Gardanne est-elle abonnée aux industries écocidaires ?
Le feuilleton des boues rouges se poursuit avec la mise en examen de la société Altéo dont, « (…) avec l’indulgence de l’État et malgré les dénonciations des défenseurs de l’environnement et les alertes des scientifiques, l’usine de Gardanne (…) a rejeté en mer près de 30 millions de tonnes de boues de coloratio rouge (…). » (le Monde, janvier 2024)
C’est sans doute la même indulgence qui a permis à la centrale « biomasse », également installée à Gardanne, de redémarrer sans que les études d’impact obligatoires aient été réalisées, mais avec un engagement financier de l’État de 800 millions d’euros (voir l’article détaillé dans le numéro 45 de l’Épisode Cévenol).

Et voilà que dans ses conclusions (tout aussi indulgentes), rendues le 15 juillet dernier, « La Commission chargée de l’enquête publique émet un avis favorable au complément à l’étude d’impact prenant en compte les effets indirects de l’approvisionnement en bois de la centrale biomasse GAZELENERGIE (…) ». i
- 2086 contributions ont été recueillies, dont 86% de citoyens, que la commission nomme « particuliers »…
- 30% ont été jugées « hors sujet » (probablement celles qui ont voulu évoquer, entre autres, le scandale de l’énergie perdue, appelée « énergie fatale » – ces gens ont décidément un drôle de vocabulaire. La commission, dans ses conclusions, se contente de regretter sa non-utilisation.)
- les thèmes les plus évoqués sont la gestion de la ressource à 21%, l’impact sur les milieux naturels à 17%, le bilan carbone à 13%.
Sur ce dernier point, sur la base du scénario de fonctionnement annuel de 5 000h présenté dans le dossier, l’intensité carbone serait de 234 kgCO₂e/MWh. À comparer avec une centrale au gaz (418), une centrale photovoltaïque (30), une centrale éolienne (10) et une centrale nucléaire (6).
Du bois dont on fait les pipeaux
L’avis de la commission d’enquête est assorti de 5 réserves et 4 recommandations, dont celle-ci :
« Les sociétés d’exploitation forestière sont contrôlées lors des chantiers par le donneur d’ordre, généralement un GFP Gestionnaire Forestier Professionnel en forêt privée et par l’ONF en forêt publique. »
Dommage, les Gestionnaires Forestiers Professionnelshabilités à effectuer ces contrôles sont bien peu nombreux dans la région (un seul en Lozère, aucun dans le Gard, ni dans l’Hérault) …
Quant à l’ONF, ses effectifs sont passés de 15 000 travailleurs en 1985 à moins de 9 000 en 2020, et la Macronie vient d’y recaser, au poste de présidente, une lobbyiste qui compte parmi ses clients… La Fédération Nationale du bois ! (Mediapart, 25 août)
Et les contrôles préconisés le sont sous forme d’engagements, de « chartes », aucunement contraignants puisqu’il n’est nulle part question de sanctions. L’indulgence est sans limites…
Pour l’association Canopée, « la forêt souffre avec les premiers effets des changements climatiques et sa croissance ralentit. Le puits de carbone est en baisse. Augmenter la récolte n’est pas la solution. A récolte constante, nous proposons plutôt d’accroître la part des produits bois à longue durée de vie avec une transformation sur notre territoire. »ii
Là encore, le gouvernement fait preuve d’indulgence en assouplissant l’encadrement du label bas carbone (Le Monde, 4 septembre).

Capitalisme décomplexé : exploitation, rentabilité, exportation…
La forêt n’est jamais vue comme un écosystème vivant, mais comme une ressource économique, gisement d’un matériau destiné à être avalé par la grande gueule de la centrale. Qu’importent les services écologiques rendus par ce milieu si riche en biodiversité, pour la Commission d’enquête il faut « organiser le regroupement des propriétaires forestiers privés, afin que leurs parcelles puissent disposer d’un document de gestion durable et que l’exploitation en devienne rentable. »
Quand même, une suggestion (et une information) : « (…) le bois déchet est une ressource à retenir. En effet, l’ADEME indique qu’en 2023, 566 189 tonnes ont été collectées dans la région PACA. La quasi-totalité de ce gisement est exportée en Italie et Espagne. »
Le chemin vers des territoires autonomes est encore long : abîmer la forêt, c’est entraver les pratiques de subsistance, telles que décrites par les sociologues Geneviève Pruvostiii et Fanny Hugues qui souligne que « ces pratiques sont particulièrement rendues possibles par la proximité de bouts de forêts, terrains et jardins(…). »iv
[Marie Motto-Ros]
i https://www.hautes-alpes.gouv.fr/Actions-de-l-Etat/Environnement-bruit-risques-naturels-et-technologiques/Participation-du-public-Enquetes-publiques/Enquetes-environnementales/Biomasse-de-la-Centrale-de-Provence-sur-les-communes-de-Gardanne-et-Meyreuil
ii https://www.canopee.ong/campagnes/encadrer-les-bioenergies/
iii Geneviève Pruvost, 2021, Quotidien politique. Féminisme, écologie, subsistance, La Découverte, Paris.
iv https://www.territoires-audacieux.fr/reportages/2025/08/14/debrouilles-rurales-modestes-economie-ecologie/