La répression des luttes écologistes s’inscrit dans une chronologie qui suit celle des lois.
La première loi contre le terrorisme et les atteintes à la sûreté de l’État date de 1986.
Mais l’État avait déjà tué le 31 juillet 1977, Vital Michalon, militant anti-nucléaire contre le projet de surgénérateur à Creys Malville.
En 2003, est promulguée la 1e loi sécurité intérieure : la répression se renforce … voici quelques dates de cette période qui suit :
> en 2004, Sébastien Briat, militant anti-nucléaire, est tué en voulant empêcher un transport de déchets nucléaires par train,
> de 2008 à 2018, c’est « l’Affaire de Tarnac », la destruction de caténaires EDF sur ligne de chemin de fer,
> jusqu’en 2016, de nombreuses mobilisations pour défendre la ZAD de Notre Dame des Landes, échec de l’opération César en 2012 (opération d’expulsion des lieux d’occupation), cependant un blessé grave a une main arrachée,
Rappelons que B. Retailleau, ministre de l’intérieur actuel a été le plus fervent détracteur de cette lutte. Le 26 octobre 2014, Rémi Fraisse meurt suite à un tir de grenade, lors d’une mobilisation contre le projet de barrage à Sivens,
> Depuis 2003, les faucheurs volontaires sont eux aussi fortement réprimés avec plusieurs dizaines de procès pour fauchage, neutralisations, occupations et visites citoyennes, plusieurs centaines de milliers d’euros d’amendes, de dommages et intérêts (jusqu’à 400 000 € à Toulouse), procès pour refus de prélèvement d’ADN et fichage, prison ferme de 2 à 4 mois et avec sursis de 2 à 6 mois.
En 2017, suite aux attentats de 2015, la loi sécurité intérieure est renforcée.
En 2021, 2 lois (sécurité globale, relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement) intensifient fortement l’arsenal répressif.
Au cours de cette dernière période (2017 – 2021) on assiste à une véritable répression guerrière, que ce soit les Gilets Jaunes, les Soulèvements de la Terre dont les actions contre Lafarge, les collectifs anti-bassines avec systématiquement : arrestations, gardes à vue, blessés (plusieurs fois graves) et le déchaînement de violence que l’on a connu à Sainte Soline en mars 2023.
Cette année 2024, on a eu droit pour les Jeux Olympiques à un plan vigipirate renforcé, avec sécurité démesurée dont la reconnaissance faciale. Ce plan devait être provisoire, mais le sera-t-il vraiment ?
La violence s’exerce dans chacune des étapes de la répression : arrestation, garde à vue, moyens de l’enquête, procès. Nous les détaillerons ci-dessous à partir d’éléments puisés dans 3 luttes emblématiques : Tarnac, Bure et Lafarge.
Tarnac : des caténaires EDF sur plusieurs lignes de chemin de fer sont détruites.
Bure : mobilisations depuis 2016 contre le projet Cigéo d’enfouissement de déchets nucléaires de haute intensité à Bure.
Lafarge – Bouc Bel Air (plaine de la Crau) et Val de Reuil (proche de Rouen) : mobilisations sur plusieurs sites contre le plus gros producteur mondial de ciment et actuellement en procès pour son soutien financier à Daesh.
> Arrestations
A chaque fois, ce sont une dizaine de personnes arrêtées, même jour, au petit matin, avec perquisitions musclées. A noter que pour l’action Bouc Bel Air, les personnes arrêtées le même jour, à la même heure se trouvaient dans 13 lieux différents sur le territoire français.
> Gardes à vue
Les personnes arrêtées sont ensuite transférées dans des locaux adaptés, qui permettent à la fois de les interroger dans des salles spéciales et de les isoler.
La garde à vue « classique » est de 24h, elle peut être prolongée à 48h. Une garde à vue de 72h concerne un acte d’une extrême gravité. Celle de 96h est réservée aux actes de terrorisme ou trafic de drogue.
Les copaines arrêté.es pour l’action Bouc Bel Air ont été en garde vue pendant 96h. Après leur arrestation, iels ont été transféré.es (menotté.es dans le dos, avec un bandeau sur les yeux et un masque chirurgical sur la bouche) au 4e sous-sol de la sous-direction anti-terroriste (SDAT) à Levallois Perret.
Les interrogatoires et leurs salves de questions alternent avec l’isolement des gardé.es à vue.
L’objectif est de faire parler des personnes qui refusent de parler.
Plusieurs non respect du droit ont été relevés : des menaces pour prise d’ADN, confidentialité d’entretien avec l’avocat non respectée.
> Isolement
Pendant la garde à vue, il y a une volontaire obstruction de signes de présence d’autres militant.es gardé.es à vue.
Après la garde à vue, les personnes ont des interdictions de contacts entre elles, des interdictions de territoires, et ceci pendant plusieurs années.
> Moyens de l’enquête
Les moyens mis à disposition sont gigantesques : une panoplie qui s’étend avec chaque loi : écoutes téléphoniques, retranscriptions SMS, réseaux sociaux, logiciels espions dans les smartphones, bornes placées sous les voitures, bornage antenne relais, images caméras, filatures pédestres et en voiture.
A Bure, une cellule de gendarmerie spéciale Bure a été créée.
> Procès
Il y a de multiples procès : première instance, correctionnelle, appel, cassation, qui s’échelonnent sur plusieurs années
Pour Tarnac, cela a duré 10 ans et il n’y a pas eu de condamnation !
Pour Bure, plusieurs procès et après 6 ans de procédure 3 des 9 inculpés ont été condamnés à 3 mois avec sursis.
Pour Lafarge, cela ne fait que commencer ….. et déjà 2 procès.
Tous ces moyens représentent des coûts très importants
La cellule spéciale Bure a employé 5 à 10 personnes à temps plein pendant plusieurs années.
L’Andra (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs), donne 10 millions/an à l’armée pour assurer la protection du site Cigéo.
Comprendre et agir
Les personnes arrêtées sont désormais considérées comme faisant partie d’« associations de malfaiteurs », ce sont des terroristes, ce qui témoigne d’une volonté politique de criminaliser les manifestant.es, dans l’objectif de faire peur, diviser, décourager et de justifier ainsi l’emploi de tous les moyens cités, y compris quand ils entraînent la mort ou de graves blessures.
Il faut aussi évoquer la loi séparatisme (août 2021), qui a été utilisée pour l’annonce de la dissolution des SDLT et pour la convocation à la commission d’enquête parlementaire sur Sainte Soline1 (le procès de 2 copaines s’est tenu le 22 novembre). Elle a complété l’arsenal de répression et de surveillance (fichage, cellule Demeter …).
La prétendue violence dont il est question publiquement (Etat, médias) est toujours celle des militant.es écologistes, la violence réelle de l’État (blessé.es récent.es de Ste Soline, de l’A69) est tue. Désormais dénoncée publiquement par les observateurs locaux (dont la Ligue des Droits de l’Homme), et très médiatiquement par le rapporteur spécial de l’ONU, Michel Forst, présent à l’A69, qui « pointe les manquements de la part des forces de l’ordre, notamment de privation de sommeil et de nourriture » et « demande aux autorités françaises de prendre des mesures immédiates de protection des Ecureuils2.
Actuellement, comment s’organiser ? « Nos mouvements ne recherchent ni les blessés ni les martyres. On doit se méfier de toute sorte de romantisme à ce sujet-là. Pour autant, l’expérience nous a démontré que si on n’est pas capable de s’opposer physiquement à des travaux et à la police, ils ne s’arrêtaient malheureusement pas. Si on se donne les moyens de le faire, avec la solidarité d’un large ensemble d’organisations et en apprenant comment se protéger, on peut retrouver un rapport de force en notre faveur et obtenir un renoncement aux projets écocidaires » témoigne B. des Soulèvements de la Terre. [Jacqueline]
1 https://lessoulevementsdelaterre.org/blog/22-novembre-2024-proces-commission-enquete-sainte-soline
2 Les écureuils sont les militant.es, certain.es pendant plusieurs semaines, qui se sont perché.es sur les arbres du tracé de l’A69 pour empêcher leur destruction.