Quand Macron paiera-t-il pour son « quoi qu’il en coûte » ?

Article paru dans l’Épisode cévenol numéro 21.

Est-ce rabat-joie de revenir sur la gestion de la pandémie alors que l’été s’installe peut-être enfin et que tout pousse à l’insouciance ? Interrompons la, le temps d’une réflexion, même partielle, sur une des mesures essentielles de Macron qui semble depuis sa propre maladie s’être mû en virologue-épidémiologiste et connaître le sujet. Les professionnels sont réduits à des figurants qu’heureusement les premiers concernés, c’est à dire nous, prenons souvent plus au sérieux que cela ne plaît au Président.

Rappelons nous : Le déconfinement rapide en décembre 2020 avait fait remonter le taux quotidien des infections à 25 000 tandis que la moyenne des décès se situait à 350 morts (tous les jours un airbus qui crashe!). En conséquence beaucoup étaient persuadés fin janvier qu’un confinement (puisque les errements de la politique sanitaire nous y contraignent) était imminent pour épargner des vies et éviter des malades.

Or, Macron a décrété qu’il ne fallait surtout pas fermer les écoles et laisser les parents s’occuper de leurs enfants. Il a imposé de surcroît un couvre-feu qui a mis en difficulté des millions de personnes dans l’organisation de leur vie courante.

Ce n’est qu’une fois les hôpitaux totalement débordés, les écoles contraintes de fermeture en raison du nombre de malades qu’il s’est enfin résigné à décréter un confinement… partiel, synonyme de boulot-métro-dodo au sens propre de l’expression. Il a donc poussé sa devise du « vivre avec le virus » jusqu’à l’extrême la présentant comme une performance héroïque. Selon lui, chaque jour de travail serait un jour de gagné, sans toutefois préciser pour qui. Les victimes de la maladie, en particulier du Covid long, et les parents et amis des morts l’en remercieront.

Et voici le bilan provisoire : Les deux mois « gagnés » ont coûté plus de 14 000 décès, près de 112 000 hospitalisations, dont 28 000 en réanimation, et environ 160 000 cas de Covid-19 long supplémentaires, selon les calculs de Le Monde qui a réalisé une étude « sous le contrôle de l’équipe de l’épidémiologiste Pascal Crépey, à l’École des hautes études en santé publique de Rennes ». Il faut y ajouter tous les malades non diagnostiqués et les morts indirectes pour manque de prise en charge.

Verrons nous Macron bientôt rendre des comptes ?

https://www.mediapart.fr/journal/france/180621/deces-dus-au-reconfinement-tardif-le-chef-de-l-etat-doit-assumer

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A la mémoire de Steve

Article paru dans l’Épisode cévenol numéro 21.

Dans la nuit du 21 au 22 Juin 2019 à Nantes lors de la Fête de la musique, l’intervention de la police fait tomber plusieurs personnes dans la Loire, au pied du Quai Wilson, où des Sound Systems avaient pris place pour la soirée.

La fête avait commencé comme les années précédentes. L’ambiance était toute aussi bonne. Ces dernières années, la police présente mais en retrait laissait la fête se dérouler et se terminer d’elle même. Les teufeurs fatigués quittaient les lieux tranquillement, au fur et à mesure. Jérémy se souvient être resté parfois sur le quai jusqu’en début d’après midi, le lendemain.

Mais cette année-là, le préfet de Loire-Atlantique souhaite que le son soit coupé à 4h. La plupart des DJ obtempèrent, sauf un qui, après un silence, lance un morceau bien connu : «Porcherie» du groupe Bérurier Noir.

L’intervention des forces de l’ordre commence. Les autorités disent avoir subi des jets de projectiles qui auraient déclenché cette intervention. La version des fêtards diffère  : l’offensive policière injustifiée pour disperser la foule aurait provoqué les jets de projectiles en réponse. Rien ne permet d’affirmer l’une ou l’autre version. Sur certaines vidéos, nous pouvons bien distinguer des jets de projectiles, mais l’offensive à déjà commencée.

Quoiqu’il en soit, dans cette nuit symbole de fête, de fraternité et de liberté, dans ce lieu qui se trouve au bout de l’île de Nantes dans un quartier quasiment inhabité, au bord d’un fleuve aux courants toujours tourmentés, le déploiement d’une telle force pose nécessairement question :

33 grenades lacrymogènes MP7
10 grenades de désencerclement DMP
12 Tirs de LBD 40

Des vidéos témoignent également de l’utilisation d’un pistolet à impulsion électrique (Taser) braqué sur une personne de dos et de coups de matraques portés sur des personnes au sol.

La police nie un «bond offensif» pour disperser la foule mais les vidéos montrent bien une ligne de policiers en équipements (casque – bouclier – matraque en main), avec un maître-chien, avancer dans cette direction. On entend également très rapidement et tout au long de l’intervention, des cris de personnes alertant les policiers du danger de la Loire qui se trouve derrière et leur signalant que des personnes sont tombées à l’eau à cause des «lacrymos».

A 4h30, lors de l’intervention des forces de l’ordre, près de trente minutes avant la marée basse, la hauteur de chute dans la Loire est d’environ huit mètres au niveau du Quai Wilson. La profondeur du fleuve est de près de cinq mètres.

Les eaux turbides et les courants forts, complexes et contradictoires créent des phénomènes de tourbillons particulièrement dangereux.

Les dangers du fleuve sont bien connus des Nantais et la police ne pouvait ignorer les risques d’une telle intervention sur le Quai Wilson.

Le corps de Steve Maia Caniço a été retrouvé le 29 Juillet 2019, plus d’un mois après sa disparition cette nuit là.

Rudy Burbant – Documentaire photographique et sonore sur l’impact de violences policières sur les corps et les vies. http://www.rudyburbant.fr/impact/

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Épisode cévenol n°21

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Le Putsch en marche

Article paru dans l’Épisode cévenol numéro 20.

Imaginons une tribune de généraux appelant ouvertement au putsch. Que se passerait-il? Evidemment, les protestations fuseraient de partout, les politiques, majoritairement, condamneraient, les partis d’opposition et les associations manifesteraient, les médias organiseraient des débats houleux et controversés, des sanctions tomberaient, des plaintes seraient déposées, etc.?

Eh bien 20 généraux viennent de lancer un tel appel. Le texte intitulé, Pour un retour de l’honneur de nos gouvernants est publié dans Valeurs actuelles , journal d’extrême droite, le 21 avril, jour du 60e anniversaire du putsch de généraux opposés alors à l’indépendance de l’Algérie. Tout un symbole!

Que disent ces haut-gradés séditieux actuels? D’entrée, ils préviennent: “L’heure est grave, la France est en péril, plusieurs dangers mortels la menacent”. Le mot clé est “délitement”. Qui selon eux sont responsables? Les “partisans haineux et fanatiques” qui provoqueraient “la guerre raciale” avec les termes de “racialisme”, “indigénisme” et les “théories décoloniales” (comprendre notamment les islamo-gauchistes); “l’islamisme et les hordes de banlieue” qui voudraient détacher des “territoires soumis à des dogmes contraires à notre Constitution”; la “haine” de certains manifestants (comprendre les black blocs). Selon eux, “face à ces “périls”, le gouvernement “silencieux” “louvoie”, bref, il n’agit pas. Et de poursuivre que “si rien n’est entrepris” pour protéger “nos valeurs civilisationnelles”, “l’intervention de nos camarades d’active sur le territoire national” sera inévitable, entraînant rien de moins qu’une “guerre civile” avec des “milliers de morts”. Une menace, on ne peut plus directe!

Rappelons que cette tribune a été précédée le 14 avril par un “document de travail” rédigé par seize généraux du Cercle de Réflexion Interarmées (CRI) destiné à l’ensemble des groupes parlementaires. Intitulé “Pour une stratégie globale contre l’islamisme et l’éclatement de la France” il se présente selon le JDD comme “un plan de bataille à ‘stratégie multidimensionnelle’ contre l’islamisme, l’immigration, la binationalité et la perte de repères dans la jeunesse”. Selon l’un des rédacteurs, “une guerre hybride nous a été déclarée, elle est multiforme et s’achèvera au mieux sur une guerre civile, ou au pire sur une cruelle défaite sans lendemain.”1

La publication de la tribune des généraux n’a suscité que trop peu de remous, la majorité politique s’est quasiment tue. Macron n’a pipé mot, les partis d’opposition ont regardé ailleurs ou approuvé, les grands médias ont surtout minimisé ou acquiescé. Tandis que Marine Le Pen a invité les rédacteurs à rejoindre son parti, rares sont ceux qui ont protesté: Jean-Luc Mélenchon a rappelé que la provocation à la désobéissance des militaires est passible de cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende et a fait un signalement auprès du Procureur de la République, qui lui ne voit pas matière à poursuites pénales!

Et voilà, qu’à peine 3 semaines plus tard, le 10 mai, on assiste à un nouveau tir de canon! Un deuxième texte, cette fois anonyme, est publié dans le même journal, par des officiers de «la génération du feu», ceux qui ont fait la guerre en Afghanistan, au Sahel et participé à l’opération sentinelle en France. Ils y défient le pouvoir qui laisserait “le communautarisme s’installer dans l’espace public, dans le débat public», (…) et «la haine de la France et de son histoire devenir la norme”. Face à la “déchéance”qui précéderait “l’effondrement”, ils incitent le gouvernement à sévir, car il y va “de la survie de notre pays”. Eux aussi se voient investis de la mission de rétablir l’ordre en cas de “guerre civile”. Mais ne sontils pas les protagonistes principaux de leur propre scénario martial?

Pour compléter la série d’interventions publiques de forces armées, rappelons que des “policiers en colère” ont adressé le 6 mai une lettre au Président dans laquelle ils exigent notamment de “procéder au bouclage des 600 territoires perdus de la République (sic!), y compris avec le renfort de l’Armée, en contrôlant et en limitant les entrées et sorties de ces zones par des checkpoints sur le modèle israélien de séparation mis en place avec les territoires palestiniens.” Cette référence aux méthodes israéliennes colonialistes acquiert une résonance particulière dans la situation actuelle d’agression généralisée sur les Palestiniens. Viseraient ils une guerre civile qu’ils ne s’y prendraient pas mieux!

Toutes ces déclarations publiques culminent dans l’appel à une manifestation, le 19 mai devant le Parlement, organisée par l’intersyndicale de policiers contre la Justice pour exiger “la mise en œuvre de peines minimales pour les agresseurs de Forces de l’Ordre”. L’érosion de l’Etat a-t-elle atteint un tel niveau que le ministre de l’Intérieur peut se permettre de participer à une manifestation au côté de factieux qui remettent en question une institution régalienne, à savoir la Justice, et ce au moment même où le Garde des Sceaux, représentant de celle-ci, intervient devant l’Assemblée?

Ces appels successifs de militaires et policiers à l’embrigadement de la justice et à une intervention militaire révèlent d’abord la faiblesse d’un Etat et d’une classe politique à la dérive qui n’ont comme principale réponse “disruptive” aux défis actuels qu’une surenchère nationaliste et sécuritaire. Pour les uns comme pour les autres les ennemis intérieurs sont identifiés (les islamistes, les racisés, les séparatistes, les islamo-gauchistes, etc.). Tous exhortent à serrer les rangs autour d’un grand narratif sur la “grandeur de la France” décliné en de multiples discours faits de valeurs, de principes, d’union, de nation etc. L’opposition, dans sa quasi-totalité, et une grande partie des intellectuels ont été happés et mis au pas.

Ne vivonsnous pas en réalité dans un état de guerre permanent? Une guerre contre les banlieues, les noirs et les musulmans, les gilets jaunes, les pauvres, les réfugiés, les luttes sociales, etc.

A jouer aux apprentissorciers fascistes, Macron et sa clique seront vite dépassés par les maîtres eux-mêmes. L’heure est grave, oui… [Tissa]

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L’ennemi qui viendrait d’ailleurs…

Article paru dans l’Épisode cévenol numéro 20.

Parmi les figures classiques de la rhétorique des partis d’extrême droite et des mouvements populistes, se dresse en bonne position le lien fantasmé du fait migratoire au phénomène terroriste. Cette corrélation, si elle est allègrement reprise et relayée par une large sphère médiatique aux lendemains d’attentats, relève également de constructions politiques profondément ancrées dans nos sociétés. Comprendre les déclarations anti-immigration tenues par de nombreuses personnalités politiques à la suite des récentes attaques de Conflans-Sainte-Honorine et Rambouillet requiert alors de replacer ce type d’amalgame fallacieux dans un contexte plus large.

L’immigration a de longue date été définie comme menace et source d’instabilité. De la « montée du chômage » à l’« insécurité dans les banlieues », du « délitement de l’identité nationale » au « communautarisme », c’est bien le spectre de l’immigration qui est brandi pour justifier de nombreuses questions structurelles en panne de solution politique et qui légitime des réponses d’ordre sécuritaire. Que se soit à l’échelon européen comme au niveau national, « les registres sécuritaires de la lutte contre le terrorisme et de la lutte contre l’immigration clandestine se trouvent totalement imbriqués tant dans les représentations et les discours que dans les politiques publiques »1. Depuis les attentats du 11 septembre 2001, la tendance que suivent les États de « fermer les frontières nationales pour se sentir plus en sécurité sur le territoire souverain, convaincu que la menace terroriste vient d’ailleurs. »2, renforce encore les discours sur la peur de l’immigration.

Cette « gouvernementalité par l’inquiétude » permet alors de passer outre les évidences les plus élémentaires, et les propos évoqués servent des intérêts politiques particuliers plutôt qu’une réelle volonté de cerner et de remédier à un problème donné. Ainsi, qu’une chercheuse au CNRS, spécialiste des migrations, rappelle que si l’on ramène les plus de 250 000 entrées légales et illégales par an au nombre d’attentats ou de tentatives d’attentats impliquant des personnes de nationalité étrangère, le résultat demeure « complètement marginal statistiquement », ne semble guère suffire à faire tomber le préjugé3. Qu’une étude récemment menée croisant les informations disponibles sur les flux migratoires dans 145 pays, entre 1970 et 2000, conclue qu’il n’existe pas de lien de cause à effet entre immigration et terrorisme, ne permet guère de contrer des propos infondés non plus4.

Ainsi, force est de constater que l’immigré est jugé non pour ce qu’il est, mais pour ce qu’il représente. Cette stigmatisation touche d’ailleurs aussi bien l’étranger « qui vient pour moins de trois mois dans un pays européen que l’enfant ou le petit-fils de quelqu’un qui s’est installé dans le pays il y a plus de quarante ans »5. Ce parti pris assimile de fait des populations entières à une identité présumée (communauté tchétchène, musulmans, « seconde génération » d’immigrés…), tenues responsables ou suspectées de nombreuses déviances. Si ce dangereux conditionnement de l’opinion publique par le politique demeure épisodiquement dénoncé par quelques défenseurs des droits l’homme et associations antiracistes, il n’en demeure pas moins problématique à bien des égards. Notamment en ce qu’il permet d’occulter tout débat et toute analyse contradictoires qui envisageraient des perspectives qui n’iraient pas dans le sens des discours politiques dominants ou qui rappelleraient des responsabilités institutionnelles sur la question.

Partant de là, les rapports rédigés par les anthropologues, démographes, économistes, sociologues, politistes établissant des liens de causalités et des éléments de compréhension avérés sur les facteurs concrets favorisant l’émergence du terrorisme et de la radicalisation passent alors au second plan – quand ce n’est pas à la trappe, happés par le feu médiatique de démagogues souvent racistes et xénophobes. Il devient alors aisé d’omettre le rôle qu’ont pu jouer les puissances occidentales dans l’implantation et l’émergence de groupes djihadistes lors de certaines interventions militaires6, les résurgences d’un passé colonialiste trop vite oublié, ou les conséquences des guerres prétendument nommées « anti-terroristes ». Les études réalisées par l’Observatoire contemporain du terrorisme, de l’antiterrorisme et des violences (OCTAV) montrent en cela l’absolue inefficacité de ces dernières quant aux finalités dont elles sont dotées et avancent que le phénomène est celui du « pompier pyromane » : loin de combattre le terrorisme, il l’alimente en nourrissant le ressentiment7.

Pour autant, la politique menée depuis des années et sur-alimentée récemment par les multiples lois anti-immigration, discriminatoires et sectaires ne font que renforcer un climat de suspicion stérile et accroître les potentialités de passage à l’acte terroriste et la radicalisation. Les théories fascisantes du « grand remplacement », les débats sur le séparatisme, où les déclarations tenues au plus haut sommet de l’État français ciblant particulièrement les populations immigrées de confession musulmane ne peuvent ainsi qu’engendrer crispations et exclusions, là où une acceptation de l’altérité apporterait une solution. Comme l’indique un politologue spécialiste de l’islam politique : « Nous fabriquons ces individus qui choisissent – parmi de très nombreuses autres possibilités – une expression binaire, clivante et totalisante de leur appartenance religieuse. Le recours à la violence sectaire fait donc suite à des dysfonctionnements majeurs du vivre ensemble européen ou oriental qui poussent ces individus à la rupture. »8 Ainsi, plutôt que de chercher à combattre le terrorisme, mieux vaudrait commencer par cesser de le créer.

[Grenouille]

5Didier Bigo, « Sécurité et immigration : vers une gouvernementalité par l’inquiétude ? », Cultures & Conflits – Printemps été 1998

6A ce sujet, lire : « L’occident et les Djihadistes : Chronique d’une hypocrisie », Acta Zone, 24 octobre 2020

7Voir notamment : « Guerres et terrorisme : sortir du déni », Nouvelobs – 14 novembre 2020

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France, terre d’asile?

Article paru dans l’Épisode cévenol numéro 20.

Une certitude très répandue est que la France serait une terre accueillante pour les étrangers, trop accueillante pour certains. Or la réalité montre que le nombre de demandeurs d’asile comme celui de migrants n’est pas particulièrement élevé ne sont pas particulièrement élevé. Que n’avons nous pas entendu comme inepties sur ce thème ? Que d’inepties n’avons-nous pas entendues sur ce thème? Afin de corriger ces erreurs, contre- et demi-vérités, nous allons en relever quelques unes des plus courantes et fournir des chiffres pour clarifier le sujet.

Combien de fois dit-on que “nous ne pouvons accueillir toute la misère du monde!, alors que la très grande majorité des personnes contraintes de quitter leur pays ne se rend) pas en Europe (moins de 20%). Dans un top 10 des principaux pays d’accueil, réalisé pour l’année 2018, figurent la Turquie (3,7 millions de réfugiés), le Pakistan (1,4 million), l’Ouganda (1,2 million), le Soudan (1 million), le Liban (1 million), mais pas la France.

Ces dernières années, plusieurs millions de personnes ont dû fuir la guerre dans leurs pays d’origine, en particulier en Syrie, en Afghanistan et en Irak, des milliers d’entre elles ont péri en mer. En 2015, l’année où l’arrivée de réfugiés en Europe a été la plus importante, 1,2 million de demandes d’asile ont été enregistrées. Tandis qu’en France, elles ont été de l’ordre de 70 000 (6% du nombre global), elles atteignaient plus de 440 000 en Allemagne (35%).1

Même en 2019, lorsque la France a accueilli 143 000 premières demandes d’asile2, elle n’était en Europe qu’en 7e position en nombre rapporté à la population du pays. Par contre le taux d’acceptation n’est que de 40%. Un nombre important de personnes déboutées quittent le pays tandis que certaines parviennent à être régularisées après plusieurs années de démarches ardues.

Il est erroné de croire qu’en facilitant l’accès à l’asile, le nombre de réfugiés augmenterait. En réalité, les politiques d’asile de plus en plus restrictives ne font que croître le nombre de clandestins qui ne peuvent souvent plus retourner dans leurs pays d’origine ou se rendre ailleurs. On estime qu’environ 30 000 sans-papiers entrent chaque année en France3. Cependant, tous ne restent pas dans le pays. Quant aux entrées régulières, comptabilisées par le nombre de cartes de séjour octroyées, l’augmentation est également plutôt modérée: de 220 000 en 2010 à 260 000 en 2019.4 Ces quelques chiffres sont utiles pour relativiser l’image que certains ont voulu esquisser à propos d’une vague de migrants qui aurait submergé la France.

L’idée est répandue que la situation économique de la France ne permettrait pas l’accueil des étrangers, or il est avéré que plus ces personnes sont accueillies dans le respect de leurs droits, plus elles s’insèrent dans le tissu social et économique et participent à la richesse culturelle et sociétale. Bon nombre d’entre elles disposent de diplômes, ce qui devrait faciliter leur insertion) leur faciliter l’insertion.

Un autre à-priori prétend que ce ne sont quasiment que des hommes seuls qui arrivent en France. Or, selon les chiffres du HCR, en 2019, parmi les 96 000 personnes enregistrées à leur arrivée en Europe par l’Espagne, l’Italie, la Grèce, Chypre et Malte, 53% étaient des hommes. L’UNHCR note: “En février 2016 en Grèce, période de très fortes arrivées ayant amené l’Union européenne à conclure un accord avec la Turquie, les hommes représentaient 38% des entrées, les femmes 22% et les enfants 40%.”5

L’abandon des mineurs non accompagnés

Ces mineurs quittent leurs pays pour différentes raisons: « ils fuient des persécutions liées à des conflits ou d’autres situations de violence et sont demandeurs d’asile, ils désirent rejoindre leur famille déjà présente en France ou en Europe, ils veulent accéder à une vie meilleure, étudier ou travailler dans le pays, ils sont victimes d’un réseau d’exploitation ou de traite des êtres humains…»6. Beaucoup sont originaires d’Afrique subsaharienne, généralement de zones de conflits ou de guerre, et passent par la Libye où ils subissent l’esclavage et des tortures. Ils débarquent en Europe, traumatisés, après un voyage périlleux. En France, environ 17 000 mineurs, en majorité des garçons sont arrivés respectivement en 2018 et 2019.

Théoriquement, tout mineur, qu’il soit étranger ou non, a droit de mise à l’abri. En conséquence, les mineurs isolés qui demandent l’asile doivent être pris en charge par les services des départements non seulement dans leurs démarches administratives mais également en matière d’hébergement, de santé et d’éducation. En fait, ils sont confrontés à la contestation par les départements de toutes les informations qu’ils donnent : leur âge, leur parcours, leur origine, les risques qu’ils encourent. Il faut donc en premier lieu que leur minorité soit reconnue. Or ils doivent parfois attendre des mois avant d’être entendus ou de passer un test osseux (radio du poignet et des dents de sagesse) qui malgré son manque de fiabilité, à cause d’une marge d’erreur de deux à quatre ans, reste un critère d’évaluation de leur âge.

En pratique, même s’ils obtiennent une ordonnance de placement par un juge, ils ne sont pas toujours suivis par l’Aide Sociale à l’Enfance mais souvent livrés à eux-mêmes, parqués dans des hôtels sans accompagnement ou même laissés dans la rue. Mais même s’ils bénéficient d’une protection pendant leur minorité, une fois majeurs, ils devront affronter de nombreux obstacles qui font que leur statut demeure toujours précaire.

Les mineurs isolés, en cas d’infractions, sont victimes de traitement judiciaire sévère et peuvent être plus facilement incarcérés que des mineurs français, notamment parce qu’ils n ‘ont pas de famille ne sont pas en famille. Comme les infrastructures (foyers, centres de rééducation) ne suffisent pas et ne sont pas adaptées, il arrive qu’ils soient emprisonnés. En prison, ils ne sont pas non plus suivis correctement par manque de personnel et de compétences appropriés. Quand ils sortent, nombreux sont ceux qui reprennent malheureusement leur parcours là où ils l’ont laissé, c’est-à-dire dans la délinquance.

Entre 2018 et 2020 plus de 18 000 réfugiés enfants et adolescents non accompagnés ont disparu des radars des administrations européennes. Ce chiffre est sous-estimé car plusieurs Etats, dont la France, ne répertorient pas ces disparitions car même s’ils ont été enregistrés à leur arrivée, ces jeunes n’ont pas été tous suivis. Ils sont souvent victimes de réseaux de traite d’humains et esclavagisés dans la prostitution, le travail forcé ou le trafic de drogues7.

Mais il y a aussi des mineurs isolés qui grâce notamment à l’accompagnement de personnes privées ou d’éducateurs dévoués réussissent à se faire une place, suivre une formation et s’adapter à leur nouvel environnement. Beaucoup ne demandent qu’à trouver une place dans la société, suivre un apprentissage pour devenir autonomes dans de bonnes conditions. Ne faudrait-il pas développer les conditions pour que ces jeunes, souvent éprouvés par leurs expériences passées, soient accompagnés dans l’apprentissage d’une nouvelle vie en toute sécurité et sérénité. ?

[Cévennes sans frontières]

4 idem

5 UNHCR, Portail de données en ligne

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La route pour la Vie !

Les zapatistes nous rendent visite ! Pour la première fois, une délégation du mouvement zapatiste du Chiapas (Mexique) se rendra sur les cinq continents, en commençant par l’Europe à partir de mi-juin.

Le soulèvement zapatiste s’est déclaré en 1994 au Chiapas, jour d’entrée en vigueur du traité de libre-échange nord-américain (ALENA), au cri de “Ya Basta!”. Il s’oppose à l’exploitation, au racisme, à l’oppression des femmes et de tous les genres, à la militarisation, à la destruction de l’environnement…

Les zapatistes s’engagent dans la construction de structures autonomes dans les domaines de la santé, de l’éducation, de l’auto-gouvernement, de l’égalité des sexes, de la production, des médias et de la justice. Depuis leur soulèvement en 1994, ils ont réalisé des améliorations considérables pour leur base sociale ainsi que pour de nombreux autres mouvements. En outre, ils continuent à inspirer de nombreuses luttes sociales au Mexique et dans le monde.

Avec cette initiative, les zapatistes veulent briser la résignation, semer l’espoir et ébranler à nouveau le statu quo du système en place ainsi que construire de nouvelles voies de solidarité et de luttes – avec nous.

Les zapatistes ont souhaité payer eux-même leurs trajets vers l’Europe mais proposent d’aider à leur retour. Un réseau de solidarité constitué pour l’occasion prend donc en charge celui-ci et les frais du voyage à partir de leur arrivée en Europe et à l’intérieur des différentes régions du continent. Beaucoup d’argent est nécessaire pour ces frais et la logistique. L’argent ne doit pas être un frein à la réussite de ce voyage.

Pour en savoir plus sur ce voyage et pour contribuer au financement de cette initiative émancipatrice et porteuse de perspectives, un appel à don est lancé, il est consultable à ce lien : https://www.helloasso.com/associations/une-montagne-en-haute-mer/collectes/la-route-pour-la-vie-2021

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Épisode cévenol n°20

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Une pandémie n’est pas une fatalité

Article paru dans l’Épisode cévenol numéro 19.

La pandémie du Covid 19 est hors de contrôle en France. Toutes les mesures prises depuis l’automne dernier ont au mieux freiné sa progression mais sans l’infléchir, et nous voici, 15 mois après son apparition, toujours englués dans les mêmes questionnements, confrontés aux mêmes incompétences et tributaires de la même irresponsabilité de l’exécutif. C’est pourtant évident : Si le taux d’incidence des infections est en hausse c’est parce que les lieux de travail, les écoles, les cantines et les transports en commun ne sont toujours pas désignés comme sources essentielles de contamination. Quid des usines, chantiers, abattoirs, entreprises diverses, bref tous les secteurs qui ne peuvent passer en télétravail ? Il est bien plus simple d’incriminer exclusivement les comportements individuels.

Quelle différence d’approche du pouvoir en matière de pandémie entre 2020 et 2021 ? L’an dernier, après avoir occulté de fin janvier à mars la progression de la maladie, Macron martelait que nous étions en guerre contre le virus, aujourd’hui il veut nous convaincre qu’il nous faut vivre avec. Personne ne sait si de nouveaux variants, plus dangereux, apparaîtront, ni combien de temps durera la protection du vaccin. Des épidémiologistes craignent déjà une 4e vague à l’automne ! Aux Etats-Unis, malgré un taux de vaccination de 30 %, les infections et les morts augmentent à nouveau.

Le but affiché est d’atteindre l’immunité collective de 90 % (!) en ayant été infecté ou vacciné. Au prix d’un crash d’avion quotidien en terme de morts, de plus de 30 000 personnes hospitalisées pour Covid 19, de 10 % des personnes malades atteintes d’un Covid long (lésions multiples d’organes, impacts sur la santé mentale, etc.), de dizaines ou centaines de milliers de décès à retardement en raison des déprogrammations d’opérations et d’examens médicaux. On sait déjà que la mortalité en 2020 dépasse de plus de 9 % celle de l’année précédente, que l’espérance de vie a baissé de 0,4 an, une première depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Des chiffres qui donnent le tournis alors que ne sont pas évalués les morts pour absence de traitement mais également dans un autre registre, les ravages psychologiques et les dégâts socio-économiques.

Depuis un an, nous vivons sous un régime de restrictions plus ou moins sévère qui frappe fortement notre vie sociale et professionnelle, sans toutefois affecter la Finance et les grosses entreprises qui bénéficient de toutes les largesses des parapluies financiers déployés par l’Union européenne. Comment se fait-il que de nombreux commerçants craignent d’ores et déjà devoir fermer boutique définitivement après cette crise alors que les bourses, elles, s’envolent ?

Nous nous attendions tous à un confinement fin janvier et comprenions à ce moment la nécessité de réduire les 20 000 infections par jour à 5 000 au plus pour permettre le suivi des cas (taux qui avait bien été annoncé lors du 2e confinement fin octobre 2020 mais jamais vraiment visé pour cause de préparatifs de Noël). Et voilà que Macron annonce vouloir gagner du temps pour… sauver notre liberté, pariant sur notre santé. Pendant ce temps, une loi liberticide après l’autre passe à coup de forceps (loi de sécurité globale, loi sur le séparatisme, réforme de l’assurance-chômage). En dépit de son vœu pieux, nous vivons sous cloche depuis des mois tandis que les infections continuent d’exploser pour dépasser 40 000 aujourd’hui. Qui profite de cette politique à courte-vue si ce ne sont les grands patrons ?

Cette navigation à vue, sans aucune stratégie, sans « visibilité », sans étapes fondées sur des données et non des dates, au bon vouloir d’un individu narcissique et présomptueux n’est autre que criminelle. Infantilisés, comment nous projeter, prendre les choses en main quand nous sommes soumis à une personne qui décide de confiner pendant un mois, tout en annonçant l’ouverture des terrasses de café mi-mai et ne plus jamais fermer les écoles ? Que fera-t-il à ce moment ? Laisser encore une fois filer le virus, promettre le vaccin pour tous, dans la perspective de partir en vacances ! Rendez-vous en septembre ?

Malgré les souffrances endurées ces derniers mois, 54 % de la population est aujourd’hui, favorable à un confinement strict s’il sert durablement à maîtriser l’épidémie. A croire que nous sommes bien plus raisonnables et responsables que ne l’est ce président. De plus en plus de collectifs refusent de se laisser tromper par ces dirigeants, et disent non. Soignants, enseignants, parents d’élèves et travailleurs, ils et elles ne veulent plus trinquer et décident de reprendre les rênes notamment de la gestion de l’épidémie. Certains, encore trop peu, refusent de travailler. Des collectifs développent des concepts de sortie de pandémie qui prennent en compte à la fois l’aspect sanitaire mais également social (salaire pour tous) tout en remettant radicalement en cause les modes de vie et de production qui nous sont imposés. Le but doit être la réduction drastique des infections car à ce jour nous ne savons pas si les vaccins actuels sont une solution durable. Relevons ce défi ensemble en nous appropriant des moyens de lutte contre le virus et inspirons nous des réflexions d’autres collectifs pour développer des stratégies à long terme. Cette épidémie n’est malheureusement pas passée et ne sera peut-être pas la dernière. [Tissa]

Pour plus d’infos: https://zero-covid.org/language/fr/

https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/300321/regagnons-nos-libertes-par-la-strategie-zero-covid-solidaire

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Le temps des cerises

Article paru dans l’Épisode cévenol numéro 19.

Cris d’alarme des personnels soignants, messages d’alerte des enseignants, occupation des lieux de culture par les intermittents du spectacle et les précaires… La crise du Coronavirus qui était qualifiée à ces débuts de sanitaire revêt au grand jour, après de longs mois de mesures restrictives et de vie « sous cloche », son caractère social et politique. Et les maux entraînés par celle-ci trouvent de plus en plus clairement leur origine dans le fonctionnement de la société telle que nous la connaissions déjà auparavant.

Dans de nombreux esprits, la même question semble se poser : les conséquences de la crise auraient-elles été celles qu’elles sont à ce jour dans une société où le nombre de places dans les hôpitaux ne soit pas soumis aux impératifs budgétaires ? Où la santé de tous ne soit pas fragilisée par l’agro-industrie, la sédentarité du mode de vie moderne et la pollution ? Où la garantie d’un logement décent et d’un revenu assuré fasse qu’une période de confinement ne soit pas une gageure pour plus d’un ?

La réponse bien évidemment est non, un monde débarrassé du néo-libéralisme n’aurait pas connu une gestion de crise aussi calamiteuse que celle promue par les gouvernements actuels. Et ce constat semble se diffuser assez largement, où en tout cas venir raviver un certain nombre de luttes déjà en cours avant l’arrivée galopante de cette nouvelle épidémie. Car, souvenons-nous, les revendications des milieux hospitaliers ne portaient-elles pas déjà sur le manque de moyens, les tarifications à l’acte et les logiques gestionnaires concrétisant depuis bien longtemps le tri et la priorisation des soins des malades ? Les enseignants n’exigeaient-ils pas déjà un allégement du nombre d’élèves par classe et non leur fermeture ? Les militants écologistes ne s’opposaient-ils pas déjà à la destruction de la biodiversité et à l’exploitation sans retenue des ressources naturelles, telle la déforestation, connues de longue date comme facteurs privilégiés d’apparition des zoonoses ?

La crise a ainsi exacerbé des tensions sociales pré-existantes mais a aussi renforcé des inégalités déjà largement dénoncées dans notre société. Les violences faites aux femmes, les difficultés liées à l’emploi ou les questions du mal-logement devenues criantes lors des périodes répétées de confinement n’en sont que des exemples. Mais ces mesures induites par une gestion de l’épidémie aux conséquences pourtant lourdes ne semblaient pas suffire au gouvernement en place. Celui-ci a de surcroît décidé durant cette même période de renforcer son autoritarisme légitimé par l’état d’urgence sanitaire en proposant la loi liberticide sur la sécurité globale, et a sans complexe choisi d’accroître la pression exercée sur les plus précaires avec une énième réforme de l’assurance chômage…

Dans un monde qui peut nous paraître lointain, mais qui ne date seulement que de 2018/2019, le mouvement des Gilets Jaunes et bien d’autres soulèvements ayant eu lieu de par le monde s’opposaient aux ravages imposés par la globalisation de l’économie et les pouvoirs arbitraires. Dans un temps encore plus ancien, Jean-Baptiste Clément, communard acharné, écrivait les paroles d’une célèbre chanson qui allait devenir le symbole de l’insurrection parisienne et accompagner de nombreuses luttes populaires depuis les 150 ans qui nous séparent de cet événement. Il est bien évidement difficile de prédire l’issue de la crise actuelle, mais si un vent contestataire souffle de nouveau avec assez de vigueur, espérons qu’il nous débarrasse au plus vite de toutes les épidémies, qu’elles soient virales ou capitalistes !

[Grenouille]

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