qu’il y avait quelque chose de pourri dans le mode de vie que je menais et auquel j’étais, comme tous les gens autour de moi, condamné par l’organisation sociale. Ce mode de vie, on peut le définir, par analogie avec les notions de chasseur-cueilleur ou de paysan-artisan, comme celui de salarié-consommateur-électeur. Qu’on le veuille ou non, il repose sur l’exploitation brutale de la nature et des humains, même si l’on ne participe pas directement à cette exploitation : tout ce que je consommais (nourriture, vêtements, etc.) était produit dans des conditions inacceptables. Et même pour celles et ceux qui, comme moi, profitaient de cette exploitation en tant que citoyens des pays riches, il suppose une bonne dose de domination au travail, d’aliénation en tant que consommateur et de manipulation comme électeur. De sorte que j’avais une vie schizophrénique : je manifestais le samedi contre le système qui me faisait vivre toute la semaine. C’était insupportable, et je voyais bien que j’allais finir par devenir cynique si je ne parvenais pas à ne serait-ce qu’atténuer cette dissonance cognitive. J’ai eu alors l’impression qu’en vivant à la campagne, je pourrais desserrer un peu l’étau des contraintes me rendant totalement dépendant du système capitaliste, et donc atténuer la contradiction. Je n’en fais pas une stratégie politique ni une injonction morale, car desserrer l’étau n’est pas renverser le système (ce à quoi j’aspire), et que tout le monde n’a pas les moyens pour faire ce pas de côté. C’est un choix personnel qui explique en partie les questions que je me suis ensuite posées, et auxquelles j’ai tâché de répondre dans mon livre.

– La notion de liberté est un terme qui a été utilisé au cours du temps par de nombreux courants de pensées, parfois antagonistes. Tu montres qu’elle a souvent été assortie du désir de délivrance des tâches nécessaires à la vie quotidienne, peux-tu nous en dire un peu plus ?

La liberté est un idéal qui est au cœur de notre civilisation (sans que cette dernière n’en ait le monopole) et que je partage, si du moins on entend par là l’absence de domination sociale et politique (c’est le noyau dur et originel de la notion). Or, tout en s’en revendiquant bruyamment, notre civilisation n’a pas dépassé la domination. Bien au contraire, elle l’a exacerbée et globalisée, en se livrant à une exploitation inouïe des humains et de la nature (les deux plans étant reliés). J’ai voulu saisir l’origine de ce paradoxe en cherchant à identifier la composante précise qui, dans notre conception occidentale de la liberté, posait problème. Et je l’ai trouvée dans l’idée qu’être libre suppose d’être « délivré » des nécessités de la vie, c’est-à-dire des tâches liées à la subsistance, jugées en général pénibles et ennuyantes : produire sa nourriture, se procurer de quoi se chauffer et se loger, faire le ménage et la lessive, s’occuper de personnes dépendantes, etc. On n’est vraiment libre que lorsqu’on est libéré de ces « nécessités », au sens relatif de « choses à faire » tellement constitutives de notre mode de vie qu’on ne voit pas comment s’en passer.

Cette idée de délivrance est sous-jacente à la plupart des conceptions occidentales de la liberté, qu’elles soient antiques ou modernes, libérales ou socialistes. Force est de reconnaître qu’elle nous traverse toutes et tous, à divers degrés. Pourtant, cette aspiration si commune pose problème. Car pour être exonéré des contraintes du quotidien, il n’y a que deux solutions : s’en décharger sur d’autres personnes, ou bien sur des machines et des robots. Or, toutes deux ont de lourdes implications sociopolitiques et écologiques.

Si la liberté suppose de se décharger sur d’autres des nécessités de la vie, pour se consacrer à des activités jugées plus intéressantes ou réjouissantes, alors elle repose en fait sur la domination. Car il faut alors faire faire à d’autres ces tâches nécessaires qu’on ne veut pas assurer soi-même. Or, « faire faire » est la formule même de la domination sociale, qui repose toujours sur la séparation entre les exécutants qui font et les dirigeants qui disent à leurs subordonnés ce qu’ils doivent faire. L’histoire montre en effet que les dominants se sont toujours défaussés d’un certain nombre de tâches liées à la subsistance sur les groupes qu’ils dominaient, qu’il s’agisse des femmes, des esclaves, des serfs ou des ouvriers. Mais elle montre aussi qu’il y a plusieurs manières de s’y prendre, plus ou moins direct(iv)es et violentes, selon que cette délivrance passe par la menace de la violence armée et/ou par le dispositif impersonnel et indirect du marché.

On pourrait se dire que le recours à des machines pour nous délivrer des tâches pénibles devrait permettre de résoudre ce problème et de nous délivrer toutes et tous intégralement – cela a été l’espoir des industrialistes de gauche, à commencer par Marx. Mais le problème, c’est que l’exploitation industrielle de la nature suppose une division du travail se traduisant par une domination de classe : pour fabriquer et faire tourner ces machines, il faut extraire des métaux et exploiter des sources d’énergie, ce qui suppose un travail d’une pénibilité et d’une dangerosité abyssale ; il faut donc trouver les moyens de contraindre une part de la population à effectuer ces tâches dans les mines, les usines et les plantations. En bref, notre conception de la liberté, parce qu’elle suppose cette composante de la délivrance, implique toujours l’exploitation des autres et de la nature. Sauf à accepter de vivre sur le dos des autres, il est nécessaire de développer une autre idée de liberté.

– Quelles perspectives offrent la notion d’autonomie et quel sens lui donnes-tu ?

Comme celle de liberté, la notion d’autonomie peut être prise en des sens très différents. Quand on parle aujourd’hui, dans les milieux écologistes, de « cultiver notre autonomie alimentaire ou énergétique », cela signifie que l’on aspire à ne plus dépendre (ou moins) des grandes industries pourvoyant à nos besoins, et donc à reprendre en charge nous-mêmes ces nécessités. C’est le contraire de la délivrance et c’est cette conception-là de la liberté qu’il me semble nécessaire de promouvoir aujourd’hui, à condition d’éviter certains écueils.

En ce sens, l’autonomie est une conception sociale de la liberté : personne n’est capable d’assurer seul sa subsistance. Certes, on peut faire plein de choses, à l’échelle individuelle ou domestique, concourant à l’autonomie matérielle. Mais cela suppose de s’organiser avec les autres d’une autre manière que le propose le marché, où les « interdépendances » masquent bien souvent des dépendances asymétriques, donc des rapports de domination. Autrement dit, l’autonomie que je défends suppose une transformation sociale et, à ce titre, elle ne pourra pas être le résultat d’une somme de gestes individuels.

Si la recherche d’autonomie suppose de remettre en question la fascination moderne pour les moyens de production industriels et les technologies, qui nous « délivrent » effectivement d’innombrables tâches pénibles et, au-delà, des limites associées à la condition humaine, elle n’implique ni de diaboliser les moyens techniques ni de valoriser le labeur pour le labeur. Il faut faire preuve de discernement : distinguer les techniques qui soulagent nos peines et nos maux (ce qui est tout à fait légitime) des technologies qui, au prétexte de nous délivrer des nécessités de la vie sur terre, nous rendent toujours plus dépendants du système capitaliste.

– En quoi l’autonomie, pensée collectivement, peut-elle renouer avec les luttes paysannes, féministes et populaires ?

Au sens que je défends, l’autonomie a été au cœur des conceptions populaires de la liberté, notamment paysannes (en Occident et ailleurs), qui associaient la liberté (l’autodétermination) à la capacité à assurer sa subsistance (l’autosuffisance), et donc à l’accès aux ressources, notamment la terre – d’où le titre de mon livre. Ce qui s’est passé chez nous, c’est que cette approche de la liberté comme autonomie a été peu à peu marginalisée, et même invisibilisée par l’idée de délivrance, qui est d’origine aristocratique, urbaine et intellectuelle. Néanmoins, il y a eu des intellectuelles pour la sortir des oubliettes. On pense à Illich bien sûr, mais ce sont surtout des femmes, et avant tout l’écoféministe Maria Mies, qui ont compris que la liberté ne s’opposait pas au « règne de la nécessité » : elle s’oppose d’abord à l’esclavage, dont le développement est justement lié à la volonté de dépasser le « règne de la nécessité ». Telle est l’idée que j’ai voulu défendre, à rebours de l’obsession pour la délivrance qui a contaminé toute notre culture.

[Propos recueillis par Fred]

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Épisode cévenol n°38

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